Photo tirée de la page Facebook de Rona Tinsco.

QUINCAILLERIES DE L’EST : AUSSITÔT REMPLIES, AUSSITÔT VIDÉES

Vous souhaitiez réaménager votre cour arrière cet été? Eh bien, prenez de l’avance! Sinon, tout ce que vous trouverez sera des étagères vidées de leur contenu. Mais que se passe-t-il au rayon de la quincaillerie et des articles saisonniers dans l’est de Montréal?

Les projets de rénovations intérieures se multiplient depuis l’été dernier. Et il en serait de même pour ce qui est de l’aménagement extérieur et paysagé. En effet, il suffit d’une petite visite à votre quincaillerie grande surface du coin pour constater que les rayons des meubles de jardin ou d’activités sportives extérieures semblent avoir été dévalisées. « L’engouement des consommateurs qui souhaitent améliorer leur chez-soi, parce qu’ils y passent beaucoup plus de temps qu’avant, notamment en télétravail, ne se dément pas et se poursuit encore », confirme Valérie Gonzalo, porte-parole chez Lowe’s Canada. Des chaises de plastique aux vélos en passant par les piscines et tout le matériel nécessaire à leur bon fonctionnement, c’est la folie furieuse. Et un nouveau terme semble avoir fait son apparition : « la guerre des stocks ».

Forts d’un été 2019 des plus standards, les magasins s’étaient préparés comme à l’habitude pour affronter la saison chaude 2020. C’était bien sûr sans se douter qu’un véritable raz-de-marée appelé COVID-19 envahirait leurs rayons, emportant avec lui leur contenu. « Avec l’été qu’on a eu l’an passé, les gens cette année achètent par peur d’en manquer. Les gens se préparent, et c’est surprenant à quel point ils se jettent sur pas mal tout ce qu’on a sur les tablettes », confie un employé du Canadian Tire Langelier, préférant parler sous le couvert de l’anonymat, n’ayant pas reçu l’aval de son franchisé. Selon ses dires, l’été dernier était le festival du « back order ». Les magasins ayant eu la chance d’être bien remplis ont pu tirer leur épingle du jeu. Cette chance se joue aussi plus haut, au niveau des fournisseurs. « On peut juste en avoir autant qu’ils sont capables de nous en fournir. Tout le monde a de la misère en ce moment dans la chaîne, mais reste que c’est eux qui ont le dernier mot. Si les fournisseurs ne fournissent pas, on fait de notre mieux pour trouver d’autres fournisseurs. Puis, c’est le premier à trouver un fournisseur disponible qui va réussir à faire les ventes en bout de ligne. »

La tendance 2021

Chose nouvelle pour un milieu tel que les quincailleries : suivre les tendances. L’été passé, des items comme les pots Masson ont attiré les foules en magasins, qui n’ont pu fournir à la demande, et ce, un peu partout à Montréal. « Vraiment, il faut être à l’affût des tendances en ce qui concerne les nouveaux engouements », explique l’employé du Canadian Tire Langelier. Il en souligne un des plus surprenants pour lui : le kayak. « C’est le meilleur exemple. On est en plein cœur de Montréal ici, on n’est pas un marché à kayak. Mais il y a tellement de pénuries qu’aussitôt qu’un modèle rentre, il sort. Et les gens de partout au Québec sont prêts à venir les chercher! »

COVID-19 ou non, un autre facteur prépondérant demeure la température. Si 2020 a tardé a montré ses beaux jour, 2021, quant à elle, s’est rapidement réchauffée dès le mois de mars dans la métropole. La neige a fondu, donnant envie à plusieurs d’aménager leur cour rapidement. « Le printemps commence à peine et les gens se lancent déjà dans notre stock d’été », dit l’employé du Canadian Tire Langelier, impressionné. Par peur de manquer à nouveaux de produits, les magasins arrivent donc beaucoup mieux préparés en 2021 pour affronter cette nouvelle saison toujours teintée par la COVID-19. Ils ont commandé beaucoup plus d’items, tout en tentant de diversifier leur offre. « C’est comme ça pour tous les magasins. Certains sont plus prêts que d’autres, mais personne ne veut manquer de stock comme l’an passé. Les gens sont beaucoup plus prêts. »

Crédit photo : Di Paolo Construction

Des matériaux et des hommes

Si vous vous êtes lancés dans des rénovations en 2020, vous savez déjà sans doute que la pénurie sévit aussi du côté des matériaux de construction. En effet, la pandémie mène la vie dure aux fournisseurs dans ce secteur aussi. Non seulement il est difficile de s’approvisionner, mais les prix de ce qui est disponible ont explosé. Même un petit quincailler de quartier RONA, situé dans l’est et loin de se spécialiser en matériaux de construction, l’a remarqué. « On tient quand même un peu de Gyproc. Ces temps-ci, on a plus de misère à s’approvisionner. Ce matin, il nous en restait une quarantaine de feuilles, mais quelqu’un est déjà venu en chercher la moitié! », raconte un employé, préférant aussi garder l’anonymat, comme il n’avait pas l’aval de Lowe’s Canada, la bannière derrière RONA et Réno-Dépôt au Québec. « Il y a des problèmes dans plusieurs secteurs au niveau des matériaux », ajoute-t-il. Du côté du siège social, on se veut rassurant : « Bien que la demande soit très forte cette année, nous sommes vraiment bien positionnés et nous travaillons en étroite collaboration avec nos fournisseurs afin de répondre aux besoins de nos clients », dit Mme Gonzalo.

Parmi les items vendus dans cette quincaillerie et à risque de manquer selon l’employé rencontré chez RONA, se trouvent les moulures et la peinture. Et contre toute attente, ce ne serait pas à cause de la COVID-19 cette fois. « Au Texas, ils ont eu des gros froids pendant un mois de temps et des pannes électriques. Ce n’est pas un endroit habitué au gel. Ç’a affecté beaucoup de productions fabriquées au Texas et à l’origine de produits fabriqués ailleurs, comme les pigments de la peinture ou le MDF servant à construire des moulures. » La porte-parole de Lowe’s Canada confirme cette situation, mais mentionne aussi qu’elle serait réglée. « L’impact climatique au Texas s’est fait sentir brièvement, mais en ce qui nous concerne, il a été limité et nous sommes satisfaits de nos inventaires actuels. » Il n’en demeure pas moins que les fournisseurs de la quincaillerie de quartier l’ont avertie qu’ils pourraient manquer de peinture et lui ont mentionné qu’ils pourraient éventuellement réduire ses commandes afin de pouvoir fournir le plus de magasins possible.

Échaudé par la situation de l’été dernier, le petit quincailler a, lui aussi, préféré prévoir le coup cette année. Il a commandé beaucoup, mais beaucoup de terre, entre autres, item très en demande en 2020 et qui avait carrément disparu des tablettes à plusieurs endroits. Mais ce n’est pas de terre dont les fournisseurs manquaient. « Il semblerait qu’il n’y avait plus de sacs pour emballer la terre. À partir de ce moment-là, plus de sacs, plus de terre qui s’emballe, plus de terre dans les magasins… jusqu’à ce que ce que le fournisseur du fournisseur reprenne le dessus », explique l’employé du RONA.

En somme, dans les quincailleries, l’afflux de clients printaniers donne un avant-goût de l’été. Bientôt, ce seront les centres de jardin qui se feront envahir par des hordes de citadins assoiffés de verdure. « On est prêts! », lancent les deux employés en riant. Et vous, serez-vous prêts? Car ça risque d’être compliqué à en juger par ce printemps hâtif… et occupé!