SOUVENIRS DE L’EST : SAINT-MICHEL, UN QUARTIER D’ENTRAIDE
EST MÉDIA Montréal est allé à la rencontre de plusieurs aîné.es dans différents quartiers sur le territoire, dans des résidences de retraité.es surtout, afin de discuter avec elles et avec eux en toute convivialité. Nous avons demandé aux personnes qui ont habité dans l’est de Montréal pendant longtemps de nous parler de leurs souvenirs de la vie quotidienne et de leur quartier d’enfance. Cela a donné lieu à des rencontres extraordinaires, touchantes, parfois cocasses, parfois moins, mais toujours chaleureuses et enrichissantes. Une série signée Sophie Gauthier.
Avant d’être un quartier, Saint-Michel était une ville. C’est en 1968 qu’elle s’est annexée à la Ville de Montréal et qu’elle est devenue le quartier « Saint-Michel-Nord » avant de devenir le « Saint-Michel » que l’on connait aujourd’hui, en 1995. Par le récit d’une Micheloise, faisons un bond dans le passé pour nous plonger dans l’histoire d’un secteur caractérisé par un voisinage solidaire.
Du haut de ses 85 ans, Dorina Denis se souvient avec émotion des moments qu’elle a passé dans sa maison située au coin de la rue Everett et de la 17e Avenue : « En arrivant, l’ambiance de Saint-Michel me faisait penser à celle que j’ai connue dans ma campagne de Gaspésie », où elle a grandi. Dorina Denis est arrivée à l’âge de sept ans à Montréal. Elle a d’abord résidé au centre-ville, vers la Place des arts, qui ne portait pas encore ce nom à l’époque : « Mon père m’interdisait d’aller dans ce quartier car il y avait des filles qui dansaient toutes nues. » Elle a ensuite déménagé sur le Plateau puis à Côte-des-Neiges lorsqu’elle s’est mariée. Le couple a ensuite déménagé à Saint-Michel avec ses enfants, quartier que la famille n’a plus jamais quitté.
Lorsqu’il arrive à Saint-Michel, en 1973, le couple fait l’acquisition d’une grande demeure de 3 étages au prix de 150 000 $ à l’époque. L’ancien propriétaire leur transmet alors un sac : « Il contenait toute l’histoire de notre maison. On a découvert qu’elle avait même appartenu aux Indiens », se remémore Dorina Denis. À leur arrivée, cette dernière se souvient encore de l’accueil du voisinage : « Une dame de l’autre côté de la rue est venue m’apporter des biscuits, des tomates et des concombres qu’elle avait fait pousser dans son jardin. » Une autre voisine lui a également apporté des sacs poubelles, en pensant que sa nouvelle camarade de quartier avait peut-être omis d’en acheter dans l’agitation du déménagement : « J’ai trouvé cela très attentionné. C’est devenu mon amie par la suite et c’est encore mon amie aujourd’hui! », révèle-t-elle avec un grand sourire.
L’aspect altruiste d’un quartier est important, encore plus lors de situations d’urgence. Dorina Denis l’a compris le jour où son mari a fait une mauvaise chute dans leur maison. « J’ai sonné à la garderie située en face de la maison et un monsieur est venu tout de suite m’aider en soulevant mon mari puis en m’aidant à le coucher. On ressent vraiment l’entraide dans ce quartier », raconte Dorina Denis, émue.
Lorsqu’elle retourne dans son ancienne maison, habitée aujourd’hui par son fils et sa famille, Mme Denis est nostalgique : « J’ai le coeur gros en y pensant. »
Une diversité ethnoculturelle
Depuis longtemps, le quartier Saint-Michel est considéré comme un pôle important pour les nouveaux arrivants. La preuve, la moitié de la population de Saint-Michel est immigrante et 79 % de cette population immigrante est de première ou de deuxième génération, d’après l’analyse territoriale de Centraide du Grand Montréal. Le quartier a connu plusieurs vagues d’immigration successives, notamment italienne, haïtienne et, plus récemment, maghrébine.
À son arrivée, en 1973, Mme Denis se rappelle qu’il y avait une communauté italienne assez importante dans son quartier : « L’un de mes voisins italiens fabriquait du vin dans son sous-sol et il amenait toujours une bouteille de sa nouvelle cuvée à mon mari », explique-t-elle. Ces attentions ont participé au sentiment de bien-être ressenti par la Micheloise dans ce quartier, qu’elle habite d’ailleurs toujours, résidant dorénavant dans la résidence pour aînés Le Saint-Michel.
Cette diversité culturelle donne une richesse unique au quartier, selon elle, et suscite des échanges culturels : « J’aime l’ambiance et les gens de ce quartier pour cela. Ce n’est pas comme dans d’autres quartiers de Montréal où l’ambiance est plus froide », confie Dorina Denis.
Selon la Micheloise, le plus grand changement du quartier concerne les magasins : « Avant, il y avait de beaux salons de coiffure, de grands et beaux restaurants et même de belles laveries. Mais ils ont fait faillite. Dorénavant, des petits commerces destinés à une clientèle plus jeune ont pris leur place, comme les commerces de manucure », déplore l’aînée de 85 ans. Elle observe que les anciens commerces répondaient à des besoins, alors que ceux d’aujourd’hui répondent à des envies : « C’est plus fantaisiste maintenant. »
Un parc rassembleur
Autrefois, Dorina Denis avait pour habitude de se rendre au parc François-Perrault (7525, rue François-Perrault), qui a ouvert en 1970. Précédemment connu sous le nom de « parc octogonal », cet espace vert représente encore aujourd’hui un carrefour pour toute la communauté de Saint-Michel. Il dispose d’une patinoire, offerte par la Fondation des Canadiens, ainsi que d’une maison du citoyen et d’une bibliothèque.
Mme Denis a de bons souvenirs dans ce lieu public, où elle emmenait ses enfants : « Il y a une piscine, une barboteuse, un terrain de soccer…. C’est fabuleux pour eux », termine la grand-maman.