Plan en 3D du secteur Assomption-Sud tiré du site internet de l’OCPM.

LA VILLE DIT ADIEU À L’ÉCOPARC INDUSTRIEL DE LA GRANDE PRAIRIE ET ANNONCE UNE NOUVELLE VISION

La Ville de Montréal et l’Arrondissement de Mercier – Hochelaga-Maisonneuve (MHM) annoncent un nouveau tournant dans le réaménagement du secteur Assomption-Sud – Longue-Pointe (ASLP). Le concept d’Écoparc est mis de côté. Le dossier passe désormais des mains du Service du développement économique à celles du Service de l’urbanisme et de la mobilité.

L’administration affirme ainsi « tourner la page » sur le développement d’un Écoparc industriel de la Grande-Prairie et s’orienter désormais « vers un aménagement du territoire visant à améliorer la qualité de vie des résidentes et des résidents par la diminution des impacts des activités industrielles et l’augmentation du verdissement. »

Questionné par EST MÉDIA Montréal, le cabinet de Pierre Lessard Blais, maire de MHM, indique dans un courriel que « cette nouvelle vision remplace une gouvernance axée sur le développement industriel par une gouvernance urbaine […] La priorité est désormais la création d’un milieu de vie convivial pour les personnes qui y habitent et y travaillent. Cette priorité sera atteinte par l’augmentation du taux de canopée, la lutte contre les îlots de chaleur et la réduction des nuisances. »

Alia Hassan-Cournol, la conseillère de la Ville dans le district de Maisonneuve – Longue-Pointe, précise lors d’une entrevue que les administrations ont « entendu les citoyens », et qu’à la suite de discussions avec des groupes de travail, elles ont souhaité créer une vision dans laquelle les entreprises déjà établies puissent contribuer au rayonnement du quartier.

« Aujourd’hui, on est surtout dans des enjeux d’aménagement du territoire, de mobilité, d’acquisition d’espaces verts, d’amélioration de la qualité de vie et de réduction des nuisances. C’est pour cela que c’est passé du Service de développement économique vers celui de l’urbanisme, parce qu’ils traitent de l’aménagement du territoire », souligne la conseillère de Projet Montréal.

Cette dernière ajoute que la nouvelle vision n’élimine pas entièrement l’aspect économique dans les projets de développement, mais que celle-ci se fera surtout au niveau de l’accompagnement des entreprises, avec des perspectives de transition écologique.

Cinq grands axes

Dans un communiqué émis le jeudi 8 juin, la Ville de Montréal affirme que les orientations de la nouvelle vision se feront sur cinq grands volets :

  • réduire les nuisances et assurer une gestion écologique du territoire;
  • améliorer la mobilité durable en développant les déplacements en transports actif et collectif;
  • acquérir et développer un réseau d’espaces verts interconnectés, notamment afin de créer un parc linéaire pour connecter les boisés Vimont et Steinberg;
  • favoriser l’implication de la population et des acteurs des secteurs privé, public et institutionnel;
  • accompagner les entreprises déjà existantes dans le secteur à exercer leurs activités dans le respect de la qualité de vie de la population et selon les meilleurs standards environnementaux.

Le réaménagement de ASLP est dans le rétroviseur de la Ville depuis longtemps. Réal Ménard, l’ancien maire de MHM, proposait déjà en 2013 le projet de la Cité de la logistique pour venir combler le vide laissé par le départ de plusieurs entreprises industrielles dans le quartier. Puis c’était au tour de l’administration de Pierre Lessard Blais de présenter le concept d’Écoparc en 2019, dont les objectifs étaient de limiter les nuisances et d’assurer une gestion écologique du territoire, de compléter le réseau artériel et d’améliorer les déplacements en transports actif et collectif, et surtout de réaliser des projets industriels novateurs bien intégrés au milieu environnant. Le but était d’attirer des entreprises du milieu des « industries vertes » sur le territoire.

Plusieurs industries ont quitté le secteur, et l’ancien incinérateur Dickson demeure un vestige bien visible d’une autre époque (photo: archives EMM).

