Photo courtoisie CSJV

BIBLIOTHÈQUES SCOLAIRES AU SECONDAIRE : VIVANTES… ET TOUJOURS ESSENTIELLES

Révolue l’époque où on n’entendait que les mouches voler et les pages se tourner dans la bibliothèque de l’école. Finis aussi les « chut » bien sentis venant de la bouche des bibliothécaires contrariées par le silence brisé. Les bibliothèques scolaires au secondaire ont entamé, il y a quelques années déjà, une certaine révolution, se tournant vers un avenir rempli de livres et de vie!

Si certains croyaient les voir disparaître lors de l’avènement des ordinateurs, d’Internet, des tablettes et des nombreuses sources d’information numériques, les bibliothèques scolaires n’ont pourtant pas encore dit leur dernier mot! L’outil que représente la tablette numérique cohabite finalement avec le livre papier. Ils ont chacun leurs forces et offrent différentes possibilités. Il n’en demeure pas moins que les bibliothèques ont dû prendre le train de la modernité, se rafraîchir et s’adapter.

Au Collège St-Jean-Vianney, un établissement primaire et secondaire privé du nord-est de l’île de Montréal, la bibliothèque, fondée dans les années 1960 par les frères fondateurs de l’école, est un lieu très fréquenté par les 1450 élèves du collège. Avec ses 20 000 documents, ses nombreuses plateformes en ligne, ses 3 800 pieds carrés et sa salle multimédia de 920 pieds carrés, la bibliothèque accueille non seulement des livres documentaires et de fiction, mais aussi un grand prix littéraire organisé chaque année par la bibliothécaire, des conférences offertes par des auteurs publiés ou encore des ateliers présentés par des spécialistes. « Par exemple, il y a eu le projet BookTube », raconte Chantale Thérien, bibliothécaire et responsable de la bibliothèque du collège depuis 2010. « Je me suis impliquée avec les enseignants pour déterminer un choix de 10 livres. Puis, sous les conseils de la personne ressource extérieure, les élèves sont venus à la bibliothèque pour se filmer. C’est à la fois pédagogique et ludique, et ils mettent ainsi en pratique toutes les nouvelles technologies. » Pour cette professionnelle d’expérience, la bibliothèque est bien plus qu’un lieu de dépôt et d’emprunt. « Elle fait vraiment partie de l’environnement de l’école, elle est associée à la fois à la pédagogie et aux activités. Mon rôle à moi est vraiment de faire la promotion de la lecture, c’est d’amener les jeunes à devenir des lecteurs. » Et cela peut passer par toutes sortes d’avenues!

Chantale Thérien, bibliothécaire et responsable de la bibliothèque du Collège St-Jean-Vianney (photo courtoisie).

De lieu de savoir et de silence à carrefour d’apprentissages

Même son de cloche au public, où le ministère travaille main dans la main avec les centres de service scolaires pour faire passer les bibliothèques de lieux de savoir et de silence à des carrefours d’apprentissages. « C’est inspiré un peu du modèle troisième lieu des bibliothèques publiques », explique Geneviève Paquin, bibliothécaire au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) depuis 2014. « C’est-à-dire que la bibliothèque publique n’est plus juste un endroit où on va chercher des livres et étudier, c’est un endroit où on peut vivre. On veut la même chose pour la bibliothèque scolaire, mais en version adaptée aux besoins des élèves et des enseignants. » De cette manière, les instigateurs de cette nouvelle façon de voir la bibliothèque souhaitent qu’elle devienne une véritable extension de la classe. Un lieu animé où la collaboration prime. Le silence aura toujours sa place, mais dans des endroits délimités bien précis.

Geneviève Paquin, bibliothécaire au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (photo courtoisie).

Autant au public qu’au privé, cette vision des choses peut se réaliser, entre autres, à travers la polyvalence du lieu : des rayonnages sur roulettes, des tables et des chaises légères, des ordinateurs portables, de façon à pouvoir accueillir autant un grand groupe, une classe complète, des petites équipes de travail que des personnes seules. « On réaménage l’espace. L’idée, c’est vraiment que tout le monde puisse s’approprier le lieu, que ce ne soit pas la chasse-gardée du responsable de la bibliothèque et que ce ne soit pas non plus un endroit qui rend mal à l’aise, bien au contraire », soutient Geneviève Paquin. D’importants travaux de réaménagement ont d’ailleurs permis à la bibliothèque de l’école secondaire Daniel-Johnson de se refaire une beauté tout récemment à l’aide d’un budget de 2,3 millions. L’espace a été revampé dans cette perspective : « Mettant en valeur la lumière naturelle, l’espace comprend maintenant un mobilier moderne, un rayonnage bas permettant de voir l’ensemble des lieux, une salle de conférence ainsi que de petites pièces complètement vitrées et munies de tableaux blancs », révèle le communiqué de presse.

La bibliothèque de l’école secondaire Daniel-Johnson, fraîchement rénovée au coût de 2,3 M $, vient tout juste d’être inaugurée. On voir sur la photo, de gauche à droite : Luc Lejour, directeur, Linda Mongrain, gestionnaire d’établissement, Maude Desjardins-Bertrand, technicienne en documentation, Louis Archambault, régisseur chargé du projet, Kim Gauthier-Pelletier, bibliothécaire et Geneviève Poitras, directrice adjointe. (Photo courtoisie CSSPI).

