Depuis sa mise sur pied en 1995, la Société de développement Angus a continuellement pris de l’ampleur, au point de s’illustrer aujourd’hui comme l’une des plus imposantes entreprises d’économie sociale au Québec. Avec près de 80 M $ d’actifs immobiliers, principalement concentrés dans le quartier Rosemont, le promoteur s’organise maintenant pour protéger et faire fructifier sa valorisation afin qu’elle demeure essentiellement un outil au service de la communauté. Et l’est de Montréal demeure son territoire de prédilection dans les prochaines décennies, annonce la direction de la SDA.

Cette volonté se traduit concrètement par la création de la Fiducie foncière Angus. Si cette dernière a été fondée officiellement en 2018, c’est toutefois cette année qu’elle s’est solidifiée avec un investissement de 24 M $ injecté par le Fonds immobilier Social, via la Fiducie du Chantier de l’économie sociale. Vous y perdez votre latin? Rien d’étonnant, puisque ce type de constitution est plutôt rare dans l’écosystème économique québécois, mais peut-être le sera-t-il moins à l’avenir…

« Une petite Caisse de dépôt »

La Société de développement Angus possédait jusqu’à tout récemment, via l’entité Technopôle Angus, 7 immeubles (bureaux-commercial-services) offrant près de 500 000 pi² d’espaces locatifs. Ils ont tous été cédés en 2019 à la Fiducie foncière Angus, qui détient également la nue-propriété (par emphytéose) de 7 terrains représentant une superficie totalisant près de 330 000 pi². Chacun de ces terrains logeant un immeuble. La Fiducie deviendra à terme le propriétaire unique de la quasi-totalité des actifs immobiliers du Technopôle, toujours en développement, un patrimoine collectif unique et à fort impact social. « Le concept est à la base simple : la SDA achète des actifs, terrains et immeubles, rénove, construit, loue les espaces locatifs, et une fois le tout complété, elle vend dorénavant ces mêmes actifs à la Fiducie foncière Angus », explique Christian Yaccarini, président et chef de la direction de la SDA.

Maintenant qu’elle possède les immeubles et les baux de location (sauf les immeubles résidentiels), la Fiducie ne pourra les vendre ou s’en départir, sans que son Conseil d’administration et ses dirigeants en décident autrement. Mais pour ce faire, les dédales juridiques seront costauds. « Ce qu’on s’assure avec la Fiducie, c’est que le patrimoine collectif développé par la SDA soit inaliénable. Bien que les immeubles actuellement soient hypothéqués, dans 20-25-30 ans ils rapporteront beaucoup d’argent en revenus de location en plus de voir leur valeur croître. La fiducie sera alors un générateur de capital très important, une petite Caisse de dépôt qui permettra de faire d’autres projets de revitalisation urbaine et de développement social », affirme Christian Yaccarini.

L’idée de créer une fiducie foncière a germé dans la tête du fondateur dès les premières années de la SDA, qui cherchait un moyen de ne pas avoir à vendre un jour les actifs développés par l’entreprise d’économie sociale à des promoteurs immobiliers dont le rôle principal est de générer des profits. « Au fil des années, on avait accumulé 32 M $ de prêts et de dettes à rembourser aux gouvernements provincial et fédéral, et il fallait rembourser. Notre argent était alors dans les murs, donc soit on vendait des actifs, immeubles, terrains, à des gros promoteurs immobiliers, soit on créait notre propre acheteur. C’est ce qu’on a finalement réussi à faire en créant la fiducie, avec l’aide de Fondaction, et aujourd’hui avec la Fiducie du Chantier de l’économie sociale qui vient d’y investir 24 M $. Maintenant l’instrument est en place, plusieurs M $ en sortiront éventuellement chaque année pour appuyer d’autres projets, mais moi j’aurai passé le flambeau depuis un bout de temps (rires) », avance le pdg.

Protéger les locataires

Si la création de la Fiducie foncière Angus assure la pérennité financière et la croissance de la SDA, elle vient aussi rassurer les locataires des immeubles puisque, toujours selon son principal dirigeant, les premiers locataires des projets immobiliers développés par la SDA, « ceux qui ont pris un risque », ne verront pas leur bail exploser même si la valeur du quartier ou de l’immeuble augmente un jour considérablement. « Trop souvent, ce qui arrive dans les rues commerciales, ou les quartiers en revitalisation, c’est que quand la valeur des espaces commerciaux monte, les propriétaires n’hésitent pas à doubler carrément les loyers au renouvellement de bail. Comme le profit n’est pas la mission première de la SDA, et de la Fiducie, nous on peut se permettre de les augmenter selon le coût de la vie. Ces entreprises pourront rester chez nous et croître sans faire face à des coûts de loyer exorbitants que seuls les gros joueurs peuvent se permettre », soutient Christian Yaccarini.

Priorité : est de Montréal

L’acte de fiducie préciserait que « le terrain d’intervention est prioritairement l’est de Montréal. » Mais il n’est pas exclu que l’entreprise d’économie sociale développe des projets à l’extérieur de ce territoire, comme elle l’a déjà fait dans le passé (Carré Saint-Laurent, par exemple). « La priorité, c’est clairement l’est. Mais on ne veut pas empêcher la Fiducie dans 60 ans d’aller ailleurs. Tout le défi de la fiducie c’est d’avoir des politiques qui ne viennent pas cadenasser à vitam aeternam son développement, parce qu’on ne connaît pas l’avenir. Mais le développement de l’est va nous occuper pendant encore pas mal longtemps, ça j’en suis convaincu », termine Christian Yaccarini.