Photo courtoisie BocoBoco.

LE ZÉRO DÉCHET NE DÉMORD PAS DANS ROSEMONT

Depuis près de cinq ans, un mouvement zéro déchet s’est emparé de l’arrondissement de Rosemont–La-Petite-Patrie. Des commerces ont adopté cette philosophie, plusieurs citoyens ont choisi cette façon de consommer et les élus ont décidé d’emboîter le pas. Aujourd’hui, qu’est devenu le zéro déchet dans cet arrondissement, déjà reconnu pour son leadership en terme de politiques vertes?

En 2018, l’arrondissement de RPP annonçait le lancement du Défi Zéro déchet auprès de ses employés. Ceux-ci étaient alors invités à réduire leur utilisation d’emballages jetables. Ouste les dîners pour emporter emballés dans du styromousse et les bouteilles d’eau jetable en plastique; les équipes apporteraient désormais leurs repas dans des plats réutilisables et leur eau dans des gourdes en aluminium.

Grâce à ces efforts, l’arrondissement s’est vu décerner à l’automne 2019 le niveau Élite du programme ICI on recycle + de Recyc-Québec, soit la plus haute distinction.

Cependant, l’arrivée de la pandémie en 2020 et le télétravail obligatoire met un frein à cette initiative, et même si depuis certains des employés sont revenus au bureau en mode hybride, le défi reste sur pause. « Ça va reprendre éventuellement et on va s’assurer de rester dans les meilleures pratiques dans ce domaine », insiste François Limoges, maire de Rosemont–La Petite-Patrie.

Pour l’instant, l’arrondissement n’est donc pas en mesure de confirmer la date de la reprise du défi pour ses employés, mais confirme que cela se fera « sous peu ».

Défi Zéro déchet pour résidents et commerces

Il n’y a pas qu’au niveau de ses équipes qu’on encourage le zéro déchet dans RPP. En effet, une quatrième cohorte de 50 citoyens du quartier participe à son tour au défi de réduire sa production de rebuts jetés aux poubelles.

L’année précédente, 50 autres foyers rosepatriens s’étaient adonnés à l’initiative. En moyenne, les foyers participants de la 3e édition ont réduit de 43 % leur quantité de déchets, de 29 % leur quantité de matières recyclables et de 30 % leur quantité de résidus alimentaires.

« On veut sensibiliser à la source, on veut que cela fasse boule de neige. Ce qu’on souhaite, c’est que les gens qui participent aux cohortes non seulement gardent les bonnes habitudes qu’ils ont adoptées, mais aussi qu’ils les transmettent à leur entourage. L’idée, c’est que ça devienne un enracinement profond dans les habitudes », souligne le maire d’arrondissement.

Enfin, en mai 2021, plus d’une centaine de magasins d’alimentation de Rosemont–La-Petite-Patrie ont participé à la 2e édition du Défi Zéro déchet – Commerces, en collaboration avec le Jour de la Terre Canada. Parmi eux, une trentaine ont reçu un accompagnement personnalisé du Jour de la Terre et sont en voie d’obtenir l’attestation Action Réduction.

Un mouvement transformé par la pandémie

Dès le début du Défi Zéro déchet, c’est la coopérative en conseil Incita qui aide les foyers rosepatriens à adopter des habitudes de vie moins polluantes.

Une des fondatrices de cette organisation, Laura Caillot, a vu la tendance du zéro déchet prendre de l’ampleur dans le quartier et se transformer au fil des années. « On a vraiment vu la vague monter avant la pandémie, la popularité du mouvement s’accélérer auprès des gens et des commerces. Jusqu’à 2020, plusieurs épiceries en vrac ont ouvert leurs portes à Montréal, et même les grandes bannières dans le secteur alimentaire ont commencé à accepter que leurs clients apportent leurs contenants réutilisables pour faire leurs emplettes », raconte cette dernière.

