Jérémie Lamarche, coordonnateur au RAPSIM, lors de sa prise de parole mercredi matin (Emmanuel Delacour/EMM)

CAMPEMENT NOTRE-DAME : DES ORGANISMES DÉNONCENT LE DÉMANTÈLEMENT PRÉVU

Plusieurs organismes intervenant dans le milieu des personnes en situation d’itinérance ont dénoncé mercredi matin l’éviction annoncée des campeurs installés en bordure de la rue Notre-Dame Est.

Les autorités avaient confirmé lundi une opération d’expulsion et de nettoyage. Prévue initialement le jeudi 21 novembre, elle est repoussée au 1er décembre. En effet, la Clinique juridique itinérante a réussi à obtenir un sursis. Néanmoins, des membres du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) étaient aux abords de la place Dézéry, à deux pas du terrain dont il est question, mercredi matin afin de demander un moratoire immédiat sur les démantèlements des sans-logis partout au Québec.

« [U]n sursis, c’est bien, mais un moratoire sur le démantèlement, c’est mieux, a résumé Jérémie Lamarche, organisateur communautaire au RAPSIM. Bien qu’on soit contents que le démantèlement n’ait pas lieu demain, l’intention des différentes instances reste de détruire des abris de personnes en situation d’itinérance. »

Son collègue Martin Pagé, directeur de l’organisme Dopamine, s’explique mal l’intention de la Ville de Montréal et du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), propriétaire du terre-plein situé le long de la rue Notre-Dame Est, d’évincer les personnes sans abris qui y ont élu domicile.

« Pourquoi un démantèlement maintenant? Au moment où les refuges débordent et sont à pleine capacité? Pourquoi voit-on encore un manque de prévisibilité, voire des actions improvisées sans options valables et sans alternatives valables pour les personnes en campement? », a-t-il questionné.

Une question de sécurité

Pour Olivier Gauvin, coordonnateur général à la Table des organismes montréalais de lutte contre le sida, les campements permettent aux personnes en situation d’itinérance de se créer des milieux de vie dans lesquels ils se sentent en sécurité.

« Loin d’être une simple problématique à résoudre, les campements, ce sont aussi des lieux où les gens vont pour créer des solidarités. Ils sont là pour partager des ressources, les gens vont là pour s’offrir de la protection entre eux », a souligné ce dernier.

Des tentes situées entre la piste cyclable et la rue Notre-Dame Est (Emmanuel Delacour/EMM)

Paradoxalement, c’est aussi pour des raisons de sécurité publique que la Ville de Montréal et le MTMD avaient justifié lundi la procédure lancée pour aller de l’avant avec le démantèlement des tentes sur la rue Notre-Dame Est.

Localement, l’organisme CAP St-Barnabé, qui opère 350 places d’hébergement d’urgence réparties dans 3 centres dans le quartier Hochelaga, a rappelé que ses ressources sont pleines à craquer. En effet, celui-ci refuse en moyenne 70 demandes d’hébergement par jour. « Ça a été plus de 700 refus qu’on a faits au mois d’octobre, juste au CAP St-Barnabé. Ça donne une situation très alarmante », a mis en contexte Michelle Patenaude, directrice du CAP St-Barnabé. Pour la saison hivernale, l’organisme prévoit ajouter 30 places assises dans des haltes-chaleur. Bien que la Ville ait récemment annoncé l’ajout de nouvelles places de refuge d’urgence, Mme Patenaude a martelé que cela est loin d’être suffisant et que les besoins sont sous-estimés. « On a eu des annonces hier concernant des places supplémentaires, à peu près 268 places, mais ce n’est pas assez. Nous, on est le résultat du démantèlement de 2020. On avait alors débuté l’hébergement d’urgence avec 50 places et on a terminé avec 350. »

En plus du moratoire sur le démantèlement et de la bonification des ressources d’urgence, les organismes membres du RAPSIM ont exigé la mise en place d’une assistance technique pour toutes les personnes qui résident sur le campement Notre-Dame. Cette assistance devrait comprendre une collecte de déchets, un accès à des installations sanitaires ainsi qu’un soutien du Service de sécurité incendie de Montréal pour pouvoir se chauffer sécuritairement.

Selon les intervenants, une mobilisation, incluant la participation des citoyens, est en train de se former autour de l’enjeu des campements, dont celui de Notre-Dame Est. « Les gens commencent à se mobiliser pour dire que c’est un non-sens de travailler comme cela. On peut s’attendre à ce que les gens réagissent [le 1er décembre prochain] », a affirmé M. Lamarche, anticipant une forte opposition lors du jour prévu du démantèlement. De plus, une pétition qui circule depuis le mois de mai en solidarité avec les personnes qui habitent la rue aurait reçu 2 700 signatures depuis lundi dernier, totalisant désormais 3 800 signatures.

En marge de la situation concernant le campement Notre-Dame, la Ville de Montréal présentait mercredi son budget pour l’année 2025, qui inclut une bonification de son soutien financier aux personnes en situation d’itinérance, avec un ajout de 3 M$ sur une enveloppe de 10 M$. « Face à l’ampleur de la crise des vulnérabilités, la Ville continuera de déployer des efforts importants pour répondre à des enjeux qui dépassent son champ d’action », a annoncé la Ville dans le cadre de la mise à jour de son budget.