« Train de vies », la nouvelle sculpture de Roger Langevin, est à découvrir sur la place Léopold Beaulieu. (Courtoisie Thierry Du Bois)

LE TECHNOPÔLE ANGUS ACCUEILLE UNE SCULPTURE DE ROGER LANGEVIN

Une sculpture a été dévoilée la semaine dernière sur la place Léopold Beaulieu. L’oeuvre de l’artiste Roger Langevin, intitulée « Train de vies », est à la fois un clin d’oeil à l’histoire des Shops Angus et une représentation de la fonction sociale du Technopôle Angus. 

L’œuvre acquise par la Société de développement Angus (SDA) et la Caisse d’économie solidaire Desjardins mesure plus de 17 mètres de longueur et 2 mètres de hauteur. Spécialisé en art monumental, domaine dans lequel les oeuvres sont caractérisées par leur très grande taille, Roger Langevin a quitté les galeries pour s’intéresser uniquement aux oeuvres présentes sur la place publique. Au cours de ses soixante ans de métier, le sculpteur a produit une centaine d’oeuvres, dont la statue en hommage à Félix Leclerc qui se trouve au parc La Fontaine ou encore celle de Dany Laferrière à la Grande Bibliothèque. 

« Train de vies » se compose de cinq duos d’êtres humains qui interagissent chacun autour d’un banc. Les 10 personnages ont été réalisés sur une période de 6 mois. Si l’oeuvre siège dorénavant au Technopôle Angus depuis le lundi 30 octobre, elle a été créée par l’artiste en amont et n’est le résultat d’aucune commande. Lorsque le Technopôle Angus a fait connaître son désir d’acquérir cette production afin de l’installer sur la place Léopold Beaulieu, l’artiste était ravi : « L’endroit me semblait miraculeusement approprié à mon ouvrage », confie-t-il. À cette période, Roger Langevin n’avait réalisé que trois duos qu’il comptait disposer en demi-cercle. Mais lorsqu’il a vu l’emplacement choisi par la SDA, il a décidé de réaliser deux duos supplémentaires afin que l’ensemble soit finalement disposé en ligne et ressemble ainsi davantage à un train : « C’est comme si je m’étais entendu au point de départ avec la direction du Technopôle pour en arriver à concevoir une oeuvre tout à fait appropriée à leur emplacement », explique l’artiste. Ainsi, cette sculpture peut faire écho à l’histoire des Shops Angus, ancien complexe industriel voué à la construction de matériel ferroviaire, mais aussi à son présent, en mettant en scène des individus dans une dynamique d’échange : « En regardant l’oeuvre comme telle, je trouve qu’elle collabore à l’esprit du Technopôle Angus, qui, on m’a appris aussi, est tourné vers l’humanité, vers le bien-être des gens dans un lieu donné, en particulier l’est de Montréal », souligne Roger Langevin. 

Le sculpteur Roger Langevin devant son oeuvre (Courtoisie Thierry Du Bois)

L’art monumental 

« L’art monumental est fait pour aller sur une place publique », déclare l’artiste. Cette dernière est fréquentée par des gens de tous âges et de toute provenance. Et si l’oeuvre est permanente, par des gens des siècles futurs : « Certaines productions artistiques nous donnent un aperçu des coutumes des gens de l’époque. Nos manières d’être ont beaucoup changé. La place féminine a énormément évolué par exemple. La libération de la femme a conditionné toute sa gestuelle », relève le sculpteur. 

Ce dernier se considère comme « un témoin, un observateur de cette évolution chez les humains. Je suis comme un appareil photographique ». Pour élaborer ses oeuvres monumentales, il se réfère à ses observations quotidiennes. Le sculpteur a une règle d’or : il ne répète jamais deux fois le même visage. Lorsqu’il fait de nouvelles rencontres, il photographie souvent ces nouveaux visages : « J’ai des centaines de visages en tête », raconte-t-il. 

Sur le plan technique, l’art monumental impose une méthodologie bien précise : « Je commence d’abord par dessiner plusieurs esquisses, je sculpte ensuite une maquette en trois dimensions puis j’agrandis celle-ci dans un matériau léger, du styromousse enrobé de treillis métallique », explique l’artiste. Il appose ensuite sur ce modèle une pâte de « résilice » à la spatule par couches successives. Parfois, le sculpteur doit en plus incorporer des structures métalliques à l’intérieur de certains volumes. 

Autre enjeu : toute oeuvre d’art d’extérieure, monumentale ou non, se doit de résister au vent, à la pluie ou à la neige, surtout au Canada : « Si on veut que notre oeuvre dure 2000 ans, il faut qu’elle soit impérissable », insiste Roger Langevin. Pour y parvenir, l’artiste a eu recours à la « résilice ». Cette pierre reconstituée est un matériau hybride composé de résine, de silice et de fibre de verre, créé au Québec. Son créateur, le designer belge Jacques Bodart, côtoie Roger Langevin depuis 24 ans : « C’est en grande partie grâce à sa trouvaille qu’il m’est possible d’en arriver à produire des œuvres de grande taille résistantes aux chocs et aux intempéries, et cela, avec l’aide d’un praticien expérimenté en carrosserie automobile, Jean-François Beaulieu, avec qui je travaille en atelier depuis plusieurs années », détaille Roger Langevin.

La figure féminine

La nouvelle production de Roger Langevin compte 10 personnages au total : 7 figures féminines et 3 masculines. Cette majorité féminine n’est pas un hasard : « Le corps féminin me paraît plus mobile et plus souple, avec des formes plus équilibrées. Le cou accentue l’expression d’une tête. Chez la femme, j’ai remarqué une plus grande souplesse au niveau du cou en comparaison à l’homme par exemple. À travers tout cela, il y a une étude plus subtile de différents sentiments que la personne peut éprouver », confie le sculpteur, qui admet être tout autant fasciné par le corps masculin. 

L’inauguration de l’oeuvre de Roger Langevin le lundi 30 octobre à la place Léopold Beaulieu (Courtoisie Thierry Du Bois)

L’idée de cette sculpture résulte d’une rencontre de l’artiste avec une femme : « Elle savait se tenir, d’une façon très contrôlée et avec un certain port de tête. Elle ne croisait pas les jambes et ses deux mains étaient posées sur ses genoux », se souvient le sculpteur. Cette gestuelle, qui s’apparente pour lui à celle d’une religieuse, a frappé l’artiste. Ce dernier a remarqué que les femmes d’aujourd’hui ont une attitude beaucoup plus « libérée et naturelle ». Il a voulu mettre en scène ces deux oppositions dans sa sculpture. Lorsqu’il sculpte, l’artiste se met toujours dans la peau de ses personnages : « Si je fais une femme, je deviens cette femme. Si je fais une personne dans la force de l’âge, je m’y retrouve par le souvenir de ma vie passée », raconte Roger Langevin. 

Lorsqu’un passant regardera son oeuvre, l’artiste espère que « Train de vies » lui apporte un moment de paix : « Toute ma sculpture, où les personnages ont plaisir à se parler et à être en relation, est paisible », conclut-il.