ITINÉRANCE : UNE NOUVELLE ÉQUIPE DANS MHM POUR ASSURER LA COHABITATION
Les membres de l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) sillonnent les rues de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) depuis près de deux mois pour venir en aide aux personnes en situation d’itinérance. S’ils viennent d’être déployés dans l’arrondissement, ils ont pourtant déjà beaucoup de travail.
Depuis le 19 juin, les intervenants de l’organisme ont répondu à près de 500 demandes de la part du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), des commerçants et des résidents de MHM. Travaillant toujours en pairs, ils sont présents sur le terrain 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
EST MÉDIA Montréal a accompagné sur le terrain Wolf et Rosalie, dont on taira le nom par souci de confidentialité. Il s’agit de deux intervenants qui sont présents dans le quartier depuis le lancement de la deuxième phase de l’ÉMMIS cet été. « Nous avons travaillé dans Ville-Marie, le Sud-Ouest et le Plateau avant d’arriver ici », indique Wolf.
Selon eux, la clientèle de MHM est bien différente de celle du centre-ville de Montréal, même si les enjeux rencontrés sont similaires. « Nous venons de commencer ici, alors il faut qu’on apprivoise le territoire et qu’on fasse connaissance avec les gens et qu’on s’adapte à leurs besoins. On en voit parfois qui viennent du centre-ville, mais pour la plupart, ils préfèrent rester dans leur quartier. Ils ont leurs ressources et leurs points de repère ici », souligne Rosalie. Toxicomanie, santé mentale et travail du sexe, les problématiques répandues dans le cœur de Montréal existent bel et bien dans ce quartier de l’est.
Créée en collaboration avec la Société de développement social et le SPVM, la première phase de l’ÉMMIS a été déployée sur le territoire du centre-ville de Montréal à partir de septembre 2021 et a permis de réaliser plus de 1 500 interventions, selon les chiffres de mars 2022. Aujourd’hui, une soixantaine d’intervenants font partie de l’équipe, et le nombre devrait gonfler à 70 au cours de l’année selon la direction de l’ÉMMIS.
Dans MHM, les secteurs les plus visités par les intervenants se trouvent dans le quartier Mercier-Est, autour de la station de métro Joliette, dans divers parcs comme le parc Lalancette et autour du poste de quartier (PDQ) 23 du SPVM. « Nous devons être présents un peu partout sur le territoire, mais cela évolue beaucoup à proximité du PDQ 23. C’est un centre important, parce qu’il y a le Cap St-Barnabé, l’aréna (de l’ancien YMCA sur la rue Hochelaga) et tous les services de MHM qui gravitent près de ce point », explique Alexandre Desjardins, directeur de l’ÉMMIS.
Selon ce dernier, la force de l’ÉMMIS est de venir compléter les services offerts par les agents de police et les organismes locaux. « Nous venons bonifier l’offre. Nous avons l’avantage d’avoir des transports, alors nous pouvons nous déplacer rapidement. Nous sommes présents 24/7, nous pouvons donc être là en dehors des heures de service des organismes de MHM », insiste-t-il.
Sur le terrain
Sur l’heure du midi, les deux intervenants se sont promenés sur la rue Ontario, entre la rue Darling et le boulevard Pie-IX, pour aller à la rencontre des sans-abris qui pourraient nécessiter leur assistance. Avec leur sac à dos garnis de divers items comme des chaussettes propres ou des articles d’hygiène féminine, et une trousse de naloxone à la main, ils sont prêts à toute sorte d’intervention, que ce soit la réanimation d’une personne victime d’une surdose d’opioïde, ou simplement pour promulguer de l’information aux gens dans le besoin.
