L’édifice situé au 1691, boulevard Pie-IX. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

EXCLUSIF : LE CSSDM SOMME LE PEC-HM ET HUIT ORGANISMES DE QUITTER LEURS LOCAUX

Le Pavillon d’éducation communautaire Hochelaga-Maisonneuve (PEC-HM), un organisme présent dans le quartier depuis 50 ans, devra renoncer à ses locaux d’ici un an. Ce dernier, ainsi que huit autres groupes communautaires qui sont logés dans le bâtiment situé sur le boulevard Pie-IX, doivent quitter les lieux selon le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) qui en est propriétaire.

En décembre 2022, des employés du CSSDM sont venus rencontrer Martha Ortiz, directrice générale du PEC-HM, pour l’informer que son organisme devra évacuer ses locaux d’ici un an, soit au mois de décembre 2023. La vétusté de l’édifice, sis au 1691, boulevard Pie-IX, serait la raison qui pousse le CSSDM à vider les lieux, selon elle. « De ce que je comprends, ils nous font partir, parce qu’ils pensent que ce n’est pas sécuritaire pour nous. Mais, ils ne peuvent pas utiliser l’édifice pour des activités scolaires, parce qu’il n’est pas conforme aux normes établies », souligne Mme Ortiz. Le PEC-HM réside à cette adresse depuis une quarantaine d’années.

Si la surprise de la directrice a été grande à la suite de cette annonce, entre autres parce que son bail signé en 2017 est valide jusqu’en 2032, celle-ci reconnaît que l’édifice est en mauvais état. « Je ne suis pas ingénieure en bâtiment, mais je sais qu’il y a beaucoup de choses à faire pour remettre l’édifice à niveau », affirme-t-elle. La toiture, les fenêtres, la maçonnerie et même les fondations pourraient nécessiter une intervention, selon ses observations.

Photo de l’édifice prise en 2021 (Photo : EMM).

Cette dernière confirme qu’une clause de son bail permet au CSSDM d’exiger que les locataires quittent l’édifice s’il est jugé que son état n’est plus sécuritaire pour ses occupants. « Ce n’est pas un secret pour qui que ce soit; l’édifice est très mal entretenu. Ça fait des années qu’ils n’entretiennent pas l’édifice et qu’il leur coûte cher. Évidemment pour le CSSDM, la priorité c’est l’éducation, ce sont les enfants, c’est normal, c’est leur mission. Sauf que nous on est maintenant mal pris », se désole la directrice.

Selon le Plan triennal de répartition et de destination des immeubles 2021-2024 du CSSDM, aucun projet n’est sur la table pour cet édifice d’ici les prochaines années, la note « statu quo » étant inscrite au dossier jusqu’en 2024.

Par ailleurs, le même document indique que le PEC-HM occupe une superficie de 46 898 pi². Il s’agit de locaux d’une grandeur rarissime dans le quartier, soutient Mme Ortiz. « Ça va être très difficile de déménager. On a le FabLab (laboratoire de recherche et de création), la salle dans laquelle on fait du dépannage alimentaire, des espaces dédiés à de l’artisanat. C’est énormément d’activités et je ne sais vraiment pas où on pourra aller », insiste-t-elle.

C’est le conseil d’administration de l’organisme qui décidera de la marche à suivre pour assurer sa pérennité, mais Mme Ortiz se dit ouverte à toutes les solutions. « Pourrait-on trouver un moyen de devenir propriétaires du bâtiment? Ça va dépendre de plusieurs facteurs, surtout du financement. »

La directrice demande au milieu communautaire, au CSSDM, ainsi qu’aux élus de tous les niveaux de se mettre à table pour trouver une solution le plus rapidement possible. « Pour moi, le 31 décembre 2023, ça s’en vient très rapidement, c’est presque demain. Je crois qu’il y a une ouverture de la part du CSSDM et je reste optimiste que nous allons pouvoir tous nous asseoir ensemble pour trouver une issue », plaide Mme Ortiz.

Un projet à la hauteur des attentes

Au moment d’écrire ces lignes, ni le CSSDM ni le ministère de l’Éducation n’avait accordé d’entrevue à EST MÉDIA Montréal à propos de ce dossier. Par courriel, les relations médias du ministère nous ont fait savoir que « le CSSDM est responsable de ses infrastructures et des baux qu’il signe. Par ailleurs, le ministère de l’Éducation soutient financièrement la mission globale d’organismes qui sont situés à cette adresse. Ce soutien financier sert notamment à payer les frais liés à l’occupation d’un espace physique pour l’organisation ou la réalisation des activités des organismes. »

À la suite de la publication d’une première version de ce texte, le CSSDM a répondu par courriel qu’il « a mené des démarches afin d’obtenir un financement pour une réhabilitation de l’immeuble. Cette proposition n’a pas été retenue par les instances gouvernementales. Or, le CSSDM n’a pas la capacité financière de prendre à sa charge la réhabilitation de ce bâtiment sans compromettre sa mission première de répondre aux besoins des élèves montréalais et de les scolariser. » On ajoute dans ce message que « considérant la responsabilité du CSSDM d’assurer que les lieux loués sont sains et sécuritaires, le CSSDM compte malheureusement mettre fin à l’occupation du bâtiment d’ici le 31 décembre 2023, et ce, en vertu d’une clause du bail signé, laquelle permet au CSSDM de mettre fin au bail dans de telles circonstances. Conscient des impacts de ces conclusions, notamment en termes de délais tant pour le PEC HM que pour la population desservie, le CSSDM est prêt à voir avec les différentes instances municipales et provinciales les options permettant aux organismes de poursuivre leurs réalisations et maintenir les services importants offerts. » On termine le courriel en signalant que le « but [du CSSDM] est de faire tout ce qui est possible pour minimiser les impacts de cette situation et d’accompagner les locataires pour parvenir à une issue acceptable et cohérente pour tous. »

De son côté, le cabinet de Chantal Rouleau, ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, indique par courriel suivre « de très près la situation d’organismes communautaires dont les locaux sont situés dans des bâtiments appartenant au CSSDM. Une rencontre est prévue prochainement entre les acteurs du milieu et le cabinet de la ministre Chantal Rouleau, ainsi que ceux du ministre de l’Éducation et de la ministre de la Famille. Notre gouvernement verra aux suites à y donner et aux solutions qui pourraient être mises en place. »

Pour le député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, il est essentiel que le CSSDM et le ministère de l’Éducation trouvent une solution pérenne afin d’assurer que le PEC-HM demeure dans le quartier. « Je ne suis pas content de cette situation, d’autant plus que l’on connaît depuis longtemps l’état de la bâtisse. On veut que le gouvernement retire cette épée de Damoclès d’au-dessus de la tête du PEC-HM et des organismes qui s’y trouvent, et qu’on repousse la date de fermeture de l’immeuble, le temps de trouver des locaux », soutient-il.

Ce dernier croit que Québec devra aussi faire sa part dans le financement de la réfection de l’édifice, afin qu’il ne se retrouve pas sur le marché privé entre les mains « de requins de l’immobilier qui vont y faire des condos ». L’élu entrevoit la possibilité de déménager les organismes dans l’école Irénée-Lussier, située au coin du boulevard Pie-IX et de la rue Hochelaga, puisque les élèves de cette dernière déménageront dans un nouvel édifice au 4420, rue Hochelaga à la rentrée 2023. « Peu importe ce qui sera décidé, il faudra mettre en place un projet qui sera à la hauteur des attentes et des besoins du quartier », martèle le député solidaire.