TRANSPORT EN COMMUN DANS L’EST : OÙ SONT LES DONNÉES DE L’ARTM?
Des militants de l’est et du sud-ouest de Montréal unissent leur voix pour demander plus de transparence dans le dossier du développement de transports en commun structurants. Le Collectif en environnement Mercier-Est (CEM-E), Imagine Lachine-Est, le Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME) et la Coalition climat Montréal se sont ainsi rassemblés pour mettre de l’avant leurs revendications concernant entre autres le futur REM de l’est.
L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), désormais responsable du dossier du REM de l’est, rencontrait le CEM-E en mai dernier pour expliquer « qu’elle mènera une démarche où toutes les options seront examinées ». « Mais après cela, on a eu six mois de silence, puis on a appris que les appels d’offres avaient été lancés sans qu’on sache si tous les paramètres ont été examinés », se navre Daniel Chartier, vice-président du CEM-E. Ce dernier croit que le manque de clarté de la part de l’ARTM ouvre la porte au meilleur comme au pire dans ce projet.
Ce n’est pas la première fois que le CEM-E se prononce sur le développement du REM de l’est. Celui-ci a longtemps milité contre la création d’une portion aérienne du tracé dans le secteur de Mercier-Est, telle que proposée initialement par CDPQ Infra. Le collectif est revenu plusieurs fois à la charge depuis que la firme de la Caisse de dépôt du Québec a quitté la barre du navire du REM de l’est. La dernière fois, c’était pour critiquer la vision de Christian Yaccarini, président et chef de la direction de la Société de développement Angus et de Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville. Le projet du parcours aérien dans Mercier-Est avait alors été remis sur la table par les deux intervenants, idée pour laquelle la population est encore très mobilisée, souligne M. Chartier.
Faire l’analyse en profondeur
La récente sortie du collectif découle cette fois-ci des informations publiées le 4 novembre dernier par le quotidien La Presse et selon lesquelles l’ARTM serait à la recherche d’une firme pour apporter un appui technique au groupe de travail du projet du REM de l’est, d’après des appels d’offres. Les documents émis par l’ARTM incluent aussi des plans sommaires du REM de l’est, dont le tracé débuterait au Cégep Marie-Victorin, en passant par l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, pour se terminer à Pointe-aux-Trembles. Bien que des prolongements à Rivière-des-Prairies, Laval ou même Lanaudière puissent être étudiés, le lien allant vers le centre-ville est pour sa part exclu du projet, du moins de façon préliminaire.
Dans une lettre ouverte publiée en novembre dernier, les quatre organismes, ainsi que des experts en planification urbaine, souhaitent que « l’ARTM puisse analyser en profondeur une large variété de modes et de tracés plutôt qu’être contrainte à rendre moins indigeste le REM de CDPQ Infra ».
« Le problème avec le projet du REM de l’est, c’est que CDPQ Infra ne nous a jamais fourni les patrons de mobilité. Quels sont les besoins en mobilité, quel est le niveau de service qu’on donne et quel est l’écart avec ce qui serait souhaitable, notamment pour désenclaver certains secteurs, tels que Rivière-des-Prairies? Jamais on ne nous a fourni ces données-là. Or, en matière de planification des transports, c’est le b.a.-ba, il faut connaître les besoins en mobilité », martèle Gérard Beaudet, urbaniste émérite et professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.
Des données au sujet des projets de transformation de l’est, notamment aux niveaux économique et sectoriel, devraient, elles aussi, être prises en compte dans le développement d’un futur réseau de transport, ajoute le professeur. « Il n’y a aucune donnée au sujet de l’utilité d’un modèle « REM » pour supporter cette transformation, alors qu’on a déjà écarté toutes les autres options. »
Desservir le centre-ville ou les localités?
M. Beaudet rappelle que selon l’enquête Origine-Destination, menée depuis 2018 par l’ARTM, 13 % des déplacements dans l’est se font vers le centre-ville, et que la plupart des trajets dans le secteur se font vers d’autres lieux situés dans l’est. C’est la mobilité à l’intérieur de l’est et vers les banlieues qui devrait être examinée en priorité, plutôt que la connectivité au centre-ville, insiste l’urbaniste.
Pour sa part, Catherine Houbart, directrice du GRAME, joint sa voix à cette coalition est-ouest afin d’appuyer ces revendications pour la création d’un réseau de transport dans le sud-ouest de la ville. Les groupes du secteur militent en faveur d’un mode de transport sous forme de tramway.
À son tour, Mme Houbart conteste le manque de transparence de la part de l’ARTM dans l’élaboration de ce projet. « Là aussi, les données et les études sont gardées dans le secret des dieux. On aimerait pouvoir échanger [avec l’ARTM] avant que les études finales soient déposées », indique-t-elle. Celle-ci se désole que généralement, il ne semble pas y avoir de plan d’ensemble pour harmoniser les divers projets de l’ARTM dans les différents secteurs de Montréal. « Il y a des doutes très légitimes que les réseaux distincts planifiés ne seront pas adéquatement rattachés les uns aux autres. Un enjeu important dans tout cela, c’est l’intermodalité », s’inquiète-t-elle.