PIERRE FITZGIBBON : « L’EST DE MONTRÉAL FAIT PARTIE DE MES 5 PRIORITÉS »
Le super ministre du gouvernement Legault, Pierre Fitzgibbon, affirme que la revitalisation de l’est de Montréal occupe une place de choix dans sa liste de priorités pour la métropole. Ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie; ministre responsable du Développement économique régional; ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, les portefeuilles gérés par le Montréalais et député de Terrebonne sont collectivement très puissants, en effet, et pourraient s’avérer un levier efficace pour faire avancer plusieurs dossiers sur le territoire. EST MÉDIA Montréal l’a rencontré la semaine dernière dans son bureau au centre-ville, question de faire le point sur sa vision du développement de l’est montréalais.
D’entrée de jeu, Pierre Fitzgibbon avoue être « un fier Montréalais qui habite la ville depuis toujours et qui se passionne pour Montréal. » Sans contredit, le ministre responsable de la Métropole aime sa ville. Mais quand il est question de l’est de Montréal, il affirme que ce territoire a « définitivement besoin d’amour, qu’il a trop longtemps été négligé par les gouvernements précédents, et que maintenant c’est une réelle priorité pour la CAQ, et non un vœu pieu. » Il soulignera en ce sens la contribution de sa collègue Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles, qu’il remplace maintenant au poste de ministre responsable de la Métropole. « Chantal a fait un très bon travail au conseil des ministres pour nous faire prendre conscience des besoins de l’est de Montréal, et je vais continuer ce qui a été commencé dans le dernier mandat », dit-il, ajoutant que « la Déclaration pour revitaliser l’Est de Montréal, signée avec la Ville de Montréal en décembre 2018, est toujours valide. »
Selon M. Fitzgibbon, l’est montréalais est un territoire mal exploité possédant un potentiel incroyable. « Il y a des secteurs qui pourraient se développer au niveau résidentiel, au niveau de l’industrie légère, où l’on pourrait créer des milieux de vie intéressants, jumeler travail, loisirs, études; mais pour le moment c’est compliqué simplement de s’y rendre. Il y a beaucoup de travail de planification à long terme à faire et cela demande un support important des gouvernements. Nous, on s’est engagés à travailler pour la revitalisation de l’est, et on va continuer de le faire en collaboration avec la Ville de Montréal. Je veux entrer tous azimuts dans ce dossier-là, et je pense que ce sera même une occasion pour faire rayonner encore plus la métropole à l’international », clame le ministre.
REM de l’est
La question de la mobilité est au cœur du développement territorial dans l’est, et le projet de REM en constitue, pour la plupart des experts, la pierre angulaire. L’ARTM, en compagnie de ses partenaires (Ville de Montréal, STM et ministère des Transports), devrait présenter au début de 2023 une nouvelle mouture du projet, qui remplacera celle de CDPQ Infra, finalement écartée par le gouvernement Legault, faut-il le rappeler. Questionné à savoir si l’enveloppe de 10 milliards de $ était encore disponible, Pierre Fitzgibbon n’a pas confirmé de chiffre. « On ne travaille pas vraiment comme ça. À ce moment-ci, ce n’est pas une question de prix. On regarde plutôt quel projet structurant nous avons besoin, quelle est la façon la plus logique de le réaliser, et après on verra combien ça coûte. Ce qui est certain, c’est que le premier ministre a été clair : on veut un système de transport collectif efficace dans l’est de Montréal, et on va le faire », soutient M. Fitzgibbon.
