CDC DE LA POINTE : 30 ANS D’ACTION COMMUNAUTAIRE DANS L’EST
Organisation phare du déploiement de l’action communautaire autonome dans l’est de Montréal depuis le milieu des années 1990, plus spécifiquement sur le territoire de Pointe-aux-Trembles et de la Ville de Montréal-Est (PAT – ME), la Corporation de développement communautaire (CDC) de la Pointe – région Est de Montréal est aujourd’hui un acteur incontournable dans le développement et la revitalisation de la région. Au-delà du soutien et de la représentation de ses quelque 32 organismes membres, la CDC de la Pointe est de tous les grands enjeux sociaux et débats de société ayant cours dans le sud-est de l’île de Montréal.
Faire partie du changement
Malgré une présence active et un impact significatif dans leur champ d’action respectif, il pouvait être difficile pour les organismes de « PAT – ME » d’insuffler, il y a trente ans, un véritable vent de changement collectif sur leur territoire. C’est ce que la création de la CDC de la Pointe permettra en 1994, dans la foulée d’une première vague d’implantation de ce mouvement à travers la province qui compte aujourd’hui pas moins de 69 Corporations de développement communautaire. « Une CDC, c’est le mouvement qui part de la base sur un territoire, mis sur pied par les organismes qui décident de se donner une instance commune sous laquelle se rassembler », explique Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe. Ainsi, on retrouve aujourd’hui des CDC qui représentent certains quartiers de Montréal, d’autres des villes ou des MRC, et pour quelques-unes, il s’agit même de régions complètes. Les enjeux peuvent donc être très différents d’une CDC à l’autre car le tissu démographique et la situation socioéconomique varient évidemment en fonction des territoires représentés. Dans l’est de Montréal, les défis des CDC ne sont pas nécessairement les mêmes à Pointe-aux-Trembles que chez son voisin Rivière-des-Prairies ou dans le quartier Rosemont, par exemple.
Une réalité qui distingue la CDC de la Pointe dans l’est de Montréal, du moins depuis quelques années, est son mandat très fort de représentation de ses organismes membres au sujet des grands enjeux territoriaux, notamment en ce qui concerne le développement de PAT – ME, un secteur appelé dans les prochaines décennies à accueillir plusieurs grands projets de développement (Vieux-Pointe-aux-Trembles, centre-ville de Montréal-Est, Projet structurant de transport, revitalisation du Secteur industriel de la Pointe-de-l’Île, projets récréotouristiques d’envergure, densification de l’habitation, etc.). « Comme toutes les CDC, nous avons à soutenir nos organismes de plusieurs façons, comme les aider dans leur gouvernance, en formations diverses, ou les appuyer dans certaines démarches de financement par exemple. Mais ici, dans PAT – ME, nous sommes particulièrement appelés à représenter nos membres auprès des instances gouvernementales et institutionnelles dans le cadre d’enjeux communs. Comme les organismes ne peuvent être sur tous les fronts, puisqu’ils se consacrent en priorité à leur propre mission, c’est notre rôle de les représenter sur différents projets qui touchent notre communauté lors de consultations publiques sur le développement territorial par exemple, mais aussi sur des plans d’action communautaire portant sur différents enjeux comme la sécurité alimentaire, le logement, la mobilité, etc. C’est souvent la CDC qui portera le message des organismes auprès des autorités et qui fera pour eux le suivi des grands dossiers sur le territoire », affirme Jonathan Roy.
