Le chanteur et guitariste Marco Calliari (Courtoisie)

UN CAFÉ AVEC… MARCO CALLIARI

De descendance italienne et résident de Saint-Michel depuis l’enfance, le chanteur et guitariste Marco Calliari s’est inspiré de la richesse d’une mixité culturelle bien ancrée dans ce quartier de Montréal pour bâtir un style musical qui lui est propre. À la suite de la sortie en 2004 de son premier album, Che La Vita, vendu à plus de 25 000 exemplaires, il enchaîne les spectacles à travers la province et à l’étranger, toujours prêt à faire découvrir sa passion et à présenter avec fierté ses racines italiennes. Sympathique discussion avec cet artiste audacieux à propos de musique, de culture, mais surtout de son quartier familial qu’il affectionne tant.

EST MÉDIA Montréal : Comment a débuté votre histoire dans l’est de Montréal? Vous avez grandi dans le quartier Saint-Michel et vous avez décidé d’y rester?

Marco Calliari : Mes parents sont arrivés en 1961 d’Italie, et ils se sont rencontrés au coin des rues Cartier et Jean-Talon. Ils ont acheté une maison dans Saint-Michel, et j’ai donc fait mes milles et un coups dans ce quartier pendant ma jeunesse (rires). C’est aussi là que j’ai rencontré mes meilleurs amis, que j’ai formé mon groupe de musique Anonymus. Grandir ici, c’est grandir comme un enfant de la loi 101. Je fais partie d’une minorité de ma génération, chez les Italiens, qui est allée à l’école francophone. Pour ma communauté, à l’époque, se faire « forcer » vers une éducation en français, c’était comme retourner dans une dictature similaire à ce qu’ils avaient vécu pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est comme si les Italiens voulaient, dans un sens, contredire la loi francophone à ce moment, et ils étaient donc mal vus. 

De mon côté, je suis donc allé à l’école Léonard-De Vinci, une école qui était multiethnique, mais dans mes classes, on était environ trois Italiens! (rires) On y retrouvait surtout plusieurs autres nationalités, et côtoyer ces cultures de partout pendant ma jeunesse m’a apporté une richesse extraordinaire. 

(Courtoisie)

EMM : Au départ, vous faisiez partie d’un groupe heavy metal. Aujourd’hui, vous faites carrière en musique, mais votre style a bifurqué vers le « folklore italien modernisé ». Quelles sont les raisons derrière ce virage musical?

MC : Le quartier a contribué à forger mon style de musique. À l’époque, la musique italienne, pour moi, c’était à la maison, c’était synonyme de réconfort. Mes parents écoutaient beaucoup d’opéra et aussi la radio italienne. En 1989, on a créé avec mes meilleurs amis le groupe heavy metal Anonymus, et on chantait en anglais et en français. Mais la langue qui nous unissait, c’était le français, et à la maison, nous parlions les langues de nos parents. 

Plus tard, j’ai décidé d’aller étudier au cégep en guitare classique, tout en continuant de jouer avec le band. Mais c’est vraiment mon voyage en Italie qui a tout changé. J’y suis resté un mois et demi. Un soir, j’ai donné là-bas un petit spectacle avec un ami italien de ma cousine, nous avons joué de la guitare et chanté en anglais ou en français. Et puis un homme s’est levé et nous a demandé pourquoi nous ne chantions pas en italien. Au départ, je ne me sentais pas vraiment concerné, parce que je ne suis pas né en Italie, même si je parle la langue. Le musicien qui m’accompagnait ne connaissait pas de chanson en italien! (rires). Cet événement m’a par la suite fait réfléchir, et quand je suis revenu à Montréal, j’ai décidé d’acheter un livre de partitions de musique italienne. J’ai commencé à jouer et chanter des chansons napolitaines, des chansons antifascistes, et dix ans plus tard, mon premier album solo, Che La Vita, est sorti. 

Ce premier album en était un de métissage, il ne sonnait pas nécessairement comme de la musique italienne classique. C’était plutôt de la musique du monde. Dans un sens, l’album puisait dans tout ce que j’avais emmagasiné en tant qu’enfant de la loi 101 vivant dans le quartier Saint-Michel.

EMM : Est-ce que c’est difficile de vivre de sa musique lorsqu’on chante en italien au Québec? Comment avez-vous réussi à « percer » ?

MC : De mon côté, c’est vraiment fou, je me pince encore! Je suis quelqu’un de très instinctif, qui ne planifie pas vraiment. Je vais où le vent me mène! Comme je suis très débrouillard, je n’ai jamais peur de manquer de job. Mais quand j’ai sorti mon premier album solo, je n’avais pas de plan, je n’avais pas d’équipe. Je venais d’un monde heavy metal, et dans ce milieu, on ne cogne pas à des portes, on fait notre petit affaire, on enregistre des albums, on tourne des vidéoclips. Donc en musique du monde, avec mon projet italien, j’ai procédé de la même façon. Pour être très honnête, un album en italien au Québec, c’est voué à l’échec! (rires) Je me suis dit que personne ne voudrait investir là-dedans, puisqu’environ 90% des subventions vont vers la musique francophone. J’ai donc ouvert ma propre maison de disques, qui s’appelle Productions Casa Nostra, et j’ai engagé une attachée de presse. Puis, j’ai fait un lancement au Lion d’Or. J’étais accompagné par le réalisateur de la chanteuse Lhasa de Sela, que j’admire beaucoup.

