Le directeur général du Cégep Marie-Victorin depuis 10 ans, Sylvain Mandeville, tirera sa révérence le 4 août prochain (photo : EMM).

SYLVAIN MANDEVILLE LAISSE UNE MARQUE DISTINCTIVE AU CÉGEP MARIE-VICTORIN

Le directeur général du Cégep Marie-Victorin de ces dix dernières années quittera ses fonctions pour une retraite bien méritée le 4 août prochain. Le personnage coloré, très impliqué dans l’est de Montréal, aura laissé un bel héritage à l’institution du nord-est de l’île, qui se démarque aujourd’hui dans le réseau collégial québécois notamment par la qualité de ses milieux de vie, mais pas que… L’innovation, l’accès à l’éducation pour tous, l’excellence de la formation et la persévérance scolaire auront aussi trouvé une place de choix dans ses priorités tout au long de son parcours d’un quart de siècle au Cégep Marie-Victorin, alors qu’il occupait auparavant le poste de directeur des ressources humaines.

Plus de 300 personnes se sont par ailleurs rassemblées le 12 juin dernier pour lui rendre un vibrant hommage. Parmi de nombreux employés et anciens collègues, plusieurs personnalités politiques de l’est étaient aussi présentes lors de l’événement, dont la ministre Chantal Rouleau, qui a profité de l’occasion pour remettre la Médaille de l’Assemblée nationale à M. Mandeville. La mairesse de l’arrondissement de Montréal-Nord, Christine Black, a quant à elle invité le principal intéressé à signer le livre d’or de Montréal-Nord. Soulignons que le jeune retraité, qui aura à peine 60 ans le 1er juillet prochain, a également reçu une lettre signée du premier ministre Justin Trudeau « en reconnaissance de sa carrière pour le rôle extraordinaire qu’il a joué dans le milieu de l’Éducation et pour faire de son établissement un lieu d’exception ».

Nous l’avons rencontré la semaine dernière, le temps d’un café, curieux de connaître son regard sur ses années de service au cégep, mais aussi sur le territoire de l’est de Montréal.

EST MÉDIA Montréal : Quel était votre parcours professionnel avant d’accéder au poste de directeur général du Cégep Marie-Victorin?

Sylvain Mandeville : Ça fait globalement 36 ans que j’œuvre dans le réseau collégial québécois. J’ai notamment été gestionnaire en ressources humaines, directeur de ce département, et ensuite secrétaire général au Cégep Lionel-Groulx. Ensuite, 15 ans à titre de directeur des ressources humaines et secrétaire général du Cégep Marie-Victorin, et les dix dernières années, directeur général de l’institution. J’ai aussi assumé les fonctions de président de l’exécutif des directeurs de ressources humaines du réseau collégial pendant sept ans, et de président de l’Association des directrices et directeurs généraux des cégeps ces huit dernières années. On peut dire que je suis quelqu’un « d’impliqué », et j’adore ça! (rires).

EMM : Qu’est-ce qui vous a attiré au Cégep Marie-Victorin?

SM : Au départ, c’était un beau défi, car l’établissement est passé de collège privé à public en 1993. Alors lorsque je suis arrivé en 1998, j’étais très motivé de rejoindre une équipe de gestion reconnue déjà comme chevronnée, dans le bon sens du terme, à titre de directeur des ressources humaines.

Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est que j’ai immédiatement eu la chance de réaliser un paquet d’innovations, on m’a beaucoup fait confiance et, honnêtement, cela m’a vraiment fait du bien. Entre autres résultats de toutes ces initiatives, le Cégep Marie-Victorin a remporté le 2e prix du prestigieux concours Défi meilleur employeur en 2009, organisé par l’Ordre des professionnels en ressources humaines du Québec. C’était la première fois qu’une institution publique se rendait aussi loin dans ce concours, on était très, très fiers de ça.

La ministre et députée de Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, a remis à M. Mandeville la Médaille de l’Assemblée nationale le 12 juin dernier. (Photo: Courtoisie CMV.)

EMM : 36 ans dans le réseau collégial, ça fait tout un bail. Vous n’avez jamais songé à aller dans le privé, par exemple?

SM : Non, pas vraiment. J’ai eu plusieurs opportunités d’aller dans d’autres milieux, avec des salaires plus élevés, mais moi travailler en éducation, cela m’a toujours passionné. Au niveau collégial particulièrement, car les étudiants sont à un âge important de leur vie, j’ai toujours eu cette conviction. Ce n’est pas juste un endroit où l’on suit des cours. C’est un moment important de leur vie où on les aide à devenir des citoyens responsables. Et ça, c’est quelque chose de fort important.

EMM : Quelles sont vos plus grandes réalisations, selon vous, au Cégep Marie-Victorin?

SM : Je suis particulièrement fier des projets d’amélioration des milieux de vie du cégep, qui font rayonner l’institution un peu partout aujourd’hui pour la qualité de son environnement. Certains diront que c’est probablement ma principale signature et je pense que c’est le cas. Mais comme je l’ai souvent répété, je suis surtout fier que ces projets aient été réalisés par le personnel et aussi des étudiants, lorsque c’était possible. Tout cela a commencé le jour où j’ai dit : nous avons les programmes design d’intérieur, graphisme, arts visuels… pourquoi on ne mettrait pas en valeur l’expertise et le talent de nos gens pour embellir notre établissement? Et cela a fait boule de neige, projet après projet. Ce qu’il y a de merveilleux dans tout ça, c’est la mobilisation des enseignants, du personnel, des étudiants. C’est extraordinaire, et ça continue de fonctionner, après des années.

