Photo fournie par PME MTL Est-de-l’Île

« NOUS AMORÇONS UN IMPORTANT CYCLE DE PROSPÉRITÉ »

Pour souligner le lancement du site EST MÉDIA MONTRÉAL, une douzaine de dirigeants d’organismes et d’élus influents de l’Est de la métropole ont accepté de participer à une importante série d’entrevues exclusives et de partager avec vous leur vision des enjeux et des défis à relever sur le territoire au cours des prochaines années. Cette semaine, le résumé de notre rencontre avec Annie Bourgoin, directrice générale de PME MTL Est-de-lÎle.

La DG de PME MTL Est-de-l’Île est catégorique sur les perspectives d’avenir de l’Est montréalais : le territoire entre dans une ère nouvelle où l’économie se portera de mieux en mieux. « Ça fait plus de 20 ans que je travaille au développement économique de l’Est, et je suis convaincue que nous abordons en ce moment un 3e cycle d’évolution depuis la fin des années 90. En fait il y a eu l’avant et l’après départ de la raffinerie Shell », affirme Annie Bourgoin.

Selon elle, il était très difficile de faire valoir les bons côtés de l’Est il y a une vingtaine d’années, à mettre les entreprises phares de l’avant. « L’Est avait mauvaise presse, beaucoup d’entreprises quittaient encore le territoire et son aura était, disons, plutôt grise. Lorsque Shell a décidé de partir à son tour (2010), on pourrait dire que ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et les acteurs de l’Est se sont réveillés, se sont ralliés autour de l’importance de prendre le développement socio-économique en main, quelque soit l’allégeance politique de chacun », de dire la dirigeante de l’organisme, qui soutient et accompagne les entrepreneurs des arrondissements RDP-PAT, Anjou, Saint-Léonard, Montréal-Nord et de la ville de Montréal-Est.

Concrètement, cette grande concertation des principaux décideurs de l’Est aurait permis de faire au courant des dix dernières années une lecture approfondie de l’économie qui caractérise la région, de mettre en branle de solides plans de développement et de créer des programmes d’investissements spécifiques pour l’Est. « J’ai l’impression que nous avons préparé les assises pour les prochains dix ans. Nous connaissons bien aujourd’hui où et comment investir pour relancer l’Est de Montréal, et le travail est commencé. On voit beaucoup d’initiatives se déployer sur le terrain que ce soit pour améliorer le transport, décontaminer les sols, redorer l’image de marque de l’Est, et créer ou soutenir des pôles d’activités économiques qui nous sont propres. Tout ce bouillonnement résulte, en bonne partie, de la concertation des acteurs de l’Est et cela nous amène à croire que nous entrons enfin dans un important cycle de réinvestissement et de prospérité », soutient Mme Bourgoin. Cette dernière croit également que, compte tenu que l’Est possède quelque 40 % des terrains disponibles pour le développement commercial et industriel de l’agglomération de Montréal, le territoire est dans une position « inévitable » de développement et d’investissements dans les prochaines années.

Quand la vieille économie… innove

L’activité économique de l’Est de Montréal est historiquement caractérisée par l’industrie lourde, favorisée par la proximité des installations portuaires et ferroviaires, et plus tard par les infrastructures routières (autoroutes 40, 25). L’économie de l’Est, si elle est moins « lourde » aujourd’hui, en est tout de même une de « fabrication », et regroupe plusieurs centaines de PME qui usinent et fabriquent des composantes de toutes sortes. « C’est un type d’activité qui passait sous le radar il y a 20 ans alors que l’on entendait parler que des entreprises technologiques. Mais aujourd’hui la fabrication de composantes reprend beaucoup de vigueur et d’importance puisque finalement ce sont souvent ces entreprises qui fournissent les technos, et qui inévitablement innovent et s’adaptent aux exigences du marché. On se rend compte qu’un parc d’entreprises comme il existe dans l’Est est un gage de pérennité plutôt qu’une vieille économie », explique Annie Bourgoin.

D’ailleurs, cette caractéristique propre au territoire amène également sont lot de défis pour PME MTL Est-de-l’Île. Si de nombreuses PME manufacturières ont su tirer leur épingle du jeu ces dernières décennies en occupant des niches spécifiques, elles n’en vieillissent pas moins au rythme de leurs dirigeants propriétaires. « Nous avons dans le réseau PME MTL, et de loin, le plus grand nombre de dossiers de transferts d’entreprises. Les propriétaires dans l’Est sont vieillissants et on fait face à des problèmes de relève dans la région. C’est un de nos principaux domaines d’intervention et d’accompagnement en ce moment », affirme la DG.

