Une vue aérienne du projet construit sur le site de l’ancienne savonnerie (Courtoisie Lallemand)

LALLEMAND LANCE UN NOUVEAU PROJET DANS MHM

Un projet de reconstruction d’un bâtiment industriel testera une fois de plus la cohabitation entre les citoyens d’Hochelaga et l’entreprise Lallemand, dont les installations ont fait l’objet de nombreuses plaintes dans le passé.

L’entreprise de production de levure de boulangerie souhaite démolir son édifice situé au 1883-1893, rue Moreau et communément appelé « la savonnerie ». L’objectif est d’y reconstruire un service de logistique lié à l’usine situé sur le terrain adjacent au sud, à l’angle de la rue Adam.

Le projet avance à grands pas. Déjà, l’entreprise a déposé une première demande de permis pour la démolition du bâtiment en février dernier, confirme-t-on à l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM). Le Comité de démolition de MHM a ensuite approuvé la démolition le 9 juillet dernier. « La demande de permis pour un éventuel projet de construction n’a pas encore été déposée. Ladite demande sera, ensuite, évaluée par le Comité consultatif d’urbanisme (CCU) », nous indique-t-on à MHM par courriel.

L’édifice de l’ancienne savonnerie, situé au 1883-1893, rue Moreau, est fermé depuis 2001 (Emmanuel Delacour/EMM)

Il ne reste qu’à obtenir une résolution de la part du conseil d’arrondissement pour que les pelles mécaniques puissent s’attaquer à l’édifice, explique en entrevue le vice-président des projets stratégiques pour Lallemand, André Lambert. Cette ultime étape devrait être passée d’ici un mois ou deux, anticipe-t-il. La démolition pourrait donc avoir lieu tôt au printemps 2025 et durerait entre cinq et six semaines.

Inoccupée depuis 2001, l’ancienne savonnerie a été rachetée par Lallemand en 2003. Il était impossible de conserver le bâtiment pour les opérations de l’entreprise, soutient M. Lambert, car celui-ci a été jugé « dangereux » en 2021 par une firme embauchée par le producteur de levures.

Camionnage, sécurité et verdissement

Une image de synthèse du projet de centre logistique vu de la rue Moreau (Courtoisie Lallemand)

Bien qu’environ « 75 % des plans et devis » ont déjà été déposés à l’arrondissement, selon M. Lambert, le projet n’est pas officiellement finalisé. Toutefois, plusieurs éléments ont déjà été mis sur papier et présentés le 2 juillet dernier à quelques citoyens résidant autour de l’usine. En somme, le nouvel édifice servirait de site de stockage pour des ingrédients de boulangerie et des produits secs. Quatre quais de chargement pour les camions sont aussi prévus. Les véhicules entreraient par la rue Moreau et exécuteraient leurs manœuvres entièrement sur le site. « On réduira de 66 % les mouvements sur la rue Moreau », estime M. Lambert. Celui-ci reconnaît toutefois que le centre logistique entraînera une augmentation sur cette voie des passages des poids lourds, qui passeront de 100 à environ 180 passages par semaine. « La catégorie de la rue Moreau nous permet d’effectuer 300 mouvements d’automobiles et de camions par jour », justifie le vice-président.

Pour assurer la sécurité des lieux, l’entreprise pense embaucher un signaleur qui supervisera les entrées et sorties de camions qui traverseront le trottoir du côté est de la rue Moreau. « On envisage aussi d’éliminer les déplacements en dehors de 7 h jusqu’à 19 heures », assure M. Lambert. Pour l’instant absents sur le côté ouest de la rue Moreau, une portion de trottoir ainsi qu’un passage à niveau pour les piétons pourraient être ajoutés et sont sur la table.

En soi, l’édifice qui verrait le jour offrirait plusieurs améliorations au secteur et viendrait adoucir la cohabitation avec les résidents en périphérie, croit le vice-président. L’entreprise réfléchit à la création de murs antibruit sur la rue Moreau, tandis que les nouveaux immeubles, selon elle, viendraient eux aussi couper une partie de la pollution sonore de l’autre côté du site, pour les résidents de la rue Préfontaine.

La ruelle située à l’arrière du bâtiment de l’ancienne savonnerie (Emmanuel Delacour/EMM)

De plus, la ruelle se trouvant entre ces deux voies serait verdie et aménagée en partenariat avec l’arrondissement pour permettre une meilleure gestion des eaux de pluie. En tout, 27 arbres seraient plantés et un toit vert de 607,6 m2 serait aménagé sur le futur édifice. Lallemand vise donc une végétalisation de 35,8 % du site, ce qui va au-delà du 25 % exigé par la réglementation de MHM.

Inquiétudes

Si sur papier le projet semble faire preuve de bonnes intentions, quelques citoyens nous ont fait part de leurs inquiétudes à son sujet.

« Je pense que Lallemand ne contribue pas à la qualité de vie des gens du quartier. Malgré leur apparente ouverture à la communauté, agrandir l’usine risque de détériorer davantage l’environnement, un point, c’est tout. Augmentation du trafic, du bruit, et il faudra voir au niveau des polluants atmosphériques. Rien de très rassurant », indique Clément Schreiber, un résident du quartier depuis plusieurs années.

Celui-ci se désole aussi de ne jamais avoir reçu d’invitation à la séance d’informations organisée par l’entreprise le 2 juillet dernier. Un autre citoyen, qui nous a parlé sous le couvert de l’anonymat, affirme avoir pu y assister, mais constate que seulement une quinzaine de citoyens étaient présents. En effet, selon nos informations, plusieurs résidents du secteur n’ont jamais reçu le dépliant distribué en amont de la rencontre.

« Il s’agit d’une erreur de la part de l’entreprise que nous avons embauchée pour faire la distribution. On a omis de mettre les dépliants dans les boîtes aux lettres qui affichaient ne pas vouloir de circulaire, alors que c’est permis pour ce genre de document. Aussi, plusieurs cases postales de plex se trouvaient à l’intérieur des édifices, derrière des portes verrouillées. Donc, nous n’avons pas pu rejoindre ces citoyens », indique Lallemand à ce sujet. M. Lambert ajoute que l’entreprise a gardé contact avec les personnes rencontrées lors de la séance d’informations et qu’un suivi sera fait individuellement avec celles-ci à propos de leurs inquiétudes soulevées le 2 juillet dernier.

Néanmoins, les résidents que nous avons questionnés se sont dits mis devant le fait accompli, puisque quelques jours après la rencontre, le dossier était déjà approuvé par le Comité de démolition de MHM.

« Une grande partie de ce dérangement pour produire de la bière et du champagne! Levons nos verres au succès de l’entreprise et à la dégradation de notre milieu de vie! », s’est exclamé M. Schreiber.

En effet, depuis plusieurs années, les relations entre les citoyens et l’usine sont tendues, notamment en raison de nuisances liées aux mauvaises odeurs qui en émanent, au bruit et au flot des camions. Il y a deux ans, EST MÉDIA Montréal rapportait que plus de 200 plaintes avaient été logées au cours des cinq années précédentes par des citoyens vivant dans le voisinage de l’usine Lallemand. L’entreprise et l’arrondissement avaient alors souligné que plusieurs efforts avaient été faits pour réduire les nuisances, incluant des investissements de 6 M$ de la part de Lallemand, notamment pour mettre en place un système de contrôle des émanations nauséabondes.

Lallemand

L’usine Lallemand vue de l’angle des rues Moreau et Adam (Emmanuel Delacour/EMM)