Au Collège St-Jean-Vianney, l’équipe-école en est aussi à élaborer son plan d’immobilisation pour les prochaines années. « Tranquillement, on est en train de rénover chaque section, et c’est sûr que la bibliothèque en fait partie », mentionne Miryam Bonin, responsable marketing, communications et développement international du collège. « D’ailleurs, on travaille en atelier collaboratif cette année, c’est-à-dire que plusieurs membres du personnel de différents horizons réfléchissent sur des sujets particuliers. Par exemple, Chantale et une équipe réfléchissent à quoi la bibliothèque de demain ressemblera, non seulement dans le design, mais dans ses activités et son déploiement dans le collège. »

Rouages et ficelles

Participant à la démocratisation du savoir, les bibliothèques publiques ou municipales donnent accès au plus grand nombre de personnes à la plus grande variété possible de documents, et ce, selon la popularité du moment. En milieu scolaire, bien évidemment, les documentaires sont en plus grands nombres, son mandat étant plus axé sur l’éducatif et le pédagogique que sur le ludique. Et quand vient le temps de regarnir les rayons, le ministère de l’éducation accorde aux écoles secondaires publiques un montant de 16$ par élève par année. « Au cours des dernières années, il y a eu une majoration à la hausse », note Geneviève Paquin. « Les techniciens en documentation et les bibliothécaires reçoivent donc chaque année un montant forfaitaire. Selon la taille de l’école, ça peut représenter 17 000$ ou 50 000$. » Attention, le processus d’achat de livres en est un très rigoureux! « C’est ce qu’on appelle dans notre domaine le développement de collection. On ne part pas magasiner dans des librairies pour acheter ce qu’on a envie ou ce qui est populaire. On a décidé des achats ensemble au préalable, à la fois pour se donner des barèmes et pour avoir la chance de la différenciation. Et on n’achètera pas nécessairement les mêmes livres d’une école à l’autre, car la clientèle est différente tout comme les programmes spécialisés qui y sont offerts. Et notre cadre de référence ultime, c’est le programme de formation de l’école québécoise », souligne la bibliothécaire. Une fois les choix établis, les bibliothécaires se rendent en librairie acheter directement les documents. « Et la loi nous oblige à acheter dans trois librairies agréées de notre territoire. On a un pouvoir discrétionnaire quant au choix des commerces et au montant dépensé dans chacun », fait-elle remarquer. La bibliothécaire a choisi de se tourner vers les librairies indépendantes, participant ainsi à leur survie financière et y obtenant aussi un excellent service à la clientèle.

Photo courtoisie CSJV.

Au Collège St-Jean-Vianney aussi, la bibliothécaire se fait un point d’honneur d’aller visiter au moins quatre fois par année les librairies afin de se retrouver sur le terrain et de parler avec les libraires. Avec un budget pour la bibliothèque qui oscille entre 100 000$ et 140 000$ par année, Chantale Thérien, au préalable, fait ses recherches, consulte les enseignants, se renseigne sur leurs prochaines activités en lien avec la bibliothèque et prépare sa liste. « Ce qui est vraiment bien, c’est qu’on a toute une équipe de lecteurs, autant dans la direction que dans le personnel. Comme les jeunes, on a notre petit club de lecture! C’est riche. Pour moi, c’est un super environnement », se réjouit Chantale Thérien. « Elle accomplit un travail phénoménal pour aller chercher des lectures variées qui vont intéresser tous nos élèves. Pour nous, c’est vraiment aligné à l’objectif d’encourager la réussite scolaire », précise Miryam Bonin. Représentant une des deux bibliothécaires du secondaire au CSSPI (le ministère subventionnant un tel poste à chaque tranche de 5000 élèves), Geneviève Paquin peut aussi compter sur des supérieurs qui vibrent au même diapason qu’elle : « Le ministère nous donne les coudées franches et le CSSPI a à cœur ses bibliothèques d’école. La haute direction et ma gestionnaire nous donnent les moyens de nos ambitions et reconnaissent notre expertise. »

Photo courtoisie CSSPI.

Mais avec la multiplication des plateformes et la toute-puissance d’Internet, quel avenir pour les bibliothèques scolaires au secondaire? « J’ai vraiment bon espoir », dit Chantale Thérien. « Pour moi, les bibliothèques scolaires doivent être des laboratoires, des endroits où on pourra travailler en solo et en équipe, où on pourra exposer, où on aura des plateaux pour faire des combats des livres, rencontrer des auteurs, où on aura des studios pour enregistrer des BookTube. Avec la base qui nous anime dans tout ça : le livre. » « On veut des bibliothèques vivantes, renchérit Geneviève Paquin, des bibliothèques vraiment utilisées par les élèves et les enseignants, et où on peut vivre une multitude d’activités, avoir accès à toutes les ressources et où on développe un lien de confiance avec le responsable », termine-t-elle, arborant ainsi, selon sa propre expression, ses « lunettes roses ».

À la bibliothèque, les élèves apprivoisent la pratique de la lecture – essentielle à leur réussite scolaire, s’entendent la plupart des études –, développent leur sens critique, combattent les fausses nouvelles et adoptent un comportement éthique numérique adéquat. Et, bien plus qu’un lieu de dépôt et d’emprunt, la bibliothèque, si l’on est chanceux, nous accompagne de la petite enfance à l’âge d’or. Un petit tour à la bibliothèque, ça vous dit?


Le dossier spécial L’est en formation 2022 a été rendu possible grâce l’appui financier du Cégep Marie-Victorin.