CHANTAL ROULEAU ENTREPREND DE GRANDS CHANTIERS AVEC SON NOUVEAU MINISTÈRE
Le premier mandat de la députée de Pointe-aux-Trembles, faut-il le rappeler, a rapidement été marqué par des annonces d’envergure pour l’est de Montréal. Déclaration conjointe avec l’administration Plante pour revitaliser l’est de Montréal; projet du REM de l’est, décontamination des sols, prolongement de la ligne bleue du métro, zones d’innovation en santé et en technologies vertes, promesse de reconstruction pour l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, entre autres… Bref, des projets et des investissements majeurs qui ont déjà, pour certains, un effet réel sur la revitalisation projetée du territoire, et qui ont été propulsés par une volonté politique qui s’est rarement vue dans l’est de Montréal depuis des décennies.
Ceci étant dit, la principale intéressée n’a pas vogué pour autant sur un fleuve tranquille pendant son premier terme à l’Assemblée nationale. Le REM de l’est a déraillé de sa formule initiale et on refait ses devoirs actuellement tant à Québec qu’à Montréal pour présenter un projet mieux ficelé; le plan de reconstruction de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont tarde à arriver; et la décontamination des sols a peu d’écho du côté des propriétaires industriels, notamment. Si on entend dans certains milieux que l’est de Montréal a finalement peu goûté au changement durant le premier mandat de la CAQ, il faut aussi mettre en contexte que Chantal Rouleau n’a jamais vraiment eu les coudées franches ces dernières années. À titre de ministre responsable de la région de Montréal et de ministre déléguée aux Transports, ce n’est pas elle qui était directement aux commandes de la machine gouvernementale. Son rôle était important, mais il s’agit de sièges souvent inconfortables. Par ailleurs, on remarque aisément que depuis que les rennes du développement territorial ont été remis pratiquement entièrement au super ministre Pierre Fitzgibbon, on entend jusqu’à maintenant très peu parler de la revitalisation de l’est de Montréal. Mais laissons la chance au coureur, nous sommes encore qu’en début de 2e mandat.
Rencontrée la semaine dernière dans son bureau de comté à Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau se voulait avant tout rassurante avec cette perception que certains peuvent avoir que Québec recule avec ses visées pour l’est de Montréal. « La priorité du gouvernement est encore là en ce qui concerne la revitalisation du territoire, je l’affirme haut et fort, les gens n’ont pas à s’inquiéter pour ça. Je travaille de près avec plusieurs ministres au cabinet et on me consulte toujours régulièrement pour les dossiers dans l’est de Montréal. Je continue personnellement à y mettre autant d’énergie », dit-elle. Selon la députée, une infrastructure a été mise en place dans le premier mandat et c’est presque impossible aujourd’hui de reculer : « Avec les zones d’innovation, le Projet structurant de l’est (ancien REM), la ligne bleue, la décontamination des sols, la reconstruction de HMR, le SRB Pie-IX qui se prolongera jusqu’à Notre-Dame, la transformation de l’industrie pétrochimique vers des technologies plus vertes, etc, etc., il y a plus en ce moment qui ne s’est jamais fait auparavant dans l’est de Montréal. Et on continue d’avancer, c’est le souhait du premier ministre et de son équipe. »
Nouveau ministère, grands défis
Nommée dans le nouveau cabinet Legault ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire (responsabilités pour la première fois combinées au sein d’un même ministère), Chantal Rouleau a cette fois un portefeuille « bien à elle » et surtout des dossiers d’importance confiés par le premier ministre. Elle sera ainsi au cœur de certains grands chantiers que s’apprête à entamer le gouvernement dans l’immense univers des organismes communautaires, mais aussi au niveau du délicat Programme d’aide sociale.