En effet, une des ressources les plus importantes qu’offrent les gens de l’ÉMMIS est leurs précieux conseils, pour trouver une douche, de la nourriture, des vêtements, un lieu pour dormir ou encore une pharmacie qui distribue des médicaments pour aider au sevrage des drogues. Il s’agit d’informations essentielles pour les personnes dans la rue que les intervenants sont en mesure de fournir. « Nous sommes là pour faire le suivi avec eux. Une intervention peut durer une heure ou quelques jours, pour s’assurer qu’ils ont trouvé ce dont ils ont besoin », affirment les membres de l’équipe.
Premier arrêt devant une pharmacie, où un homme est étendu sur le trottoir en face du commerce. Wolf et Rosalie vont à sa rencontre et lui demandent si tout va bien. L’homme répond timidement qu’il n’a besoin de rien et que tout va pour le mieux. Les intervenants le saluent et poursuivent leur chemin. « Nous intervenons seulement lorsqu’on reçoit des demandes ou dans le cadre de nos visites de courtoisie », affirme Rosalie. « Notre mission ce n’est pas de déplacer les gens lorsqu’ils ne dérangent personne. Nous sommes là pour les aider », ajoute Wolf.
Quelques minutes plus tard, un scénario similaire se répète devant une autre pharmacie un peu plus à l’est. Cette fois-ci, l’homme est étendu de tout son long, la tête dans un panier d’épicerie en plastique. «Nous allons vérifier ses signes vitaux », nous informe Wolf. Après une inspection, l’homme était simplement endormi. « Il respire bien et ne semble pas en danger. On va le laisser tranquille dans ce cas. On ne réveille jamais une personne si sa vie n’est pas en danger », ajoute l’intervenant.
Après avoir salué quelques autres sans-abris, la tournée se déroulera sans anicroche. « Nous travaillons beaucoup au niveau de la cohabitation. Lorsqu’une personne est en crise et que des commerçants ou citoyens sont inquiets, nous sommes là pour aider », affirme Rosalie. Les cas de surdose dont ont été témoins les membres de l’ÉMMIS dans MHM demeurent relativement rares comparativement aux autres arrondissements, confirment le directeur et les intervenants.
Une ressource importante dans MHM
Pour la conseillère de la Ville dans MHM, Alia Hassan-Cournol, le déploiement de l’ÉMMIS était très attendu dans l’arrondissement. « Avant l’ÉMMIS, les personnes dans la rue avaient deux portes d’entrée vers les services, soit le SPVM, soit les organismes locaux. L’équipe est venue compléter cette offre en permettant de mieux travailler à la cohabitation avec les commerçants et les citoyens », indique l’élue.
Toutefois, bien que MHM possède un fort réseau d’organismes dédiés à diverses facettes des enjeux liés à l’itinérance, le milieu communautaire est ressorti épuisé de la pandémie. « Ils ont été au front durant la crise sanitaire, mais beaucoup d’employés et de bénévoles ont vécu du stress et de la détresse, de la fatigue professionnelle. Il y a donc un certain sentiment d’urgence pour pallier le manque de ressources », souligne Mme Hassan-Cournol.
Manque de logements
Face à une véritable crise de santé publique en raison des enjeux de santé mentale et des drogues de plus en plus dangereuses présentes dans la rue, Mme Hassan-Cournol rappelle que la Ville de Montréal travaille plus fort que jamais afin de fournir les outils nécessaires, « bien au-delà de ses responsabilités » en tant que municipalité. Pour la conseillère, une grande partie de la solution pour combattre l’itinérance, que ce soit au centre-ville ou dans les quartiers en périphérie, tient dans la création de logements sociaux et abordables. Elle en appelle au gouvernement du Québec pour qu’il en fasse davantage afin d’assurer la mise en chantier de telles habitations.
D’ailleurs, la Ville s’est prévalue de son droit de préemption dans MHM cette semaine afin d’acquérir une maison de chambres sur la rue Sicard et préserver ainsi 22 chambres du marché spéculatif. L’immeuble sera par la suite cédé à un organisme à but non lucratif, et la Société d’habitation et de développement de Montréal se chargera de l’administrer. Pour lire la brève que nous avons publiée sur le sujet, suivez le lien.