Concernant une connexion directe au centre-ville, noyau du réseau de transport collectif, le ministre refuse de s’engager pour le moment mais ne ferme pas la porte à l’idée pour autant. « Je ne serais pas surpris que la prochaine présentation de l’ARTM ne propose pas dans un premier temps une version avec un tracé connecté directement au centre-ville, mais comme je ne l’ai pas vue encore, je ne peux pas me prononcer. Par contre, je dirais que si c’est le cas, peut-être que cette connexion pourrait se faire dans une deuxième phase de développement du REM de l’est. Peut-être qu’on ne pourra pas tout faire tout de suite, mais qu’on pourra améliorer le réseau par étapes, comme le métro de Montréal », avance M. Fitzgibbon. Ce dernier ajoute qu’au final, ça demeure une question de coût. « En premier lieu, c’est sûr qu’un projet de cette ampleur est une décision politique. Mais qu’est-ce que, collectivement, on peut réellement se permettre, ça, il faut être réaliste et agir en bon gestionnaire. » Il fera le même parallèle avec l’enjeu d’une structure aérienne ou autre dans le secteur de Mercier-Est. « Je partage la vue de plusieurs personnes qui doutent de la pertinence de l’aérien en milieu densément peuplé. Est-ce qu’on va être fier de voir un train suspendu au cœur de Montréal dans 40-50 ans? Mon intuition première c’est de dire que si on peut mettre en dessous de la terre ou en train de surface, pourquoi pas? Par contre, si ça coûte un, deux, trois milliards de plus, là, il y a une décision collective à prendre, bien sûr. »
Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Autre dossier majeur dans l’est, la reconstruction de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont continue de susciter bien des interrogations, mais Pierre Fitzgibbon se fait rassurant à ce sujet, reprenant les dernières déclarations de son collègue et ministre de la Santé, Christian Dubé. « Le gouvernement a été clair récemment, la reconstruction de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont n’est pas une question de budget limité à 4 ou 5 milliards de $, le nouvel hôpital aura le budget qu’il a besoin pour être reconstruit selon les plans du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal et de Québec. Le dossier suit donc son cours comme prévu. »
Question santé, le « super ministre » de François Legault bifurquera plutôt rapidement sur le projet de zone d’innovation qu’il pilote et espère voir atterrir dans l’est de Montréal. « Avec les sommités en recherche et grands médecins de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, et avec ce qui se développe comme infrastructure santé du côté de la Société de développement Angus, l’Hôpital Santa Cabrini, l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, l’Institut de Cardiologie de Montréal, etc., l’est de Montréal a certainement le potentiel de devenir une zone d’innovation en santé qui peut rayonner en Amérique du Nord et même à l’international. Je suis très engagé sur ce dossier qui pourrait amener beaucoup de bénéfices pour tout le territoire de l’est », avance le ministre.
Mais qu’est-ce au juste qu’une zone d’innovation pour le gouvernement Legault? Selon le député de Terrebonne, l’objectif est de propulser des secteurs d’activité dans lesquels le Québec peut aspirer devenir un des leaders mondiaux, comme l’aéronautique et l’intelligence artificielle, par exemple. « Une zone d’innovation, pour que ça fonctionne, il faut que ça regroupe des forces vives autour d’une même thématique et que celles-ci soient complémentaires l’une de l’autre. Ça prend des entreprises privées, de la recherche et du développement, des universités, des institutions, etc. Le rôle du gouvernement est d’assurer que la zone ait les infrastructures nécessaires pour accueillir efficacement tous ces joueurs, et que les investisseurs privés soient portés à venir s’installer ici. » Toujours selon M. Fitzgibbon, l’est de Montréal n’aurait pas un compétiteur déclaré en ce moment visant à accueillir sur sont territoire une zone d’innovation en santé.
Zone d’innovation en technologies propres
Sur les « 6 ou 8 zones d’innovation potentielles au Québec » selon le ministre Fitzgibbon, l’est de Montréal pourrait en accueillir deux. Une zone dans le domaine de la santé et une autre en chimie verte ou technologies propres, selon les définitions qui circulent. Géographiquement, on parle ici tout particulièrement du Secteur industriel de la Pointe-de-l’Île (SIPI), situé sur le territoire des arrondissements de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et d’Anjou, et sur celui de la Ville de Montréal-Est. Traversé en son centre par l’autoroute 40, le SIPI est bordé au sud par la rue Notre-Dame, et au nord par le boulevard Maurice-Duplessis (entre l’autoroute 25 et le croisement du boulevard Henri-Bourassa et de l’autoroute 40).