L’autre problématique des manufacturiers de l’Est, mais qui touche tout de même toutes les régions du Québec, est la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les secteurs techniques et professionnels. Selon Mme Bourgoin, l’Est est particulièrement touché puisqu’il est un important employeur de diplômés techniques. « Il faut valoriser encore plus la formation professionnelle et technique, en général, mais aussi essayer d’attirer plus d’immigrants dans l’Est qui ont ce genre de formation ou qui désirent se former en ce sens. On voit que l’Est attire de nombreux nouveaux résidents issus de l’immigration, mais qui travaillent très souvent en dehors du territoire. C’est une réalité qui mérite qu’on s’y attarde et la solution est certainement difficile à trouver. »

Et est-ce que les entrepreneurs dans l’Est ont d’autres besoins particuliers? « Pas vraiment », de dire Mme Bourgoin. « On parle des besoins de main-d’œuvre, mais aussi bien sûr des sources de financement disponibles et de services-conseils. J’ajouterais toutefois que plus nous allons vers la Pointe-de-l’Île, plus on fait face au problème du transport déficient. C’est plus difficile de vendre l’idée à un entrepreneur d’installer son entreprise dans une zone où ce sera compliqué pour ses employés de s’y rendre. Mais c’est une réalité bien connue que tous les acteurs de l’Est tentent de corriger depuis des années », soutient-elle. Elle ajoute que les modèles de rentabilité du transport collectif « ne devraient pas s’appliquer pour la Pointe-de-l’Île car le territoire est vaste de ses grands parcs industriels et la densité de la population ne sera jamais celle des quartiers centraux », en faisant notamment référence aux analyses et aux études comportementales de la STM.

Quelques secteurs d’avenir

Si PME MTL Est-de-l’Île accorde beaucoup d’importance au maintien et à la croissance des PME manufacturières sur son territoire, elle a toutefois dans sa mire d’autres cibles bien définies pour le développement économique de l’Est. Sont identifiées notamment les entreprises dans le domaine des technologies propres et ses dérivées, que Mme Bourgoin aimerait voir plus nombreuses sur le territoire, mais aussi celles faisant partie du pôle bio-alimentaire, toujours très puissant dans la région. « La transformation alimentaire est un secteur d’avenir prometteur ici. Nous avons beaucoup de belles entreprises dans ce domaine et d’autres se sont installées récemment comme par exemple les Jus Loop et Rise Kombucha. Il y a un énorme potentiel de développement dans l’Est pour ce type d’entreprises et le pôle devrait croître ces prochaines années. Ce pôle est aussi un très grand générateur d’emplois pour l’Est », soutient Mme Bourgoin.

D’autres champs d’activités intéressent particulièrement PME MTL Est-de-l’Île pour le développement économique du territoire dans les prochaines années. Toujours selon sa dirigeante, l’économie sociale serait un secteur de choix : « Elle est en ébullition depuis un certain temps au bout de l’Île et ça peut générer de grands projets. On a qu’à penser à ce qui se fait déjà dans Rosemont, avec la Société de Développement Angus par exemple, ou encore à plein d’initiatives dans Hochelaga-Maisonneuve qui portent fruits. On aimerait définitivement amener plus d’entreprises en économie sociale sur notre territoire. » Les commerces et les services de proximité sont également à développer dans la Pointe-de-l’Île : « Il y a beaucoup, beaucoup de besoins en ce moment pour les commerces de proximité. C’est important pour offrir un environnement de vie intéressant pour les employés mais aussi, évidemment, pour les résidents qui sont de plus en plus nombreux. »

L’économie circulaire fait sa marque

PME MTL Est-de-l’Île a lancé il y un peu moins de deux ans le projet innovant d’écologie industrielle Synergie Montréal. Cette approche, qui en est une d’économie circulaire, permet de créer de la richesse en favorisant l’échange de produits, de ressources ou d’énergie non utilisés entre entreprises locales. Synergie Montréal a connu un succès percutant dès le départ grâce à sa particularité d’avoir des objectifs d’affaires aussi importants que son impact environnemental, mais surtout grâce au fait que des participants y sont arrivés rapidement.

Dans son rapport annuel 2017, l’organisme affirme que le projet a permis aux 53 entreprises participantes de détourner de l’enfouissement ou du recyclage quelque 1 283 tonnes de matières résiduelles, et d’économiser au moins 125 000 $. « C’est un départ canon dont nous sommes bien fiers mais nous avons tellement mis d’énergie dans ce projet, il fait partie de l’ADN de PME MTL Est-de-l’Île. Nous y croyons parce cette synergie est parfaitement en lien avec le type d’entreprises sur le territoire et elle peut devenir rentable au point d’attirer de nouveaux investisseurs dans l’Est. Le projet aide déjà des entreprises d’ici, mais il peut vraiment devenir un atout distinctif très puissant pour nous dans les prochaines années », clame Annie Bourgoin. Souhaitons-le.

NDLR : Le réseau PME MTL est issu de la fusion des 18 CLD de Montréal (Centre local de développement) en six OBNL en 2015. Sous la responsabilité de la Ville de Montréal, mais toujours financées par Québec, leur mission est d’offrir un ensemble de services professionnels accessibles aux entrepreneurs privés et d’économie sociale se situant sur l’île de Montréal. Acteurs de premier plan dans le soutien au démarrage et la croissance des PME, les experts de PME MTL accompagnent les entrepreneurs par leurs conseils en gestion et l’octroi de financement.