La CDC de la Pointe gère et anime également la Table de développement social de Pointe-aux-Trembles et Montréal-Est (TDS PAT-ME) qui, elle, jouit d’une reconnaissance (et d’un financement) de la Ville de Montréal, de la Santé publique et de Centraide. Il s’agit d’une approche multi-réseau et multi-sectorielle, explique le directeur général de la CDC : « Avec la table, on mobilise l’expertise de toutes les ressources du quartier afin de trouver des solutions à des enjeux divers. Ce ne sont pas seulement les membres de la CDC qui participent, le rayon est beaucoup plus large ici, il regroupe autour de cette table d’autres organismes, la population, des institutions, des instances gouvernementales et même des participants du secteur privé. Il s’agit d’un volet qui s’inscrit en parallèle des activités régulières de la CDC, mais qui par la force des choses génère toujours certains vases communicants. »
En 30 ans d’histoire, la CDC de la Pointe en a vu des luttes pour améliorer le sort des résidents sur son territoire, surtout en ce qui concerne les plus démunis, mais pas que! Rappelons par ailleurs que c’est le fameux dossier du manque flagrant de locaux pour le milieu communautaire qui a mis au monde la CDC de la Pointe. Grâce à une importante mobilisation d’organismes du secteur, il y a une trentaine d’années, la CDC et ses membres ont pu mettre la main sur un ancien orphelinat abandonné de 90 000 pi2 et créer ainsi le Centre communautaire Le Mainbourg. Y sont logés aujourd’hui à peu de frais de nombreux organismes communautaires de PAT – ME et d’ailleurs dans l’est de Montréal, ainsi qu’un centre de la petite enfance (CPE). Un modèle fortement envié aujourd’hui par d’autres quartiers montréalais aux prises avec une grave crise de logement pour leurs organismes.
D’autres grandes mobilisations et réalisations marqueront depuis le parcours de la CDC de la Pointe. Par exemple, la sauvegarde de certains services de santé, dont le CLSC qui menaçait de quitter PAT, et plus récemment des avancées majeures pour un meilleur accès aux berges pour les résidents, des programmations culturelles plus garnies sur le territoire, une certaine démystification de l’errance dans le quartier (qui compte environ 800 résidents hébergés dans des centres spécialisés en santé mentale), l’implantation de programmes faisant la promotion de saines habitudes de vie… Bref! La CDC agit dans une foule d’actions qui améliorent le quotidien de la communauté, mais souvent dans l’ombre, par la bande comme on dit. Derrière plusieurs réalisations gouvernementales ou institutionnelles locales touchant le secteur communautaire, la CDC a souvent été impliquée, d’une manière ou d’une autre.
Une pandémie qui laisse des traces
Intervenants de première ligne, les organismes d’action communautaire ont été sollicités comme jamais dès le début de la pandémie et ils ont gardé le fort, souvent comme de véritables héros. Mais ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que les répercussions de ce grand branle-bas sont dures sur le système de plusieurs organismes. « La pandémie a essoufflé le communautaire, qui est fragile à son tour. Oui, on a vu toute l’agilité du communautaire pendant cette période, à quel point c’est un réseau efficace pour rejoindre les gens vulnérables, mais la situation extrême a brûlé bien des employés », explique Andréanne Gagné, agente à la vie associative et au soutien des membres à la CDC de la Pointe.
De nombreux organismes, comme ceux œuvrant en sécurité alimentaire par exemple, ont reçu beaucoup d’aide financière supplémentaire pendant la pandémie, leur offrant des moyens jamais vus auparavant. Toutefois, le retour à la normale, avec des budgets pré-pandémie, cause aujourd’hui bien des maux de tête à plusieurs, car ils doivent composer avec beaucoup plus de demandes qu’avant, alors que le financement ne suit pas la courbe. Donc, pas de répit pour le communautaire!
« Ce que l’on remarque ces temps-ci, c’est que le profil des gens qui demandent de l’aide amène une complexité plus grande. Plus de problèmes de consommation, plus de gens aux prises avec des problèmes de santé mentale, plus de travailleurs à faible revenu incapables de joindre les deux bouts, etc. La pression sur le communautaire est plus grande aujourd’hui qu’avant la pandémie, ça, c’est certain », ajoute Jonathan Roy.
Le communautaire en transition
Si le communautaire est reconnu pour sa résilience, il s’organise toutefois depuis quelques années pour obtenir une meilleure reconnaissance des gouvernements et, entre autres, améliorer les conditions de travail de ses employés, qui ont toujours été bien en deçà de celles de la fonction publique et du secteur privé, en général. « La situation a quelque peu changé aujourd’hui avec plus de reconnaissance, de Québec surtout, mais aussi parce que les organismes d’action communautaire autonomes se sont dotés d’un meilleur cadre. Les salaires ont tendance à augmenter, les conditions de travail s’améliorent, on vise à attirer plus de professionnels, la gouvernance est mieux organisée…Il reste encore beaucoup à faire, mais on va dans la bonne direction. Je dirais que les organismes qui n’évoluent pas dans cette perspective présentement feront probablement face à des difficultés bientôt », conclut Andréanne Gagné.