REPENSER LES CENTRES D’ACHATS DE L’EST
Les centres d’achats sont appelés à changer leur vocation dans l’est montréalais, alors que leurs propriétaires veulent repenser leurs grandes surfaces pour répondre aux besoins de densification et de développement durable. Trois centres commerciaux majeurs de l’est seront complètement transformés d’ici les prochaines années. Du moins, si les promoteurs immobiliers parviennent à leurs fins. Les Halles d’Anjou, les Galeries d’Anjou et la Place Versailles font tous l’objet de projets modifiant leur fonction, délaissant les espaces uniquement commerciaux pour des sites mixtes qui incluent des immeubles résidentiels. Et l’avènement du prolongement de la ligne bleue du métro, qui devrait se concrétiser en 2030, n’a fait qu’accélérer ces ambitions.
Halles d’Anjou : des consultations à venir
En 2022, un projet de densification du Marché les Halles d’Anjou, propriété sise au 7500, boulevard des Galeries-d’Anjou, a été présenté à l’arrondissement. Les plans déposés visaient à agrandir le bâtiment du centre d’achats côté avenue des Halles afin d’y accueillir des logements.
Selon le site Internet du promoteur immobilier Construction Jadco inc. et les documents déposés par l’entreprise auprès de l’arrondissement en mars 2022, le projet résidentiel est un complexe immobilier se composant de 2 tours de 20 étages chacune et d’un bâtiment bas dont la hauteur varie entre 2, 6 et 8 étages. On propose aussi un parc, avec des aires de jeux pour les enfants et de multiples espaces verts.
Toutefois, il se peut que la version telle que présentée dans ces plans ne voie pas le jour à cause de l’opposition de certains citoyens. Dans un court entretien téléphonique, Sabrina Dugay, vice-présidente aux bureaux montréalais chez National, une firme de relations médias embauchée par le promoteur, indique que le projet demeure en suspens. En effet, celui-ci a été déposé en tant que projet particulier de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI) à Anjou en 2022, car l’usage résidentiel n’est pas autorisé dans la zone affectant la propriété envisagée.
Ainsi, selon les documents diffusés durant la séance du conseil d’arrondissement en septembre dernier, l’administration d’Anjou était favorable au projet, adoptant les deux premiers projets de résolution du PPCMOI. « Cependant, une demande des personnes habiles à voter d’une zone contiguë à amener le promoteur, Jadco, à retirer sa demande. Le conseil d’arrondissement a donc adopté une résolution indiquant le retrait du PPCMOI, à la demande du requérant », précise-t-on dans les documents de l’arrondissement.
Or, puisque l’administration est d’avis qu’il s’agit d’un « projet structurant pour le secteur et qui permettra la densification d’une propriété située à proximité de la future station de métro de la ligne bleue », les élus ont décidé de faire une requête à la Ville de Montréal pour qu’une consultation publique soit tenue devant l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM).
Le promoteur souhaite toujours présenter un projet permettant de répondre à la crise du logement, selon National. Malgré cela, tant que la Ville de Montréal n’aura pas accepté la demande d’Anjou pour des consultations publiques, on ne sait pas quelle forme celui-ci prendra, affirme-t-on.
Galeries d’Anjou : un projet axé sur le transport
Du côté des Galeries d’Anjou, l’arrivée de la ligne bleue pourrait là aussi donner lieu à une métamorphose pour le centre d’achats de plus d’un million de pieds carrés zonés commercial.
Chez Ivanhoé Cambridge, bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec et propriétaire du complexe situé au 7999, boulevard des Galeries-d’Anjou, la venue d’un terminus du métro de Montréal à proximité du site « pourrait également permettre la réalisation de projets de densification […] avec notamment du résidentiel, un produit qui demeure un grand besoin dans la métropole ». « Des concepts à haut niveau sont considérés pour ce site, mais il s’agit d’analyses très préliminaires et il est trop tôt pour en dire plus », souligne le promoteur dans un courriel.
Toutefois, d’après le registre des lobbyistes Carrefour lobby Québec, un délégué de la firme Fahey & Associés a fait des représentations en 2023 auprès de l’arrondissement d’Anjou, de la Ville de Montréal et de la Société de transport de Montréal (STM) « afin de modifier les règlements d’urbanisme (plan urbanisme et zonage) pour permettre la réalisation d’un projet de redéveloppement résidentiel/mixte ».
De plus, selon des documents présentés par Cadillac Fairview, un ancien copropriétaire des Galeries d’Anjou, l’entreprise prévoyait créer un « nouveau centre-ville » dans l’est de Montréal dans le cadre d’un plan immobilier de 2,5 milliards de dollars. Ces informations ont été diffusées dans un mémoire déposé devant la Commission publique sur le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal en mars 2020.
Le concept dévoilé proposait 5 000 unités d’habitation, un campus de bureaux et un parc linéaire, le tout aligné au-dessus du futur terminus de la ligne bleue. La proposition vise à créer un développement dense et mixte, centré autour d’une rue de quartier intégrant les édicules du métro, des espaces de bureaux, des commerces, des services de proximité et des parcs urbains. Cette approche s’inscrit dans les principes de quartier TOD (Transit-Oriented Development).
Lors de la Commission sur le prolongement de la ligne bleue, Cadillac Fairview contestait l’approche de la STM. Celle-ci avait précédemment émis un avis d’expropriation pour une portion de près de 70 000 mètres carrés située sur une partie du terrain du centre commercial pour la construction d’infrastructures dans le projet de prolongement de la ligne bleue.
Depuis, le centre d’achats a récemment été acquis dans son entièreté par Ivanhoé Cambridge, alors qu’il était autrefois détenu conjointement et à parts égales par celle-ci et Cadillac Fairview. Selon un article de La Presse, les dirigeants d’Ivanhoé Cambridge auraient été insatisfaits de la gouvernance du dossier par Cadillac Fairview et souhaitaient prendre en main les négociations avec la STM.
La Place Versailles mieux intégrée à son milieu
Un peu plus au sud, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM), la Ville de Montréal a entrepris une ambitieuse initiative de revitalisation du secteur entourant la station de métro Radisson.
Un rapport clé, « Réinventer le secteur Radisson : Programme particulier d’urbanisme (PPU) de l’aire TOD Radisson », émis par MHM en février 2022, dessinait les contours de cette revalorisation. Le territoire ciblé s’étend autour de la station de métro Radisson et est encadré par des artères telles que des Groseilliers à l’ouest et l’autoroute 25 à l’est, et inclut la Place Versailles.
Ce secteur, riche en mètres carrés, présente un potentiel de transformation significatif et pourrait devenir un « milieu de vie complet, défini par la mobilité durable et adapté aux changements climatiques », selon le PPU Radisson.
Le projet de requalification devrait être soumis à l’OCPM en 2024. L’importance de la mixité émerge dans les discussions autour de la Place Versailles, qui occupe une part significative du secteur. Les propriétaires du centre d’achats discutent avec la Ville pour redéfinir l’avenir du site et envisagent un projet immobilier mixte incluant des éléments résidentiels, commerciaux, et des espaces de bureaux, comme nous l’avons énoncé dans ce précédent article.
Les consultations publiques à venir permettront à la population de s’exprimer sur ces projets, mais des orientations préliminaires ont déjà été dévoilées dans le rapport « Réinventer le secteur Radisson ». Les schémas proposés révèlent entre autres la possibilité d’intégrer plusieurs nouveaux édifices résidentiels au site de la Place Versailles.