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LE CHÔMAGE EN HAUSSE, LES CJE SUBMERGÉS DE DEMANDES

Les jeunes et les immigrants seraient les premiers impactés par la récente hausse du taux de chômage enregistrée au pays. Preuve à l’appui, les Carrefours Jeunesse Emploi (CJE), notamment ceux de l’est de Montréal, sont débordés depuis le début de l’été. 

D’après les données compilées dans le bilan estival de Statistique Canada du 6 septembre dernier, le taux de chômage chez les jeunes et les immigrants ne cesse d’augmenter. De mai à août 2024, le taux de chômage des étudiants de 15 à 24 ans retournant aux études s’est établi à 16,7 %, alors qu’il était de 12,9 % à pareille date l’an dernier. Le taux de chômage des immigrants arrivés au pays il y a 5 ans ou moins, quant à lui, est actuellement de 12,3 %, alors qu’il était de 9,2 % l’année dernière. 

Ces chiffres dépassent largement le taux de chômage global de la province, qui était de 5,7 % en août 2024. 

Des files d’attente inédites 

Véronique Lalonde, directrice générale du PITREM (Courtoisie)

La recherche d’emploi semble être devenue plus difficile pour les jeunes sortant des bancs d’école, explique Véronique Lalonde, directrice générale du Programme d’information sur le travail et la recherche d’emploi de Montréal (PITREM). « Aujourd’hui, des jeunes diplômés peinent à trouver des métiers de caissier ou encore de commis, alors qu’avant, c’était l’inverse. Par manque de main-d’oeuvre, certains employeurs recrutaient des candidats sous-qualifiés, mais ils prenaient le temps de les former. »

Les jeunes sont donc parmi les premières victimes du ralentissement du marché de l’emploi. « Cet été fut la première fois qu’on a eu une liste d’attente pour les étudiants », confie Mme Lalonde, qui fait partie du PITREM depuis 22 ans. Cet organisme communautaire est relié au CJE Mercier, où ont défilé tout l’été de jeunes adultes à la recherche d’un boulot. « On voit qu’ils sont démunis, ils ne savent pas où cogner. On reçoit aussi beaucoup de profils de jeunes qui n’ont pas terminé leur secondaire et qui souhaitent trouver un premier emploi », indique-t-elle. 

Les jeunes chercheurs d’emploi principalement impactés sont ceux qui ne détiennent pas beaucoup de qualifications, souligne Marine Janssens, directrice adjointe du CJE Centre-Nord. « Les emplois encore disponibles sont essentiellement des emplois spécialisés. Sauf que les jeunes que l’on rencontre n’ont pas de diplôme, ou très peu d’entre eux, et n’arrivent donc pas à rentrer dans le marché du travail », expose-t-elle.

Cette hausse de la clientèle dans les CJE de l’île de Montréal (au nombre de 20) serait généralisée, souligne Véronique Lalonde, qui indique qu’à la suite d’échanges avec les directions des autres CJE de la ville, elle constate que tous ont enregistré une augmentation. Chiffres à l’appui, la fréquentation aux ateliers destinés aux jeunes cherchant un premier emploi a augmenté au CJE Mercier. « On a eu 139 étudiants cet été, comparativement à 107 l’an passé », précise-t-elle.

Face à une telle pénurie de postes, les procédures de recrutement deviennent de plus en plus pointues et les démarches d’accompagnement des conseillers des CJE s’ajustent. « On demande aux jeunes désormais de se démarquer avec des choses différentes : des expériences de bénévolat ou des implications sociales qui feront peut-être la différence sur leur CV », souligne la directrice adjointe du CJE Centre-Nord. 

Le désarroi des nouveaux arrivants

Marine Janssens, directrice adjointe du CJE Centre-Nord (Courtoisie)

Tout comme les étudiants, les nouveaux arrivants subissent aussi cette crise de l’emploi de plein fouet. Les CJE de l’est de Montréal en sont les premiers témoins. « Il y a un an, on a commencé à remarquer une arrivée en masse dans l’est de Montréal, en particulier dans le quartier Saint-Michel, de demandeurs d’asile à la recherche d’un emploi. Comme les organismes spécialisés en immigration sont aussi débordés, ces candidats se tournent vers nous. Sauf qu’on est dans l’incapacité de prendre en charge tous les dossiers en individuel », déplore Marine Janssens. Le CJE Centre-Nord offre un service gratuit pour les 15 à 35 ans qui résident dans les quartiers de Saint-Michel, Parc-Extension et Villeray. Le taux d’immigrants (ce qui comprend les demandeurs d’asile, les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires) ayant utilisé les services du Carrefour était de 11 % durant l’été 2023 et de 27 % cet été, d’après les dernières données.

Face à cette pénurie d’emplois, la communauté immigrante représenterait une main-d’œuvre facile à exploiter par certains employeurs, qui pourraient utiliser cette vulnérabilité pour abuser de leurs droits. « En bas de notre bureau, à Saint-Michel, je vois tous les matins des personnes d’origine étrangère qui partent travailler à l’extérieur de Montréal dans une camionnette. Je ne sais pas si les normes du travail du Québec sont respectées… », laisse entendre Marine Janssens. 

Devant cette hausse de fréquentation des CJE, les organismes en emploi peinent à répondre à la demande, notamment à cause de leur système de financements qui doit respecter des règles de segmentation. « Une portion de notre financement exclut les populations immigrantes, ce qui fait en sorte qu’on ne peut pas s’adapter aux flux du marché du travail. Si on les aide présentement, ce sera au détriment d’autres catégories de candidats, de nos résultats, et donc, de nos renouvellements de financement à la fin de l’année », explique Véronique Lalonde. 

La stratégie de cette derrière ne serait pas de demander davantage de subventions, mais plutôt d’organiser les financements différemment. « Un financement à la mission permettrait de mieux s’adapter aux besoins de la communauté, afin de desservir certaines personnes en priorité », donne en exemple la directrice générale du PITREM.