Le Port de Montréal a subi un recul d’environ 14 % sur l’ensemble des trafics et une perte de 24 % de ses volumes

PORT DE MONTRÉAL : ENFIN UNE ACCALMIE À L’HORIZON

Un blocus ferroviaire, des grèves et, par-dessus le marché, une pandémie. Non, les derniers mois n’ont pas été de tout repos pour le port de la métropole, deuxième plus important au Canada. Maintenant que les tempêtes se calment, quel constat en dresse le Port de Montréal?

Son rapport annuel 2020 le prouve : des baisses notables ont été enregistrées au cours de cette année particulière. Si le transport et la quantité de céréales sont restés plutôt stables, il en a été tout autrement pour les autres conteneurs, qu’ils renferment du vrac solide ou liquide, comme du pétrole ou des boulettes de fer. On constate un recul d’environ 14 % sur l’ensemble des trafics du port et une perte de 24 % de ses volumes. Le confinement imposé en mars 2020 y a joué pour beaucoup, diminuant drastiquement les besoins en pétrole de la population, entre autres. « Les plus grandes perdantes pour 2020, ce sont les croisières. La saison 2020 a totalement été annulée et on sait maintenant que la saison 2021 subira le même sort », ajoute le vice-président aux opérations du Port de Montréal, Daniel Dagenais. Ces pertes reliées aux croisières sont non seulement significatives pour l’organisation, mais aussi pour la société québécoise. « Selon une étude, chaque passager laisse en moyenne entre 300$ et 400$ derrière lui, que ce soit en dormant à l’hôtel, en mangeant dans les restaurants, en visitant un musée ou en achetant un chandail du Canadien. » L’économie du Québec en est donc perdante.

En temps normal, les activités au port, ouvert à l’année, depuis 1967, jouissent d’une certaine stabilité. Le trafic va et vient, apportant quelques mois à l’avance les matériaux et les biens de consommation utiles à la prochaine saison et rapportant des conteneurs à nouveau remplis par des entreprises exportatrices. Depuis les sept dernières années, on y notait une croissance de 3,1 %. Et si on exclut 2020, cette croissance passe à 6,1 % au cours des 6 dernières années. L’année COVID n’aurait pas dû faire exception. « Lors des premiers mois de 2020, avant le confinement, la croissance au Port de Montréal avait déjà atteint 7 %, annonciatrice d’une excellente année encore une fois », soutient Daniel Dagenais. La vie en a voulu autrement et la pandémie est venue sabrer de façon considérable ce taux de croissance prometteur.

Daniel Dagenais, vice-président aux opérations de l’Administration portuaire de Montréal

Un port qui s’adapte

Comme le mentionne Daniel Dagenais, un port, ça ne peut pas s’arrêter. Les 250 employés poursuivent leur travail depuis le jour 1 de la pandémie. Équipé d’ordinateurs portables, le personnel administratif travaille désormais de la maison. Du côté du personnel des opérations, amené obligatoirement à travailler sur les quais, leurs activités ont été sécurisées, les invitant à porter le masque et à procéder au lavage régulier des mains, tout en aménageant les horaires différemment afin d’éviter les rassemblements. La situation sanitaire a d’ailleurs pavé la voie à des mesures que l’employeur avait déjà en tête. « On avait l’intention de déployer une charte de conciliation travail-famille-vie personnelle. Elle a été accélérée par le comité de direction et contient des mesures plus généreuses que prévu pour le télétravail. Ça fait partie des éléments qui vont rester », explique Mélanie Nadeau, directrice des communications au Port de Montréal.

De plus, l’organisation a souhaité faire sa part dans le combat contre la COVID-19. Menant l’initiative avec CargoM, elle a mis sur pied le système CargO2ai, un outil qui vise à repérer en mer les conteneurs qui renferment du matériel médical critique pour la lutte à la pandémie. « Dès que le navire arrive, on est en mesure avec les algorithmes de prioriser la manutention de ces conteneurs pour qu’ils puissent sortir plus rapidement du port », souligne Mélanie Nadeau. Ce système utilisant l’intelligence artificielle restera d’ailleurs en place une fois la pandémie estompée. « C’est une initiative qui a quand même joué un rôle très précis et très concret cette année. »

Grèves et blocus

Au début de l’année 2020, un important blocus ferroviaire est venu contrecarrer le quotidien des trains de marchandises. « Il n’a pas eu lieu sur nos installations, précise Daniel Dagenais. Mais ça a impacté la fluidité du corridor pour le transport des conteneurs ferroviaires avec le Canadien National (CN) puis le Canadien Pacifique (CP). Momentanément, le flot de marchandises a cessé, mais seulement sur la portion ferroviaire. » Le blocus touchait un des deux chemins de fer nationaux et a eu un impact sur 25 % du trafic du port. Le CN a pris rapidement des mesures pour contourner la situation en rajoutant 2500 km de plus à sa route. « Ça a ralenti un peu l’acheminement de ces marchandises. Naturellement, on était bien heureux de revoir un retour à la normalité après presque un mois », confie-t-il.

L’été dernier, toujours avec le nuage COVID-19 au-dessus la tête, c’était au tour des grèves de pointer le bout de leur nez. Les négociations en vue d’établir une nouvelle convention collective ont fait éclater un conflit entre le Syndicat des débardeurs du port de Montréal et l’Association des employeurs maritimes. Le Port de Montréal n’a pas voix au chapitre dans ces hostilités, mais est encore une fois fortement impacté par ces dernières. « La grève nous a fait beaucoup plus mal que l’effet de la COVID-19 ou même le blocus, affirme Daniel Dagenais. Ça nous a fait très mal, l’arrêt de travail. Pas d’argent qui rentre, pas de volume, pas d’activité. » Un sentiment d’insécurité s’est alors emparé des clients du port, dont les effets se sont rapidement transmis à l’ensemble des joueurs de la chaîne logistique. « Nos clients se sont préparés à la grève en se trouvant des alternatives. » Et malgré la trêve de l’automne et de l’hiver, la menace de grève planait toujours. Et l’histoire a prouvé que les clients avaient eu raison d’anticiper le pire, puisque la grève est revenue hanter le port il y a quelques semaines. Daniel Dagenais, Mélanie Nadeau et leurs équipes se sont évidemment réjouis de la décision du gouvernement d’intervenir dans le conflit. « L’avantage du retour au travail, explique le vice-président aux opérations, c’est qu’il y a un arrêt des mesures de pression autant chez l’employeur que les employés. Et contrairement à la trêve, au terme des 90 jours d’arbitrage, l’arbitre devra livrer un contrat qui respectera et unira les deux partis. »

Le soleil semble donc revenu au Port de Montréal, qui devrait pouvoir rattraper les derniers retards accumulés d’ici quelques semaines. Les équipes travaillent déjà à rassurer ses clients de façon à ramener leurs activités sur ses quais. « Ils montrent déjà des signes qu’ils vont revenir », avance Daniel Dagenais. « On va profiter du fait qu’il y a des états de congestion chez l’ensemble de nos compétiteurs en ce moment. Ils ont de la difficulté à avaler leurs 25 % de croissance en quelques mois. » Le port pourra aussi plancher sur son projet phare, celui de Contrecoeur, cette expansion du Port de Montréal sur la rive sud du Saint-Laurent prévue pour 2025. L’étude d’impact complétée et la capacité d’emprunt établie, il procède actuellement à l’appel de qualification pour les trois consortiums derrière la réalisation. La construction devrait s’amorcer dès 2022.