L’album est finalement sorti en 2004, et c’est comme si j’avais mis une bombe dans la musique du monde, comme si la musique italienne n’avait jamais existé. Il y avait beaucoup de curiosité du côté du public, mais à la base, moi, je voulais surtout me faire plaisir. Ensuite, j’ai enchaîné des apparitions dans des émissions de télévision et j’ai signé un contrat comme porte-parole du restaurant Pacini. Depuis, je dirais que je n’ai pas beaucoup de difficulté à organiser des shows, mais je n’ai pas beaucoup d’aide comme artiste financièrement parlant.

(Courtoisie)

EMM : Donnez-vous beaucoup de spectacles dans le quartier Saint-Michel? Est-ce que vous avez un lien particulier avec ses résidents, le public local?

MC : Je fais au-dessus de 150 spectacles par année un peu partout au Québec, mais aussi en Italie et quelques-uns au Canada et aux États-Unis. Mais dans Saint-Michel, justement, j’ai fait un spectacle la semaine dernière dans mon quartier! Je collabore avec un organisme qui s’appelle Les Jumeleurs, qui fait partie du Regroupement québécois du parrainage civique (RQPC),  installé au coin de Jarry et de la 2e avenue. Je suis porte-parole depuis un moment de cet organisme qui fait du jumelage entre des citoyens-bénévoles et des personnes qui vivent avec des déficiences intellectuelles ou des handicaps physiques. Pendant deux semaines, je participe à une tournée de spectacles pour la cause et je viens justement de performer dans Saint-Michel dans le cadre de cet événement. Mais dans ce quartier, ce n’est pas nécessairement un public composé d’Italiens. J’ai remarqué que les enfants issus de familles italiennes ne restent pas vraiment à Montréal, mais aussi que la communauté n’est pas nécessairement touchée par ma musique. Donc finalement, ma musique interpelle davantage toutes les personnes qui ont la curiosité de découvrir ce que je fais.

EMM : Quels sont vos endroits coups de cœur dans ce quartier de l’est?

MC : Mon gros coup de cœur, c’est la TOHU. Je suis vraiment chanceux d’être juste à côté, Avec moi, ils ont un porte-parole à vie! Il y en a pour tous les goûts, il y a toutes sortes d’activités. J’aime aussi beaucoup le parc Frédéric-Back, j’y fais souvent mon jogging ou je m’y promène à pied ou en vélo. Je le redécouvre d’année en année, parce qu’il est toujours en expansion, et c’est magique.

Je dirais aussi que Les Ateliers 3333, situés au 3333, rue Crémazie Est, est un lieu incroyable. Le projet a été lancé par le peintre Marc Séguin l’an dernier, il offre des espaces à louer abordables et pérennes aux artistes et aux créateurs. Pour moi, c’est vraiment un joyau dans le quartier.

EMM : Comment s’annoncent les prochains mois pour Marco Calliari? De nouveaux projets en développement?

MC : C’est certain que ça va continuer au niveau des spectacles. C’est mon gagne-pain et ce qui occupe le plus mon horaire. J’ai aussi créé un projet, c’est un pont avec les artistes italiens. Ça fait presque 20 ans que je fais des échanges avec eux. Quand je vais en Italie, ils me reçoivent, m’organisent des spectacles où je joue parfois seul, parfois en duo ou en trio sur scène. Et de mon côté, je fais venir ces artistes-là au Québec. Cette année, j’ai un troisième artiste, de la Toscane, qui débarque au courant d’octobre. Il va rester ici pendant deux semaines, et j’ai une dizaine de dates de spectacles prévues pour lui un peu partout dans la province.

Sinon, j’aimerais beaucoup travailler sur une nouveau single. Puisque j’ai eu beaucoup de refus au niveau des subventions, j’ai décidé pour l’instant de sortir des titres plutôt que des albums complets. Je vais donc plancher sur ce projet, mais aussi sur une nouvelle chanson pour mon pseudonyme, Molotov Mon Amour. C’est de la musique francophone cette fois, un peu plus rock alternatif.

Finalement j’ai toujours « L’Italie avec Calliari ». C’est un voyage organisé que je fais à chaque année où j’invite mes fans de partout au Québec à découvrir l’Italie avec moi, toujours dans une région différente. Beaucoup de participants reviennent d’année en année, c’est vraiment le fun comme projet.


Marco Calliari sera en spectacle avec Lynda Thalie le 7 octobre prochain à LaSalle
De 20h00 à 22h00
7644, rue Édouard, LaSalle
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