MÉTAMORPHOSE ANTICIPÉE DU SECTEUR RADISSON ET DE LA PLACE VERSAILLES
Comprenant des centaines de milliers de mètres carrés, dont une importante partie est consacrée à l’automobile sous la forme de réseaux de transports ou de places de stationnement, le secteur aux alentours de la station de métro Radisson possède un fort potentiel de revitalisation et est appelé à être transformé dans les prochaines années, dans « une perspective de mobilité durable et de carboneutralité », selon la Ville de Montréal.
Dans le rapport « Réinventer le secteur Radisson : Programme particulier d’urbanisme (PPU) de l’aire TOD* Radisson », publié en février 2022, l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) définit le territoire visé dans son projet de revalorisation. Celui-ci s’articule autour de la station de métro Radisson et est délimité par la rue des Groseilliers à l’ouest, la rue Pierre-Corneille au nord, l’autoroute 25 à l’est et la rue Joseph-Daoust au sud.
« On y retrouve notamment la Place Versailles, l’un des plus importants centres commerciaux de l’est de l’île de Montréal, conférant ainsi au secteur un rôle de pôle régional », note-t-on dans le document.
Bordé par l’autoroute 25, le secteur est facilement accessible en automobile depuis plusieurs villes de la région métropolitaine. De plus, avec son terminus métropolitain d’autobus, la station Radisson « constitue un véritable pôle de correspondances pour les réseaux d’autobus aux échelles locale et régionale. En effet, on y compte 822 passages d’autobus chaque jour », comme une dizaine de parcours de la STM et une douzaine de lignes desservant diverses municipalités, dont Boucherville, Laval, Repentigny, Terrebonne et Joliette. Ainsi, « à eux seuls, les parcours d’autobus de la STM, de la STL et d’EXO sont responsables de 71 % de l’achalandage du métro en heure de pointe du matin et de 58 % en pointe d’après-midi », souligne-t-on dans le rapport.
Sont aussi présents à proximité l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, l’auberge Royal Versailles, le poste Longue-Pointe d’Hydro-Québec, une succursale de la SAQ, une épicerie de la chaîne Provigo, un stationnement incitatif de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et la Buanderie Centrale de Montréal.
Il s’agit donc d’un secteur à fort potentiel, dont la transformation pourrait donner lieu à « un milieu de vie complet, défini par la mobilité durable et adapté aux changements climatiques », selon le site Internet du PPU Radisson.
Après des années de consultations et d’études, le projet de requalification du secteur passera vraisemblablement devant l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) en 2024, selon les informations obtenues par EST MÉDIA Montréal.
« Lorsqu’un projet sera déposé par le propriétaire [de la Place Versailles], le développement du secteur Radisson sera soumis à une consultation d’envergure organisée par l’OCPM, afin que la population ait l’opportunité de s’exprimer sur le projet. Le secteur Radisson présente un potentiel de transformation très intéressant, et j’anticipe avec intérêt ce qui sera proposé », indique dans un courriel Pierre Lessard-Blais, maire de MHM.
Une nouvelle vocation pour la Place Versailles
En effet, ce n’est plus un secret, la Ville, MHM et les propriétaires du centre d’achats Place Versailles sont en discussion pour examiner l’avenir de l’édifice qui occupe la majeure partie du secteur concerné par le PPU Radisson. Aujourd’hui propriétés de William Gregory et de la famille Dubrovsky, le terrain de la Place Versailles compte une superficie de 168 474,30 m² (incluant son stationnement) et le bâtiment lui-même comporte une aire d’étages de 83 313,00 m². On y retrouve 236 locaux non résidentiels.
Plusieurs articles de La Presse et du journal Métro ont auparavant rapporté que des lobbyistes avaient été embauchés par la compagnie de gestion Place Versailles inc. pour négocier une « entente de développement avec la Ville de Montréal pour la transformation graduelle de Place Versailles en projet immobilier mixte ». La nouvelle mouture du site prévoit des éléments résidentiels, commerciaux ainsi que des espaces de bureaux, peut-on lire dans le mandat inscrit au Carrefour Lobby Québec. La portion résidentielle comprendrait des logements sociaux, des condominiums et des appartements locatifs, selon les documents émis en 2021.