Celle qui termine dans quelques semaines une importante tournée des régions ne cache pas son enthousiasme face aux défis qui attend son équipe. Pour le moment, elle s’affaire notamment à déployer le récent plan d’action concocté l’an dernier par le ministre Boulet pour l’encadrement de l’Action communautaire, une enveloppe de quelque 1.1 milliard de dollars qui prévoit entre autres le rehaussement du financement à la mission pour les organismes et l’amélioration des conditions de travail pour les gens œuvrant dans ce milieu. Mais le gros du travail sera d’un autre ordre. « Mon plan pour les prochains mois c’est d’abord de mettre sur pied un 4e plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté, parce qu’on arrive au terme du 3e bientôt. Il y a une montée évidente des difficultés, particulièrement depuis le début de la pandémie. Hausse du coût de la vie, santé mentale, violence, logement… il faudra faire face à ça de façon la plus efficace possible et on travaille déjà là-dessus. Des consultations publiques à cet effet débutent par ailleurs en ce moment même partout au Québec », affirme la ministre.
En parallèle, Chantal Rouleau dit vouloir moderniser la loi sur l’assistance sociale d’ici la fin de l’année, « une loi qui au fil du temps a été raboutée, je dirais, et que l’on doit adapter aux réalités d’aujourd’hui qui ont évolué. Le marché du travail n’est plus ce qu’il était il y a quelques années, la réalité économique et sociale non plus, donc plusieurs mesures ne répondent plus adéquatement ni à la population, ni au gouvernement. Ce sera un beau chantier dans les prochains mois. »
Tout au long de l’entrevue qui durera près d’une heure, on s’aperçoit que la ministre semble à l’aise avec ses nouvelles fonctions, mais surtout qu’elle a particulièrement dans sa mire une importante réforme dans le secteur de l’action communautaire. « Je voudrais avoir une loi cadre pour les organismes communautaires, une loi qui permettrait d’avoir une définition consensuelle de l’action communautaire, une reconnaissance officielle par le gouvernement, un statut qui ouvrirait de nouvelles portes pour les organismes », avance Mme Rouleau. À titre d’exemple, elle aimerait que les organismes communautaires puissent participer aux appels d’offres gouvernementaux, du moins les organismes qui offrent des produits et services issus de l’économie sociale. « Ce serait très intéressant d’intégrer la loi sur l’économie sociale dans une loi cadre de l’action communautaire parce si je ne me trompe pas, environ 80 % de l’activité économique de l’économie sociale est générée par des organismes communautaires. J’aimerais aller dans cette direction-là, soit une reconnaissance plus grande, plus officielle des activités économiques des organismes. C’est aussi une façon de leur donner plus d’outils à l’avenir pour pérenniser une partie de leur financement, ou les inciter à développer leurs activités d’économie sociale », dit-elle.
Autre aspect important que la ministre compte aborder « franchement » avec le milieu dans une prochaine refonte de la loi est la toujours épineuse question du financement des organismes. « Avec le plan d’action actuel, on a touché à quelque chose d’extrêmement important, soit le financement à la mission (NDLR : le financement gouvernemental se fait régulièrement aux projets pour les organismes). On parle d’un rehaussement de près de 35 % pour les quelque 5 000 organismes financés par Québec. C’est sûr que les organismes veulent plus, mais ça ne peut pas être toujours que le gouvernement qui finance. Il faut trouver d’autres façons possibles, d’autres avenues qui pourraient contribuer ou mieux contribuer au financement des organismes. Un exemple parmi d’autres : est-ce qu’on pourrait collaborer plus efficacement avec les grandes fondations philanthropiques pour optimiser l’aide financière des organismes? Je pense que oui », termine Mme Rouleau, qui prévoit déposer un nouveau projet de loi pour l’encadrement de l’action communautaire en 2024.
Des prochains mois qui s’annoncent donc occupés pour la ministre et son équipe, mais aussi pour les nombreux organismes communautaires de l’est de Montréal dont plusieurs s’apprêtent à « négocier serré » avec Québec, a-t-on déclaré à quelques reprises à EST MÉDIA Montréal ces dernières semaines. Des dossiers assurément à suivre.