LE BOULEVARD DE L’ASSOMPTION PASSERA-T-IL DANS LE BOISÉ STEINBERG?
Le boulevard de l’Assomption pourrait traverser un boisé récemment protégé par la Ville de Montréal, selon les informations obtenues par EST MÉDIA Montréal. Sans vouloir confirmer cette possibilité, le cabinet de la mairesse Valérie Plante ne dément pas le fait qu’elle travaille sur ce scénario, qui pourrait être présenté ce printemps aux citoyens.
« La mairesse a tranché. Le prolongement du boulevard de l’Assomption passera par le boisé Steinberg. » Cette publication sur Facebook, faite par Josée Demeules, une membre du groupe militant Mobilisation 6600, dénonce une décision qui aurait été prise en coulisses par l’administration de Montréal, selon l’organisation. Plusieurs opposants à ce projet disent pourtant être toujours à la table de négociations avec l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) et le Service de l’urbanisme et de la mobilité (SUM) de Montréal à ce propos. « Nous sommes en médiation avec MHM depuis près d’un an. On prévoyait ensuite poursuivre la médiation avec le SUM en 2024. Mais en décembre dernier, des employés de la Ville nous ont informés du fait que le prolongement de l’Assomption se ferait par le boisé, selon des plans informels », se désole Anaïs Houde, porte-parole de Mobilisation 6600.
Selon un message transmis par une personne assise à la table de négociations, qui a pu être consulté par EST MÉDIA Montréal, le scénario du prolongement traversant le boisé semble se confirmer. Depuis, c’est la consternation au sein du groupe qui milite en faveur de la préservation des milieux naturels dans le quartier. Il s’oppose aussi farouchement au projet de plateforme de transbordement d’entreposage de conteneurs de l’entreprise Ray-Mont Logistiques, qui est aussi située à proximité du boisé. « On ne voit pas l’intérêt de protéger une partie du boisé si un boulevard urbain passe au même endroit. Protéger une parcelle n’est pas suffisant, il faut que ce soit l’entièreté du boisé qui soit préservée et il faut qu’on fournisse des efforts pour connecter les lieux avec d’autres espaces verts. Comment sera-t-il possible aux citoyens de profiter d’un tel endroit s’il est enclavé par des chemins de fer et des autoroutes? », argumente Mme Houde.
Divers scénarios envisagés
Divisé en quatre lots, le boisé Steinberg est la propriété de la Ville de Montréal et du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), selon les informations transmises en ligne par le Cadastre du Québec. En octobre 2022, la Ville et Hydro-Québec annonçaient une entente pour un échange de terrains au nord et au sud de la rue Hochelaga, afin que Montréal puisse devenir propriétaire d’une portion du boisé dans le but de le préserver, tandis que la société d’État héritait d’un terrain lui permettant de construire un centre de transformation à haute tension.
Le boisé est cerné au sud et à l’ouest par le chemin de fer de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN). C’est le terrain de Ray-Mont Logistiques qui se trouve en face du boisé, au sud, entre la voie du CN et la rue Notre-Dame Est.
La Ville travaille depuis plusieurs années sur un projet du prolongement du boulevard de l’Assomption, afin que celui-ci puisse rejoindre la rue Notre-Dame Est et les installations du Port de Montréal, plus au sud. Questionné à ce propos, le cabinet de la mairesse de Montréal ne nie pas que l’idée d’un prolongement du boulevard de l’Assomption traversant le boisé soit sur la table, mais assure que la décision finale reste à être prise. « Les équipes de la Ville continuent de travailler sur divers scénarios pour le prolongement du boulevard de l’Assomption. Ce dossier est complexe et doit prendre en compte de nombreux enjeux, incluant la mitigation de l’impact des activités de Ray-Mont Logistique sur la population », indique le cabinet par courriel.
Du côté du MTMD, on affirme ne pas avoir reçu de confirmation d’un plan particulier pour le prolongement du boulevard. « Quoiqu’il en soit, nous savons que l’infrastructure planifiée ne se fera pas en boucle ou en bretelle, comme on peut le voir dans d’autres échangeurs, car on suit les recommandations de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) dans son rapport déposé en 2019 », assure Sarah Bensadoun, chargée de communication au MTMD. En effet, l’OCPM a publié il y a cinq ans un document à la suite de consultations publiques au sujet du développement du secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe (ASLP). Dans ce rapport, la commission recommandait à la Ville d’explorer avec ses partenaires d’autres options que le design de la boucle reliant l’avenue Souligny et le boulevard de l’Assomption « afin de réduire l’emprise au sol et de sauvegarder le potentiel vert du terrain ». « Le boisé demeure un endroit stratégique », indique pour sa part Mme Bensadoun.
Qui plus est, l’administration montréalaise assure qu’une présentation publique du projet, dans tous ses détails, est en préparation pour le début du printemps 2024. « C’est dans le contexte de cette présentation détaillée que nous pourrons répondre aux questions légitimes que la population du secteur et vous posez sur ce projet », indique-t-on.
En juin 2023, Montréal et MHM annonçaient un nouveau tournant dans le réaménagement du secteur ASLP. Le concept d’écoparc avait été mis de côté, alors que le dossier était transféré des mains du Service du développement économique à celles du SUM. Cette « nouvelle vision » pour le secteur implique que « tout projet d’aménagement réalisé dans le secteur […] doit impérativement viser à améliorer la qualité de vie des résidentes et des résidents par la diminution des nuisances et doit maximiser la préservation et l’augmentation des espaces verts », insiste-t-on dans le même courriel.
Mais Mme Houde, porte-parole de Mobilisation 6600, est d’un autre avis. « On se plie aux exigences du Port de Montréal et la Ville cède aux pressions de Ray-Mont Logistiques. C’est une décision qui va complètement à l’encontre des engagements de Projet Montréal. »
Rappelons que Ray-Mont Logistiques poursuit toujours la Ville de Montréal et MHM en dommages et intérêts à la hauteur de 373 M$ pour avoir utilisé leur règlementation afin de mettre un frein au projet de plateforme de transbordement de l’entreprise.