Malika Habel, directrice générale du Collège de Maisonneuve de 2013 à 2023 (Courtoisie Collège de Maisonneuve)

UNE DÉCENNIE À LA BARRE DU COLLÈGE DE MAISONNEUVE : LE BILAN DE MALIKA HABEL

Après avoir effectué deux mandats à titre de directrice générale du Collège de Maisonneuve, Malika Habel a récemment pris sa retraite de ses fonctions. EST MÉDIA Montréal s’est entretenu avec elle pour examiner les défis que celle-ci a relevés durant cette décennie à la tête de l’établissement d’enseignement.

Malika Habel a été à la tête du Collège de Maisonneuve de 2013 à 2023. Avant d’intégrer ces fonctions, elle fut d’abord directrice adjointe au Cégep André-Laurendeau, puis directrice des études au Cégep de Maisonneuve.

Lors de son entrée en fonction en tant que directrice générale, il y a plus de dix ans, la femme s’est d’abord attaquée à l’amélioration des espaces physiques de l’établissement. « C’est un des premiers cégeps à avoir vu le jour (NDLR en 1967) ». En effet, le collège a été agrandi à plusieurs reprises depuis sa création, son plus ancien édifice appartenant à l’origine aux frères de Sainte-Croix et ayant été construit en 1935. « Certaines de ses ailes avaient besoin de beaucoup d’amour, incluant son célèbre jardin intérieur », affirme Mme Habel.

Le jardin intérieur du collège, inauguré en 2023 (Courtoisie Collège de Maisonneuve)

En 2023, c’est sous la direction de Mme Habel que le Collège procède à l’inauguration de ce lieu verdoyant. Cet espace d’une capacité de 375 personnes sert évidemment de lieu d’étude et de détente aux étudiants, mais peut aussi être loué pour des événements privés, comme des mariages et des 5 à 7.

Une autre rénovation aura lieu prochainement. En effet, à l’été 2022, le ministère de l’Enseignement supérieur a mis en place les fonds nécessaires à un projet d’agrandissement du collège, à hauteur de 52 M$, dans un contexte où l’établissement déclarait depuis 2009 manquer d’espaces pour sa clientèle étudiante. Rattaché physiquement au bâtiment principal par une passerelle, le pavillon en question aura quatre étages et abritera des laboratoires d’informatique, des espaces administratifs ainsi que des aires de travail, d’études et de regroupements pour les étudiants. Les travaux devraient être lancés cette année.

Gestion de crise

Durant son premier mandat, Mme Habel a dû répondre à une crise d’image importante lorsque 11 étudiants du cégep ont été visés par un mandat d’arrêt parce qu’ils étaient soupçonnés de vouloir aller rejoindre le groupe armé de l’État islamique, en Syrie. « On aurait pu jouer à l’autruche et se dire : « C’est catastrophique! » Mais on a plutôt décidé d’utiliser nos ressources, pour non seulement passer à travers, mais aussi développer nos pratiques. On a été catastrophés, mais on a réagi rapidement », raconte l’ancienne directrice.

Ainsi, le Collège est allé chercher du financement auprès du gouvernement afin de créer le projet pilote du Vivre-ensemble. En 2016, le ministère de l’Enseignement supérieur a octroyé au cégep une subvention de 400 000 $ pour mettre en place des mesures d’appui à la diversité ethnoculturelle. Antérieurement à cette subvention, l’Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants du Collège de Maisonneuve a produit le rapport de la recherche-action « Les étudiants face à la radicalisation religieuse conduisant à la violence : mieux connaître pour mieux prévenir », la première étude du genre au Canada sur la radicalisation en milieu scolaire. C’est sur la base des recommandations de ce rapport que le projet pilote Vivre-ensemble a pris appui. Celui-ci s’est déroulé de mars 2016 à juin 2017 et a mis la table pour la création d’un poste de travailleur de corridor, un travailleur social intra-muros. Des espaces de dialogues ont été mis en place et le forum « Tout le monde n’en parle pas » a permis d’approfondir la réflexion des étudiants et du personnel enseignant sur l’enjeu de l’endoctrinement des jeunes.

En avril 2018, Mme Malika Habel a reçu le Prix interculturel de Montréal Abe-Limonchik, dans la catégorie « individu », qui visait à récompenser une personne s’étant engagée dans l’évolution des relations interculturelles et dans la promotion de la diversité. De plus, un documentaire présenté sur les ondes de Radio-Canada en 2020 intitulé Maisonneuve – À l’école du vivre-ensemble  retrace les événements et les efforts entrepris par le Collège pour favoriser l’intégration culturelle de ses étudiants.

Transmission et accessibilité des connaissances

En 2023, le Collège de Maisonneuve inaugure son Hall précommercial intégré. Ce projet se veut dans la continuité de la mission des centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), dont trois sont présents au Collège de Maisonneuve.

Cet espace situé au 5600, rue Hochelaga regorge d’équipements industriels permettant la création de prototypes dans les domaines, entre autres, de l’alimentation, de l’emballage et du cosmétique pour le secteur privé. Le bâtiment est composé d’équipements, de laboratoires d’analyses, de bureaux et d’un hall industriel où œuvrent les chercheurs de deux CCTT : le Centre d’études des procédés chimiques du Québec et l’Institut de technologie des emballages et du génie alimentaire (ITEGA).

« L’idée est d’avoir quelque chose pour produire des lots à petite échelle, mais qui peuvent permettre de dire : « Ah oui, je l’ai et puis ça marche! » », explique Mme Habel.

Un des espaces du Hall précommercial (Courtoisie Collège de Maisonneuve)

Le concept mis sur la table en 2016 prendra plusieurs années à voir le jour. Encore une fois, le manque d’espaces pour répondre aux ambitions d’expansion du cégep aura été un frein au projet. « On aura finalement été obligé de se contenter de plus petits locaux. C’est beaucoup plus modeste, mais ça permet de démontrer ce qu’on voulait démontrer », insiste Mme Habel.

Créer des ponts entre les entreprises et le monde collégial, ou encore nourrir les ambitions des étudiants pour le milieu universitaire, est toujours l’objectif de Mme Habel. Effectivement, à titre de membre du Conseil supérieur de l’éducation et de présidente d’ESPA-Montréal, un pôle régional de spécialisation et d’innovation en santé, celle-ci croit qu’un accès pour tous à l’éducation sera au cœur des réflexions futures en enseignement supérieur.

« Dans un contexte où on connaît des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs, avoir le modèle des cégeps, qui est unique au Québec, c’est un atout. C’est un lieu où tous peuvent recevoir une éducation, peu importe l’âge ou les acquis. Ça nous permet d’ouvrir plus de portes. C’est important, parce que je crois que dans les prochaines années, on aura besoin de jeunes allumés. C’est pour cette raison que l’inclusion culturelle, la formation et la recherche vont main dans la main au Collège de Maisonneuve », conclut Mme Habel.