Toutefois, la COVID-19 aura porté un coup dur aux efforts de réduction de déchets dans les commerces, selon Mme Caillot. La crainte de la contamination des produits fait en sorte que plusieurs grandes surfaces cessent de permettre les contenants réutilisables. « La pandémie aura fait mal au mouvement, ça a mis un frein à ce qui avait été lancé dans les commerces », rapporte-t-elle.

Les choses commenceraient toutefois à s’améliorer tranquillement, ajoute Mme Caillot, alors que les petites épiceries en vrac ont notamment su mettre en place des mesures pour assurer que leurs opérations soient encore plus sanitaires qu’avant. « Cela a poussé à améliorer les standards de propreté dans les commerces zéro déchet, sans aucun doute. »

Pour ce qui est des foyers, Mme Caillot constate aussi que la signification du zéro déchet a changé depuis quelque temps. « Les gens commandent beaucoup en ligne et cela fait en sorte que l’enjeu de l’empreinte écologique est passée de l’utilisation des emballages en magasin à celle des boîtes de livraison, mais surtout au problème du dernier kilomètre », souligne-t-elle.

Photo courtoisie BocoBoco/Guillaume Sirois-Miron.

Effectivement, parmi les impacts les plus dommageables de la consommation des biens, la livraison des paquets, souvent transportés dans une importante flotte de petits véhicules qui parcourent tous les jours les rues de Montréal, se retrouve dans le haut de la liste selon la plupart des experts en environnement.

« Avant le zéro déchet, c’était surtout le pot Mason et les épiceries en vrac. Maintenant, le visage du mouvement s’est complexifié; ça peut être autant la livraison par transport actif que la réduction du gaspillage alimentaire. Il y a différentes facettes à cela et les gens qui veulent « devenir zéro déchet » peuvent choisir les actions qui ont la plus grande importance personnelle », insiste la conseillère.

Les bocaux toujours dans la course

Aussi lancée en 2018, la plateforme de commande d’épicerie en ligne BocoBoco a su faire des vagues dans le milieu du zéro déchet, entre autres dans les quartiers Rosemont et Hochelaga.

Le concept est simple : les gens se rendent sur le site internet de l’entreprise et commandent les produits qu’ils désirent acheter. Ceux-ci sont ensuite emballés dans des contenants réutilisables et livrés chaque semaine, par voiture ou vélo. Un système de consigne est aussi mis en place pour récupérer les bocaux afin qu’ils soient lavés et remis en circulation dans les opérations de BocoBoco.

Depuis les débuts de la start-up, 104 000 emballages jetables ont évité de se retrouver aux ordures, soit 9,12 tonnes de déchets.
Ce chiffre, « conservateur » selon Lauren Rochat, la co-créatrice de l’entreprise, a pu être calculé grâce à des évaluations menées pas Recyc-Québec. Le ratio du poids de l’emballage d’une trentaine de produits de consommation (pots de yogourt, boîtes de pâtes alimentaires et bouteilles de shampooing par exemple) et de leur poids total moyen a été fait pour en arriver à ce résultat.

Photo courtoisie BocoBoco/Lauren Rochat.

« Quand on s’est lancé, on pensait seulement faire un service de point de cueillette, mais cela a rapidement pris de l’ampleur. Jusqu’à tout récemment, on était rendu à 70 livraisons par semaine. Pour une petite équipe comme la nôtre, c’est énorme! », insiste-t-elle.

BocoBoco s’est donc donné un nouveau défi d’ici 2024, soit la réduction de 25 tonnes de déchets. Pour y parvenir, BocoBoco.ca a reçu le soutien de Recyc-Québec sous la forme d’une subvention de 386 000$. « Afin d’atteindre cet objectif, nous allons mettre sur pied la nouvelle mouture de notre site internet et proposer encore plus d’activités; des conférences et des ateliers, qui sauront démontrer qu’adopter le zéro déchet n’est pas nécessairement trop cher ou trop inaccessible », conclut Mme Rochat.


Le dossier spécial « Transition et innovations vertes 2022 » a été rendu possible grâce à la collaboration de :