QUE DEVIENT LE PATRIMOINE RELIGIEUX DE L’EST?
Depuis les dernières années, ce sont 16 lieux de culte qui ont été démolis, fermés ou recyclés dans l’est montréalais, selon un décompte effectué par EST MÉDIA Montréal. Les fidèles n’étant plus au rendez-vous, la préservation du patrimoine religieux passe parfois par des initiatives citoyennes qui visent à conserver ces endroits qui ont occupé une place privilégiée dans les communautés.
D’après l’Inventaire des lieux de culte du Québec tenu par le Conseil du patrimoine religieux du Québec, plusieurs églises, chapelles et presbytères ont rendu l’âme ou risquent de péricliter très bientôt dans les quartiers à l’est de l’avenue Papineau. Une demi-douzaine d’églises sont considérées comme étant « fermées » dans ces secteurs, sur un total de 18 installées sur l’île de Montréal. Ainsi, les églises Universelle et Saint-Eusèbe-de-Verceil, dans le quartier Sainte-Marie, l’Église Saint-Enfant-Jésus, dans Pointe-aux-Trembles, l’Église Saint-Clément, dans Hochelaga-Maisonneuve, l’Église Saint-Bernardin-de-Sienne, dans Saint-Michel et l’Église Notre-Dame-du-Foyer, dans Rosemont, n’accueillent plus de célébrations religieuses et aux dernières nouvelles, sont même inoccupées.
Le total s’élève à 12 lieux de cultes démolis dans les récentes années sur l’île de Montréal, dont 2 dans l’est. L’Église Saint-Octave, dans la Ville de Montréal-Est, ainsi que l’Église Saint-Victor, dans Hochelaga-Maisonneuve, ont toutes deux été détruites pour faire place à des habitations.
Du reste, plusieurs édifices religieux ont pu renaître de leurs cendres grâce à des projets séculiers. Par exemple, deux églises et une chapelle ont été réaménagées en espaces communautaires, soit l’Église Saint-Barnabé-Apôtre, qui loge aujourd’hui le Cap St-Barnabé, et l’Église Saint-Eugène, qui abrite une résidence de personnes âgées depuis 2007. Pour sa part, la Chapelle de la résidence Notre-Dame-de-la-Trinité loge désormais la Maison du citoyen de Pointe-aux-Trembles.
Une autre chapelle, soit celle des Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie dans Rosemont, a de son côté été recyclée en établissement institutionnel. On y retrouve maintenant un laboratoire de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Dans Pointe-aux-Trembles, l’Église Sainte-Germaine-Cousin héberge quant à elle un centre multifonctionnel, dont le centre de la petite enfance La Flûte enchantée depuis 2015. Un autre lieu de culte de l’est a même été transformé en gymnase : l’Église Saint-Bernard, dans Tétreaultville, accueille le Centre sportif et culturel du Collège Mont-Royal depuis 2004.
Enfin, deux anciens bâtiments religieux ont été convertis en édifices résidentiels, soit l’Église adventiste du 7e Jour Beer-Schéba, dans le Vieux-Rosemont, et la Chapelle Évangélique Emmanuel, dans le quartier Longue-Pointe.
Redonner à la communauté son patrimoine
Donner une autre vocation à un immeuble patrimonial religieux n’est pas une mince affaire; parfois centenaires, les églises du Québec nécessitent souvent d’importantes remises à niveau, en plus d’occasionner des coûts d’entretien faramineux. On se retrouve fréquemment devant des gouffres financiers simplement pour maintenir les lieux en vie.
Afin d’aider les porteurs de projets, le Conseil du patrimoine religieux du Québec a mis sur pied un programme dont l’objectif est de faciliter la transition des lieux de culte patrimoniaux excédentaires vers de nouveaux usages « en lien avec les besoins des communautés, tout en favorisant la conservation et la mise en valeur de leurs caractéristiques patrimoniales ».
Une aide financière est disponible et offre des enveloppes pouvant aller jusqu’à 5 000 000 $ dans le cadre de la conception de projets de requalification et de leur exécution. L’été dernier, un montant de 43 500$ a été accordé à des citoyens qui espèrent ressusciter l’Église Saint-Clément. Le projet « Viauville » de l’OBNL HocheLab en est encore à ses premiers balbutiements, mais on souhaite pouvoir racheter l’immeuble des mains du conseil de fabrique et apporter les transformations nécessaires au bâtiment assez rapidement, soit d’ici 2025, selon les documents fournis à EST MÉDIA Montréal.
La première enveloppe versée servira à effectuer des études de prélèvement sur l’édifice, pour obtenir l’heure juste quant à son état. Celles-ci devraient avoir lieu ce printemps, selon Émilie Therrien, membre d’HocheLab.
« L’amplitude du projet qu’on va entreprendre va dépendre de l’état de la bâtisse. Ça fait plusieurs années que l’église n’est plus chauffée. Entre 2009 et 2019, il y a eu une messe par année et quelques activités, dont des soirées de lutte dans le sous-sol, mais essentiellement, l’église était inoccupée », souligne celle-ci.
Certains problèmes sont déjà connus, dont un dégât d’eau qui s’est produit dans le presbytère en 2019, ainsi qu’une fissure dans la maçonnerie de la section liant le presbytère à l’église.
Le montage du projet de transformation de Saint-Clément est toujours en conception, mais l’OBNL souhaite déjà développer quatre volets qui auront cours dans l’ancienne église.
Le premier, logé dans le presbytère, serait communautaire et artistique. HocheLab espère ainsi offrir des locaux abordables aux organismes du quartier. « On pense densifier le presbytère, afin de pouvoir y installer un maximum d’OBNL », affirme Mme Therrien.
Le second volet serait quant à lui sportif et viserait à développer un gym sous forme de coopérative. L’idée est de combler un manque d’espaces dédiés aux sports et aux loisirs dans le quartier. Autre grande carence dans Viauville : l’accès à des aliments frais et locaux. Le secteur, identifié comme un désert alimentaire, aurait besoin d’une meilleure offre et c’est ce que veulent réaliser les porteurs du projet en créant ce troisième volet portant sur l’alimentaire.
Enfin, le quatrième volet viserait à conserver les caractéristiques patrimoniales de l’édifice et l’aspect spirituel de l’église, « sans en faire un nouveau lieu de culte », indique l’équipe d’HocheLab. Des petites pièces pourraient toutefois être aménagées en espaces de recueillement.
Malgré toutes les embûches que peut occasionner un tel projet, les membres de l’OBNL se disent sûrs de pouvoir porter à terme leurs plans. « L’arrondissement a des besoins à plusieurs niveaux, que ce soit en termes d’espaces ou d’offres de services. De notre côté, on a un bâtiment qui peut abriter tout cela. C’est donc plus logique de redonner vie à cet immeuble existant pour combler les besoins, plutôt que de construire à neuf », insiste Marc-André Robertson, membre d’HocheLab.