L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) avait alors tenu des séances pour entendre les parties prenantes du secteur s’exprimer sur ce plan. Selon Mme Hassan-Cournol et le cabinet du maire de MHM, la décision de réorienter la vision pour ASLP a fortement été inspirée de ces consultations. « Cette nouvelle vision est la concrétisation de la synthèse des consultations publiques menées par l’OCPM. Le rapport ne sera pas tabletté.  Au contraire, les réflexions des citoyens et des acteurs du secteur sont à la source de cette nouvelle vision. »

Les consultations de l’OCPM sur l’Écoparc se sont tenues en 2019 (photo: archives EMM).

Par ailleurs, Mme Hassan-Cournol confirme que les démêlés juridiques entre la Ville de Montréal et l’entreprise Ray-Mont Logistiques, responsable de l’installation d’une plateforme d’entreposage de conteneurs qui a fait couler beaucoup d’encre, n’ont pas eu d’incidence sur la décision de changer de vision. « Ce genre de transfert de dossier d’un service de développement à l’autre est une décision de longue haleine qui prend beaucoup de temps à être élaborée entre l’Arrondissement et la Ville. »

Si peu de mesures concrètes ont été mises de l’avant pour l’instant dans le cadre de ce plan revampé, on sait d’ores et déjà qu’on tentera de créer un parc linéaire pour connecter les boisés Vimont et Steinberg. « Ce corridor vert sera rendu possible par l’acquisition, la création et l’aménagement d’espaces verts accessibles à la population. La nouvelle vision ne précise toutefois pas les détails de la réalisation concrète de ce parc linéaire », affirme-t-on au cabinet du maire. Des acteurs et propriétaires terriens du secteur, incluant l’Administration portuaire de Montréal et le Canadien National, sont à la table des négociations à ce propos, confirme Mme Hassan-Cournol.

Du concret attendu

« Je crois que les citoyens de Maisonneuve – Longue-Pointe s’attendent à voir des actions concrètes pour que leur vie change et s’améliore », insiste Alba Zuniga Ramos, conseillère de la Ville dans Louis-Riel pour Ensemble Montréal. Son collègue Julien Hénault-Ratelle, conseiller de la Ville dans Tétreaultville, ajoute que « tant que le zonage ne changera pas sur le terrain, la vision et le développement vont rester les mêmes. »

Celui-ci regrette aussi que les cinq derniers grands espaces verts dans le secteur tardent à être préservés par l’Arrondissement, malgré une motion récente. « Depuis qu’on a déposé cette motion, deux des cinq terrains se font détruire au moment où l’on se parle, soit le boisé de l’Assomption et de la friche Guybourg », rappelle M. Hénault-Ratelle.

Du côté du collectif Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM, on affirme être très heureux du fait que le dossier du réaménagement du secteur ne soit plus entre les mains du Service du développement économique de la Ville. « Pour nous,  cela a toujours été un point de friction durant les consultations, parce que le développement économique n’allait pas du tout dans le sens de la volonté de la population », insiste Anaïs Houde, membre de Mobilisation 6600. Elle rappelle que son regroupement est toujours en opposition aux projets de prolongement du boulevard de l’Assomption et du pont à étagement connecté au Port de Montréal. Ceux-ci se seraient diamétralement contraires à toutes ambitions d’amélioration des infrastructures de mobilité durable et active dans le secteur. « On va créer de nouvelles voies essentiellement pour desservir Ray-Mont Logistiques et le Port de Montréal. Cela est comme si on construisait des autoroutes privées avec l’argent public », se désole-t-elle.

Le projet de pont à étagement enjambant la rue Notre-Dame pour aller s’arrimer directement au boulevard de l’Assomption (photo courtoisie Administration portuaire de Montréal).

Jusqu’au 27 juillet 2023, une pétition, déposée par Mobilisation 6600 à l’Assemblée nationale, réclame l’abandon du projet de prolongement du boulevard Assomption-Souligny. Au moment d’écrire ces lignes, le document avait récolté 1189 signatures électroniques.