DÉPLOIEMENT DE L’ÉMMIS : LE BESOIN D’INTERVENTION SOCIALE SEMBLE BIEN PRÉSENT DANS L’EST
Au mois d’août dernier, la Ville de Montréal a annoncé le déploiement dès 2025 de l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) dans tous les arrondissements de la métropole. Actuellement, les intervenants parcourent les secteurs de Ville-Marie, du Plateau-Mont-Royal, du Sud-Ouest et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, arrondissement de l’est où près de 1 500 demandes d’intervention ont été faites depuis le début des services, en juin 2023. Une offre spécifique, pilotée par l’organisme Coalition Pozé, sera également déployée dans les arrondissements du nord-est de l’île afin de mieux accompagner les jeunes en situation de vulnérabilité.
L’enjeu de la cohabitation sociale dans l’espace public semble être aujourd’hui bien présent dans la métropole, alors que 15 0000 interventions de l’ÉMMIS ont été comptabilisées dans les 4 arrondissements participants depuis l’an dernier. Selon de récentes données transmises à EST MÉDIA Montréal, les appels reçus par l’ÉMMIS ont presque doublé de 2023 à 2024, passant de 4 à 9 appels par jour en moyenne.
Lancé en 2021 dans l’arrondissement de Ville-Marie sous forme de projet pilote, l’ÉMMIS a pour mandat d’offrir un service complémentaire au travail policier et « une réponse sociale municipale immédiate, ponctuelle et non urgente (…) face à des enjeux de cohabitation sociale liés au partage de l’espace public ». L’équipe, qui compte actuellement 52 intervenants, répond également aux appels en provenance du métro de Montréal, où 1 075 interventions ont été réalisées entre février et juin 2024.
La Ville, qui a indiqué vouloir agir « pour affronter la crise des vulnérabilités », a annoncé au cours de l’été l’élargissement des interventions de l’ÉMMIS sur tout le territoire montréalais. Ce projet s’est concrétisé à la suite de nouvelles ententes entre la Société de développement social et l’organisme Équijustice, en charge de dépêcher les intervenants sociaux civils sur le terrain. Ce nouveau déploiement découle d’un financement à la hauteur de 50 M$ jusqu’en 2028, provenant à parts égales de la Ville de Montréal et du ministère de la Sécurité publique du gouvernement du Québec. L’équipe de l’ÉMMIS comptera l’an prochain 90 intervenants actifs dans la métropole.
Une majorité d’intervention dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve
L’ÉMMIS est entrée en service dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) en juin 2023. Des statistiques partagées avec l’équipe d’EST MÉDIA Montréal ont révélé que 1 449 interventions ont été effectuées dans MHM entre juin 2023 et la mi-août 2024. Parmi celles-ci, 516 provenaient d’une demande, alors que les autres consistaient en des interventions spontanées de la part de l’ÉMMIS.
Ces mêmes données indiquent que l’an dernier, 77 % des interventions dans l’arrondissement ont été réalisées spécifiquement dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.
« La raison principale derrière les demandes est le raccompagnement de personnes vers une ressource d’hébergement, nous a indiqué le service de relations publiques de la Ville de Montréal. L’ÉMMIS reçoit aussi des demandes d’aide pour intervenir auprès de personnes ayant un comportement hors-norme dans un parc ou un autre espace public. L’équipe va aussi aller à la rencontre de plusieurs commerçants pour connaître leurs besoins quant à la cohabitation sociale, notamment pendant la piétonnisation de la rue Ontario. »
Cet été, le nombre d’interventions par semaine a été « constant, soit en moyenne 18 par semaine de mai à juillet 2024 », a-t-on indiqué.
Un article paru dans la Presse la semaine dernière rapportait l’inquiétude grandissante de résidents du quartier Hochelaga-Maisonneuve face aux problèmes de cohabitation entre les citoyens et les sans-abris du secteur. Des refuges et des ressources temporaires pour itinérants sont notamment installés à proximité d’écoles, de parcs et de rues résidentielles. Dernièrement, le projet de transformation de l’ancienne église Sainte-Bibiane en centre d’hébergement pour personnes vulnérables, dans l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, avait également créé des tensions au sujet d’une possible cohabitation.
L’ÉMMIS, qui peut être appelée à intervenir lors de situations tendues « non dangereuses pour la personne ou pour autrui, non violentes et non criminelles », peut donc être une ressource utile en présence « de vulnérabilités sociales comme l’itinérance, l’instabilité résidentielle, la dépendance, la santé mentale ou la marginalisation (…) », indique le service de relations publiques de la Ville de Montréal.
Questionné à propos du nombre d’interventions sur son territoire et sur la nature de celles-ci, l’arrondissement de MHM n’a toujours pas commenté aux moments d’écrire ses lignes.
Interventions et sensibilisation jeunesse dans le nord-est
En 2025, les interventions de l’ÉMMIS seront également étendues jusqu’à la zone du nord-est de l’île de Montréal, plus précisément dans les arrondissements de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, d’Anjou, de Montréal-Nord et de Saint-Léonard. L’organisme léonardois Coalition Pozé a été mandaté pour envoyer des intervenants de l’ÉMMIS dans l’espace public de ces territoires et ce, 24 heures sur 24, 7 jours par semaine.
L’organisme, qui détient une expertise en intervention auprès de la jeunesse, ajoutera aux actions en cohabitation sociale un volet prévention de la violence chez les jeunes, enjeu d’importance dans le secteur nord-est de la métropole où « le niveau de détresse et de risques de développement de comportements plus violents et extrêmes chez les jeunes a particulièrement augmenté depuis la pandémie », indique Pierreson Vaval, directeur général de la Coalition Pozé.
Il ajoute que les solutions qui étaient jusqu’ici offertes consistaient majoritairement en des actions ou des champs d’intervention du système de justice. « Il y avait donc des risques de surjudiciarisation des jeunes et de leur communauté. Nous étions inquiets de voir qu’il n’y avait pas nécessairement d’autres alternatives solides qui étaient proposées. »
Lors d’échanges avec la Ville, l’organisme a souligné un manque de présence auprès des jeunes, surtout ceux plus vulnérables qui se retrouvent hors du système. « Ça va être des adolescents, par exemple, qui ne fréquentent pas d’institutions scolaires, qui ne seront donc pas bien accompagnés, donc qui se retrouvent à circuler dans nos quartiers, dans les lieux publics. À cause de cette solitude qu’ils vivent, ils peuvent prendre des décisions qui inquiètent la population », explique M. Vaval.
La Coalition Pozé a vu dans l’ÉMMIS une belle initiative aux impacts positifs, mais a voulu adapter la formule pour qu’elle vienne particulièrement en aide aux jeunes. « La question des jeunes suscitent beaucoup d’inquiétude chez les citoyens dans le nord-est et dans l’est de Montréal, donc l’intervention de l’ÉMMIS sera un peu plus large et va aller chercher une clientèle qui n’était pas nécessairement visée de façon spécifique auparavant. En plus de dénouer les tensions entre les citoyens, l’équipe mobilisée va pouvoir réaliser des interventions préventives, comme de la présence soutenue ou dissuasive dans un secteur donné, ou encore organiser des séances de sensibilisation et d’information auprès des jeunes », explique le directeur général de la Coalition Pozé.
Dès 2025, la population de Montréal et les commerçants pourront contacter l’ÉMMIS par l’entremise du nouveau Centre de référence du Grand Montréal (211).
Actuellement, il est possible de communiquer avec l’équipe 24/7 par courriel à l’adresse emmis@montreal.ca ou par téléphone au 438 372-4387.