CARRIÈRE FRANCON : LA MAIRESSE DE VSP N’APPUIE PAS LE PROJET DE CENTRE DE TRAITEMENT DE SOLS CONTAMINÉS

La Ville de Montréal envisage la construction d’une usine de traitement des sols d’excavation dans le secteur de Saint-Michel. L’idée, qui soulève déjà l’ire de la table de quartier locale, ne reçoit pas non plus l’appui de la mairesse de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (VSP).

Bien qu’il s’agisse encore d’un projet embryonnaire, la Ville de Montréal étudie la possibilité « [d’é]difier un site permanent de traitement des sols d’excavation à la Carrière Francon permettant l’analyse et le développement de futurs sites satellites ». Cette phrase se retrouvait jusqu’à tout récemment sur la page du site Internet du Service de la concertation avec les arrondissements. Depuis quelques jours, plusieurs informations ont été retirées de cette page, dont la mention du projet d’usine de traitement des sols. C’est la table de quartier Vivre Saint-Michel en santé qui a en premier lieu alerté les citoyens à ce propos, en publiant une lettre ouverte contre ce projet dans le journal local.

La mention du projet d’un site de traitement des sols d’excavation sur le site de la carrière Francon a récemment été effacée du site du Service de la concertation avec les arrondissements (Capture d’écran du site en question)

Questionnée à ce sujet, la Ville confirme dans un courriel que le projet existe bel et bien, mais qu’il « n’en est qu’au stade de réflexion actuellement, y compris son emplacement exact ». On mentionne cependant que l’idée « d’une plateforme de gestion des sols d’excavation dans l’est de la ville pourrait s’inspirer du projet du Parc d’entreprise de la Pointe-Saint-Charles (PEPSC) débuté en 2021. Comme le projet du PEPSC, celui-ci permettrait d’ériger un site satellite qui assurerait une gestion standardisée et conforme des sols d’excavation issus de la ville de Montréal pour l’arrondissement VSP, ainsi que ceux environnants ». La Ville indique aussi que le projet de gestion des sols et des résidus pourrait « permettre de participer à la revalorisation des sols (de classe <A ou A) ou faiblement contaminés (de classe AB) dans différents ouvrages municipaux, tels que la conception de talus, de remplissage pour des travaux quelconques, de buttes ou même de parcs ».

Selon le Centre technologique des résidus industriels, les sols contaminés de classe A ont une teneur de fond de contaminants se trouvant de façon naturelle dans le milieu ou ayant présenté une concentration inférieure à la limite de détection de la méthode analytique pour les produits chimiques organiques. « Le sol est donc exempt de contamination et peut être utilisé sans restriction ». Pour ce qui est de la classe A-B, ces sols se trouvent dans la limite acceptable de contamination pour leur utilisation dans le cadre d’une vocation résidentielle, récréative ou institutionnelle.

Selon la Ville, un tel projet se justifie par les économies qu’il lui permettrait de réaliser. « En 2023, la Ville a économisé environ 700 000 $ avec les quelque 55 000 tonnes de sols qui ont été acheminés au Parc d’entreprise de la Pointe-Saint-Charles et 85 % de ces sols ont pu être réutilisés. Également, 6 000 tonnes de gros blocs de béton ont été concassées cette année pour en faire du gravier réutilisable pour une économie de 275 000 $. Avec une force de travail somme toute minimale : trois cols bleus et un contremaître qui gèrent tout le site, on frôle ainsi le million en économies », insiste-t-on.

Par ailleurs, Montréal envisage déjà la création d’un second site satellite à cette usine dans l’est de la métropole. « Une décision finale sur son emplacement n’a pas encore été prise », affirme-t-on à la Ville.

Une vision qui doit avoir un impact positif

Pour Laurence Lavigne Lalonde, mairesse de VSP, l’idée de mettre en place une telle usine sur le terrain de l’ancienne Carrière Francon ne concorde pas avec la vision de l’arrondissement pour ce site.

« Ce n’est pas un projet que j’appuie en ce moment, de dire qu’on va faire du traitement des sols dans la carrière. Tout en reconnaissant que pour la Ville de Montréal, c’est un bon projet, je crois que les citoyens de Saint-Michel ont eu leur lot de projets qui ont eu leurs nuisances. Et donc, pour moi, ce n’est pas un site qui doit être envisagé », souligne Mme Lavigne Lalonde.

La mairesse de VSP, Laurence Lavigne Lalonde (Emmanuel Delacour/EMM)

Cette dernière, qui a récemment été nommée responsable des grands parcs au comité exécutif de la Ville de Montréal, affirme qu’au niveau de l’arrondissement, le projet n’a pas encore été dévoilé aux élus. « Je sais que la Ville est à la recherche de sites pour construire d’autres usines de traitement des sols et je sais que les services centraux ont évoqué l’ancienne Carrière Francon, mais moi, à l’arrondissement, rien n’a été présenté », insiste la mairesse, qui pense aussi qu’il est trop tôt pour s’insurger contre un projet qui « n’existe pas encore ».

Dominique Perrault, directrice générale de Vivre Saint-Michel en santé. (Photo: courtoisie Vivre Saint-Michel en santé)

Quoiqu’il en soit, celle-ci souhaite une vision positive de la part de la Ville et de l’arrondissement pour l’avenir de ce site, où est déversé 40 % de la neige collectée sur le territoire de Montréal lors des tempêtes. Entre autres, depuis deux ans, les équipes de VSP travaillent sur la création d’un lien reliant les deux tronçons de la rue Jean-Rivard qui se terminent pour l’instant en cul-de-sac dans la portion sud de l’ancienne carrière.

De son côté, la directrice générale de la table de quartier Vivre Saint-Michel en santé s’est dite choquée lorsqu’elle a appris l’intention de la Ville. « On a découvert cela par hasard, et la mention faite sur le site de la Ville est vraiment cachée. J’ai l’impression que la ville-centre n’est pas au courant de l’important travail qu’on a réalisé autour de cette carrière depuis de nombreuses années », se désole Dominique Perrault.

En effet, l’organisme détaille une vision intégrée pour le réaménagement du site dans son projet intitulé « Francon, cœur de notre quartier », déposé en 2020. On y propose entre autres l’intégration de services de proximité et d’une gestion améliorée des neiges usées, un peu à l’image de l’ancienne Carrière Miron, elle aussi située dans Saint-Michel. Ce dernier site fut converti en un dépotoir actif jusqu’en 2000, pour ensuite être transformé et devenir le parc Frédéric-Back, un terrain adjacent aux installations de la TOHU. « On a déjà 200 camions qui passent là chaque jour lorsqu’on a une tempête de neige, on ne veut pas de 5 000 camions de plus dans le quartier, comme on en voit à Pointe-Saint-Charles », martèle Mme Perrault.

Aucune consultation publique n’est prévue pour l’instant par la Ville pour présenter le projet aux citoyens, l’administration indiquant qu’« à ce stade-ci […], le projet est encore trop embryonnaire ».