Un large secteur dans lequel on retrouve notamment les immenses terrains des anciennes pétrolières Shell et Esso, qui sont au cœur des plans de revitalisation du territoire en zone industrielle, tant du côté de Montréal que de la Ville de Montréal-Est. C’est par ailleurs un secret de polichinelle que les trois administrations publiques (Québec, Montréal et Montréal-Est) s’apprêtent à annoncer très bientôt un important projet dans le SIPI en lien avec l’acquisition d’une grande partie du terrain d’Esso qui devrait également impliquer l’entreprise privée. Questionné à ce sujet, Pierre Fitzgibbon a toutefois insisté pour dire que Québec ne serait pas l’acquéreur du terrain, contrairement à ce que certaines rumeurs laissent entendre. Toutefois, il avoue que son gouvernement est en pourparlers actuellement avec Esso. « Il faut bien imaginer que peu importe l’acheteur de ce ou ces terrains, il faudra bien qu’il nous parle et qu’il parle aux villes concernées, parce que c’est certain qu’on ne veut pas que n’importe quel projet aboutisse là. Par contre, il est possible que le gouvernement contribue à faciliter l’arrivée d’un projet qui serait bénéfique pour l’avenir de l’est de Montréal. Pour le moment, on en est là », dit le ministre.
Une zone d’innovation en technologies propres, est-ce une porte ouverte pour faire de cette partie de l’est de Montréal un eldorado du recyclage sous toutes ses formes? Une possibilité qui commence à inquiéter certains acteurs importants de la région. « Je ne pense pas que ce territoire va devenir le centre de recyclage de Montréal, ce n’est pas ça l’idée. Mais est-ce qu’on peut développer des infrastructures qui vont permettre l’arrivée d’entreprises de haute technologie en économie circulaire, du savoir, de la recherche en technologie propre, qui intégreraient une zone d’innovation? Est-ce qu’on peut imaginer que des universités, qui sont dans l’ouest, se joignent au départ à cette zone, quitte à plus tard construire des pavillons dans l’est au besoin? Je dirais que oui. Je comprends que certains ont peur que la valeur ajoutée, la recherche notamment, se fasse au début à l’extérieur de l’est, mais il faut être réaliste aussi, ce territoire ne se développera pas rapidement en milieu de vie où tout cohabite, mais ça peut se faire à long terme », soutient Pierre Fitzgibbon.
Décontamination des sols
Sur les 200 M $ promis par la CAQ en 2018 pour la décontamination des sols industriels, Québec a versé un premier 100 M $, mais la Ville de Montréal, qui gère l’enveloppe, a du mal à attirer les propriétaires de terrains malgré une offre extrêmement généreuse pouvant défrayer jusqu’à 90 % des frais encourus. Rappelons que ce programme exclut toutefois les anciennes pétrolières. Sur les 100 M $, 40 M $ auront servi finalement à l’achat de terrains par le domaine public dans le secteur du SIPI, et 11 projets de décontamination sont actuellement en branle ou sur le point de démarrer. Environ la moitié serait des terrains publics et il resterait encore plusieurs M $ disponibles provenant du premier 100 M $ de Québec.
Alors que plusieurs critiquent la piètre performance du programme qui attire pour le moment peu d’intéressés, Pierre Fitzgibbon voit plutôt les résultats d’un bon œil. « Moi je suis à l’aise avec le fait que 11 projets sont actuellement dans le calendrier, représentant environ 40 M $ d’aide publique. C’est déjà un bon départ. Mais je pense qu’il faut être réaliste, la décontamination de terrain, ça se fait habituellement quand il y a un projet d’usage ou d’infrastructure sur la table. Donc si on veut stimuler la décontamination des sols de l’est, ça va passer surtout par du développement concret, comme l’implantation du REM par exemple ou d’une zone d’innovation. Quand tout ça va démarrer, la décontamination va s’accélérer inévitablement », de conclure Pierre Fitzgibbon.
Voici en terminant les cinq priorités du ministre responsable de la Métropole, selon ce dernier : la sécurité publique; le logement; le transport collectif; l’est de Montréal; et le centre-ville.