Bien qu’il faille attendre les consultations publiques de l’OCPM à ce sujet avant de pouvoir connaître la vision des décideurs publics pour le site du centre d’achats, des orientations ont été mises sur la table lors de la présentation du rapport « Réinventer le secteur Radisson ». Dans des schémas inclus à la fin du document (voir les images qui suivent), le terrain du centre d’achats est redivisé de façon à revoir sa forme urbaine, sa mobilité, ses espaces publics et sa mixité. Les dessins fournis prévoient clairement plusieurs nouveaux édifices sur le lot de la Place Versailles.
Il ne s’agit que d’une vision préliminaire, mais depuis 2021, un autre mandat a été accordé aux lobbyistes Olivier Laurent Cazaban et Marie-Claude Laforce, de la firme BC2 Groupe Conseil inc. afin d’obtenir une « demande d’approbation d’un article 89 pour le redéveloppement de la Place Versailles ». Selon le site de la Ville de Montréal, la procédure en vertu de l’article 89 de la Charte de la Ville de Montréal vise « la réalisation d’un projet d’envergure ou de nature exceptionnelle, même s’il déroge à la règlementation d’urbanisme de l’arrondissement ». Il s’applique entre autres à des projets d’établissements résidentiels, commerciaux ou industriels dont la superficie de plancher excède 25 000 m².
À l’arrondissement de MHM, on indique que des discussions sont toujours en cours avec le propriétaire afin de déterminer les paramètres de développement du site. « Les aspects les plus importants qui ont été identifiés dans le cadre de la démarche participative « Réinventer le secteur Radisson » sont discutés : logements, école, mobilité active, parcs et espaces verts, liens vers la station de métro, circulation régionale, pôle commercial, etc. », soulignent dans un courriel les relations médias de MHM.
Pour sa part, André Bouthillier, vice-président exécutif de National, le cabinet qui gère les relations publiques de Place Versailles, n’a pas souhaité s’avancer sur les discussions entre son client et l’administration. Dans un courriel, celui-ci vante la santé économique du centre d’achats, affirmant qu’il a « repris sa vitesse de croisière après un ralentissement causé par la pandémie » et que « les clients, particulièrement les familles, sont de retour dans les magasins de Place Versailles ». Ce dernier ajoute que le magasinage en ligne « n’affecte pas sensiblement les ventes de nos locataires » et que le taux d’occupation de Place Versailles est de 90 %.
« Oui, nous avons des projets pour rendre encore plus attractif Place Versailles. Nous sommes en pourparlers avec l’arrondissement sur ce sujet et nous vous fournirons des informations sur l’avancée de nos discussions un peu plus tard », a ajouté M. Bouthillier.
Cependant, les propriétaires du plus ancien centre d’achats couvert à Montréal doivent gérer des installations vieillissantes. Effectivement, construit en 1963 à la suite d’une transaction avec les Sœurs de la Providence, le centre commercial fut ensuite agrandi en 1974, selon le Rôle d’évaluation foncière de la Ville de Montréal.
Toujours selon le Rôle, à la dernière évaluation datant de 2021, la valeur du terrain était estimée à 64 020 200$, tandis que celle du bâtiment s’élèverait à 43 479 800 $, pour une valeur totale des biens immobiliers de 107 500 000$. Toutefois, lors de l’évaluation de 2018, les mêmes biens immobiliers avaient une valeur totale de 140 380 000 $, ce qui représente une perte de valeur de 32 880 000 $ en 4 ans.
Quel que soit le résultat des négociations entre les parties prenantes, ainsi que la vision qui sera présentée à l’OCPM l’an prochain, il est certain que ce dossier réserve plusieurs défis aux personnes qui s’occuperont de sa revitalisation. Parmi les enjeux ciblés dans le rapport cité plus haut, on cerne entre autres « des logiques morphologiques favorisant l’usage de l’automobile; une utilisation du sol peu optimale; des barrières physiques limitantes; un secteur pauvre en espaces verts; des expériences piétonnes peu stimulantes; des percées visuelles ou points de repère limités; et des enjeux d’intégration visuelle et de confort acoustique ».
*TOD : Selon la Communauté métropolitaine de Montréal, un Transit-oriented development (TOD) est un développement immobilier de moyenne à haute densité structuré autour d’une station de transport en commun à haute capacité, comme une gare de train, une station de métro, une station du Réseau express métropolitain ou un arrêt de bus.