Parmi les autres éléments, je soulignerais la mise en place d’un plan stratégique de développement élaboré de façon concertée avec le personnel. Sans entrer dans les détails, plusieurs actions en ont découlé ces dernières années, qui ont amélioré la qualité de l’enseignement, de notre environnement, mais aussi la notoriété et l’implication de l’établissement dans son milieu, son quartier. Je pense particulièrement au fait qu’on s’est beaucoup rapproché des écoles primaires et secondaires du secteur en collaborant avec elles sous plusieurs aspects, notamment pour la persévérance scolaire et la valorisation des métiers et des carrières, avec une présence accrue auprès des clientèles les plus défavorisées. Sur le terrain comme on dit, auprès de nos jeunes, nous sommes aujourd’hui beaucoup plus efficaces qu’avant. Ça, j’en suis très fier également.

EMM : Le Cégep Marie-Victorin, à l’instar du territoire qu’il dessert, est en pleine expansion démographique avec aujourd’hui près de 4 000 étudiants inscrits aux programmes réguliers. Et les projections pour les prochaines décennies augmentent considérablement ce nombre. Cette explosion démographique, principalement générée par une vague persistance d’immigration, donne-t-elle une couleur différente à l’établissement?

SM : Je dirais que le fait que nous valorisons depuis longtemps l’accessibilité à l’enseignement supérieur nous aide, et je crois profondément que si nous offrons des programmes et des milieux de vie qui intéressent les jeunes, s’ils trouvent la voie qui les stimule, ils vont réussir. Dans un secteur où il y a de nombreuses communautés culturelles, où l’on voit arriver beaucoup de 2e et 3e générations d’immigrants, c’est un défi, et on le relève bien, je crois. C’est aussi une grande richesse, on le voit au quotidien ici, quand ces jeunes-là se côtoient, ça crée une synergie extraordinaire, on voit le Québec de demain et ce Québec, il est beau et il est plein de ressources.

Du côté de la formation continue, celle des adultes, elle aussi est en croissance avec aujourd’hui quelque 2 500 étudiants. La reconnaissance des acquis, appelée communément la RAC , devient de plus en plus pertinente avec une forte population immigrante. Le cégep est très bien positionné à ce niveau étant l’un des centres experts du réseau collégial dans ce domaine. Nous avons travaillé fort ces dernières années pour développer et mettre en place cette expertise.

EMM : Ces dernières années, on vous a vu régulièrement prendre position dans des dossiers de développement territorial concernant l’est de Montréal. Quels sont les enjeux les plus importants en ce moment selon vous?

SM : Évidemment, il faudra améliorer le réseau de transport collectif. Le projet de REM de l’est, ou PSE comme on l’appelle aujourd’hui, est extrêmement important, car c’est très difficile pour les gens de Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles ou Montréal-Nord par exemple de se déplacer efficacement et rapidement. Au cégep ici, on le sait, c’est un problème. Mais il y a une grande école secondaire qui se construit juste à côté… Il va falloir que le transport suive. Les infrastructures aussi doivent suivre l’augmentation démographique de l’est de Montréal. Le Cégep Marie-Victorin doit s’agrandir pour répondre à la demande et c’est long, très long avant de voir ces projets se concrétiser. C’est la même chose pour les autres cégeps de l’est, pour les centres de services scolaires, pour le réseau de la santé… Il faut accélérer la construction des infrastructures dans l’est. Finalement, je dirais qu’il faut accentuer le développement du programme de reconnaissance des acquis, à la fois pour aider à contrer la pénurie de main-d’œuvre dans nos entreprises et organisations, mais aussi pour améliorer les conditions de vie et de travail de nombreuses personnes qui vivent notamment dans l’est de Montréal. On peut faire plus à ce sujet, et le Cégep Marie-Victorin peut être un acteur important pour ça.

EMM : Des plans d’avenir, personnellement?

SM : (Rires) Prendre du bon temps! Profiter de l’été, faire des activités que j’aime et pourlesquelles je n’ai jamais assez de temps, et ne pas trop penser à la vie professionnelle. Après un bout de temps, on verra, je vais laisser les choses se présenter. Ce qui est certain, c’est que je vais certainement continuer à m’investir dans quelques projets, ou des causes. Je ne sais pas encore exactement, mais je ne m’enligne pas pour une retraite « inactive », ça c’est sûr.

EMM : Le mot de la fin?

SM : Je crois que ce qui me rend vraiment heureux, finalement, c’est quand les gens viennent à Marie-Victorin, franchissent les portes et découvrent notre institution, ses valeurs, son petit côté familial, même. L’humanisme, l’engagement, la créativité, la solidarité… Des valeurs fortes au cégep. Pas juste des mots pour des mots. Quand les gens viennent à Marie-Victorin, ils voient quelque chose de différent. Et c’est très bien.