Maquette du projet de terminal maritime de carburant d’avion à Montréal-Est. (Image : CIAM).

LE TRANSPORT DE CARBURANT N’EST PAS UN PHÉNOMÈNE NOUVEAU DANS L’EST – Robert Coutu

L’annonce de la construction dès 2020 d’un terminal maritime de carburant d’avion à Montréal-Est, au tout début de juillet, suscite une controverse qui prend de plus en plus d’ampleur, à mesure que l’on connaît les détails concernant le transport de ce kérosène.

Selon les informations disponibles, environ 1,5 milliard de litres de « jet fuel » devraient ainsi être déchargés par bateau chaque année au nouveau terminal situé rue Notre-Dame coin Gamble, dont plus de 75 % seraient destinés à des aéroports ontariens (principalement Pearson). De Montréal-Est, le kérosène sera acheminé principalement par voie ferroviaire vers l’Ontario, mais aussi par camions-citernes vers Dorval et par le raccordement d’un nouveau tronçon de pipeline de 7 km qui reliera le réseau de Trans-Nord, selon les plans étudiés par le BAPE. Le projet prévoit entre autres la construction d’un quai de transbordement, ainsi que 8 grands réservoirs et un parc ferroviaire.

La première question qui se pose dans ce dossier, c’est pourquoi, si les trois quarts du carburant sont destinés à l’Ontario, le fameux terminal se retrouve donc à Montréal-Est? « Simplement que dans la région de Toronto, où cela aurait été logique, les bateaux n’ont pas accès l’hiver », explique le maire de Montréal-Est, Robert Coutu, qui venait tout juste de s’entretenir à ce sujet avec Robert Iasenza, président de FSM Management Group et porte-parole de la Corporation internationale d’avitaillement de Montréal (CIAM), à qui il a posé la question à la demande d’Est Média Montréal (M. Coutu a pu rejoindre hier M. Iasenza alors que ce dernier était en vacances). C’est la CIAM qui pilote le dossier du terminal.

Le choix de Montréal-Est est aussi explicable par le fait que la CIAM désirait se rapprocher du marché ontarien, qui est actuellement desservi via ses installations de Québec. « Avec le terminal de Montréal-Est, le transport de ce kérosène générera 8 % moins de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas négligeable, et se fera évidemment plus rapidement. Aussi, il faut réaliser que Montréal-Est est une ville qui possède toutes les infrastructures nécessaires pour accueillir et travailler en synergie avec les entreprises liées à l’industrie pétrolière, c’est un site qui allait de soi », soutient Robert Coutu, qui admet que ce projet de 150 millions de dollars jette aussi un baume sur l’économie de la ville, « en plus de générer bientôt certainement des dizaines d’emplois de qualité dans l’Est de Montréal », dit-il.

La seconde question, c’est pourquoi le transport de ce kérosène doit-il se faire principalement par chemin de fer, dans certaines zones fortement habitées, et par camions? « L’alternative idéale, selon moi, serait que le transport se fasse uniquement par pipeline, mais pour le moment c’est impossible, le projet n’allait pas encore jusque-là. Il faut aussi rappeler que le transport de produits pétroliers par train et par camion n’est pas un phénomène nouveau dans l’Est de Montréal, il y en a depuis longtemps déjà et il est fortement encadré par la législation afin d’assurer la sécurité de la population », affirme le maire. Selon Robert Iasenza, un transport 100 % pipeline serait également le meilleur scénario, une phase 2 qui sera peut-être à envisager si la population se montre favorable à cette alternative, au lieu du transport par train et par camion. Selon les prévisions, l’approvisionnement de l’aéroport Pearson, à lui seul, nécessitera l’utilisation de 20 à 30 wagons-citernes par jour de 110 000 litres chacun.

Robert Coutu, maire de Montréal-Est.

Troisième question : quel sera le tracé réel des transports par wagons-citernes? Toujours selon M. Iasenza, il n’y aurait pas de « voie réservée » pour le transport du kérosène par train. Le chemin emprunté par les convois serait défini selon la disponibilité et l’achalandage des réseaux gérés par les propriétaires comme le CN. Ainsi, le chemin d’un convoi peut être différent d’une journée à l’autre, même si la destination finale reste la même. Chose certaine, il y aura tout de même plus de wagons-citernes et de camions-citernes qui circuleront dans l’Est de Montréal, notamment dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, même si au total il n’y aurait pas vraiment plus de transports ferroviaires et par camions-citernes dans l’ensemble du Québec avec le nouveau terminal, nous dit-on. À ce sujet, le maire de l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais, n’a pas voulu commenter la situation pour le moment.

L’aval des autorités

Rappelons que ce projet de terminal maritime, étudié depuis plus de quatre ans, a fait l’objet de consultations en février 2018 menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Malgré l’opposition de plusieurs groupes citoyens et environnementaux, le BAPE a finalement donné son aval au projet, suivi par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) et le Conseil des ministres au début du présent mois.

Les principales craintes des opposants lors des audiences publiques concernaient surtout le raccordement d’un nouveau tronçon de pipeline qui reliera le terminal au pipeline Trans-Nord, un réseau âgé déjà de 65 ans et qui a connu certains incidents ces dernières années. Les risques de contamination d’eau potable en cas de déversement seraient élevés selon certains mémoires, puisque Trans-Nord traverse notamment la rivière des Mille-Îles, la rivière des Prairies et la rivière des Outaouais. Évidemment, d’autres témoignages ont tenté de démontrer les risques associés au transport de carburant dans des zones habitées, ainsi que l’incidence de ce projet pour la qualité de l’air dans cette partie de l’Est de Montréal, déjà aux prises avec une concentration d’industries lourdes.

Pour le maire de Montréal-Est, l’arrivée du terminal n’augmenterait pas nécessairement les risques associés au transport de carburant. « Je dirais même que les nouvelles installations, avec les dernières technologies et nouveaux équipements de pointe, rendront le transport encore plus sécuritaire. L’important, et c’est primordial, c’est que toutes les règles de transport du carburant, que ce soit par train, par camion ou par pipeline, soient respectées à la lettre, et c’est l’assurance que nous a donné la CIAM. J’ajouterais qu’aujourd’hui, ce type d’industries est beaucoup plus surveillé et inspecté par les autorités gouvernementales, et la sécurité est fortement renforcée », dit-il.

Souhaitons-le.