Francine Salvail, Denise Simard, Lise Tessier et France Ouellet au Cercle des fermières RDP (EMM / Sophie Gauthier)

SOUVENIRS DE L’EST : RDP TOUT COURT, SES DUCHESSES ET LA TEMPÊTE DU SIÈCLE

EST MÉDIA Montréal est allé à la rencontre de plusieurs aîné.es dans différents quartiers sur le territoire, dans des résidences de retraité.es surtout, afin de discuter avec elles et avec eux en toute convivialité. Nous avons demandé aux personnes qui ont habité dans l’est de Montréal pendant longtemps de nous parler de leurs souvenirs de la vie quotidienne et de leur quartier d’enfance. Cela a donné lieu à des rencontres extraordinaires, touchantes, parfois cocasses, parfois moins, mais toujours chaleureuses et enrichissantes. Une série signée Sophie Gauthier.

Quatre femmes membres du Cercle des fermières RDP se réunissent pour partager leurs souvenirs du bon vieux temps à Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT). À travers des anecdotes communes et touchantes, Francine Salvail, Denise Simard, France Ouellet et Lise Tessier font revivre un pan oublié de l’histoire de ce quartier.

Lorsqu’elles parlent de leur arrondissement, ces quatre résidentes mentionnent seulement « Rivière-des-Prairies » car elles ne se sont toujours pas habituées au regroupement des deux quartiers, Rivière-des-Prairies (RDP) et Pointe-aux-Trembles, depuis le 1er janvier 2006. Elles ont donc connu la ville de RDP avec ses propres policiers et pompiers, et sa complète indépendance avant qu’elle soit annexée à Montréal en 1963. 

De plus, elles se rappellent toutes de l’époque, durant les années 1970, où les parents façonnaient eux-mêmes les patinoires afin que leurs enfants puissent y jouer : « Ils les déneigeaient avec des grattoirs et les arrosaient », se rappelle Francine Salvail. 

Anecdotes d’écolières 

Denise Simard se rappelle de la directrice de l’école Sainte-Marthe, établissement alors collé à une ferme, qui passait de classe en classe pour annoncer la récréation : « Souvent, elle venait nous dire que les vaches étaient dans la cour et que la pause se ferait à l’intérieur de l’établissement. C’étaient les vaches qui prenaient leur récréation! », plaisante-t-elle. Les élèves devaient attendre que le fermier ramène ses animaux dans leur enclos pour pouvoir profiter de l’extérieur, à la prochaine récréation. 

À l’époque de leur enfance, les jeunes étaient transférés d’une école à une autre beaucoup plus régulièrement qu’aujourd’hui : « J’ai fait trois jours à l’école Fernand-Gauthier, puis à Sainte-Marthe, puis encore à l’école Honoré-Primeau » se rappelle France Ouellet. 

Et les quatre femmes se rappellent que le chemin pour se rendre à l’école était long. Elles devaient prendre plusieurs bus, partant du boulevard Gouin. Ces véhicules étaient privés à l’époque et appartenaient à la compagnie Inter-Cité. 

L’autobus Inter-Cité numéro 1423 au Terminus de l’Est, à Montréal, en 1959 (Courtoisie Société d’histoire d’autobus du Québec)

La reine et les duchesses 

La reine, les duchesses et les pages de l’élection de 1961 (Courtoisie Denise Simard)

Comme plusieurs endroits à l’époque, RDP a eu droit à son élection de Miss. Chaque hiver, une reine et ses trois duchesses étaient élues. Pour accéder à ces titres, il fallait vendre des billets : « Chacun coûtait 1 $ et représentait une voix. La candidate qui en vendait le plus était élue reine puis les autres, duchesses », explique Denise Simard, elle-même élue duchesse en 1961. 

Un vendeur d’automobiles, Christin Automobile, prêtait ses voitures convertibles pour la parade des élues : « Les trois duchesses étaient assises à l’arrière avec de grosses couvertures en laine car la parade avait lieu au mois de février. La reine était assise seule à l’avant. Il y avait aussi deux petits pages qui nous accompagnaient », raconte Denise Simard. 

À propos de ces pages, l’un de ceux qui avait escorté Denise Simard jouait dans une émission populaire de l’époque, Le Courier du Roy, diffusé de 1958 à 1961 : « Il y avait un personnage de petit garçon qui s’appelait Kiwi, interprété par Jean-Pierre Morel, qui demeurait également à RDP. C’était lui qui m’avait escortée à l’époque », confie Denise Simard. La reine et les duchesses avaient été invitées à aller assister au tournage de cette émission dans les Cantons-de-l’Est l’été suivant. 

La tempête du siècle 

Les fermières se remémorent la « tempête du siècle », événement météorologique marquant de leur jeunesse. Entre le 3 et le 5 mars 1971, Montréal, et le Québec tout entier, subissent une importante chute de neige. En quelques heures seulement, la métropole reçoit 43 centimètres de neige qui s’additionnent à une couverture déjà abondante, le tout atteint 56 centimètres.

La tempête a paralysé toute la ville. Avions, trains, autobus… Tous les transports étaient sur pause : « Ce jour-là, je travaillais et j’étais revenue à la maison en Ski-Doo! », se remémore Francine Salvail. 

« J’étais allée dîner au centre-ville dans un restaurant chinois avec mon père et mon frère. Il n’y avait plus aucun bus qui pouvait nous ramener dans l’est. On a dû louer une chambre de motel pour la nuit! », termine Denise Simard. 

Une voiture ensevelie sous la neige à Montréal le 4 mars 1971 (Courtoisie Archives de la Ville de Montréal)