L’église Saint-Esprit est située en plein coeur de la Promenade Masson, dans Rosemont. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

LA SEULE ÉGLISE ART DÉCO DE MONTRÉAL EN CONSTANT CHANTIER

Le labeur de rénover une église patrimoniale est un travail sisyphéen : il ne se termine jamais vraiment. L’église Saint-Esprit dans le quartier Rosemont est un exemple typique des difficultés qu’occasionne la conservation d’un lieu de culte historique à une époque où les paroissiens et les ressources pour préserver ce genre de bâtiment se font rares.

Bernard Besancenot, coordonnateur de la paroisse Saint-Esprit-de-Rosemont. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Depuis 2014, la paroisse Saint-Esprit-de-Rosemont s’affaire à rénover la devanture de l’église construite en 1933 et située en plein cœur de la rue Masson. Cette année-là, une partie de sa toiture fut remplacée, puis en 2016, c’est au tour de son imposant orgue Casavant d’être remis à neuf.

Selon un document fourni par la direction de la Paroisse, on estimait au début du projet de rénovation de l’immeuble que les travaux coûteraient près de 16 M$ sur une période de cinq ans. Ce calcul prenait en compte le fait que le Conseil du patrimoine religieux du Québec octroie des subventions allant jusqu’à 70 % de la valeur d’un chantier de restauration de bâtiments patrimoniaux.

Coûts inattendus et COVID

Puis en 2021, la fabrique signe un contrat de 420 000 $ pour restaurer la partie basse de la façade centrale sous le clocher.

Des poutres d’acier sont encore visible sur le clocher de l’église. Elles ont été installées par mesure de sécurité. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Toutefois, après une inspection, l’architecte responsable du chantier émet une lettre de conditions dangereuses pour la partie haute du clocher. On doit réviser les plans et créer un nouveau projet totalisant cette fois-ci 1 780 000 $. En retirant les pierres de la maçonnerie, l’entrepreneure constate l’état « catastrophique » de la structure et les coûts des travaux grimpent de 534 500 $ supplémentaires. « La façon dont les pierres ont été installées en 1933 fait en sorte qu’il y a eu de l’infiltration d’eau. Avec le gel et les dégels, cela a causé beaucoup de dommages à la bâtisse », affirme Bernard Besancenot, Coordonnateur administratif de la paroisse Saint-Esprit-de-Rosemont.

Puis, la COVID frappe et force l’arrêt du chantier en hiver, ce qui coûte près de 68 000 $ additionnels. « Juste louer les échafaudages nous coûtait des dizaines de milliers de dollars par mois », ajoute-t-il. Au total, le chantier du clocher qu’on n’avait initialement pas prévu aura coûté 3 M$.

À l’intérieur même de l’église de style Art déco, la seule en son genre à Montréal, il y a aussi beaucoup à faire. Le plus pressant, c’est sans doute la remise en état du plâtre qui s’effrite graduellement à certains endroits, obligeant la fermeture de plusieurs bancs d’églises, par prévention. « On a une de nos deux salles de bain qui ne fonctionne plus. Dans notre deuxième sous-sol, dans la salle de chauffage, il y a des inondations chaque fois qu’il y a de grosses pluies », explique M. Besancenot.

Le plâtre s’effrite à certains endroits à l’intérieur de l’église… (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

…forçant la fermeture de plusieurs bancs. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Bien que le Conseil du patrimoine puisse rembourser plus du deux tiers de la facture, la Fabrique a été obligée de s’endetter et considère mettre en vente une autre de ses trois églises.

Malgré toutes ces péripéties, l’édifice nécessite encore de nombreuses interventions. Les travaux sur la façade centrale du bas qui ont été remis devront être exécutés durant les prochaines années et la Paroisse souhaite restaurer la maçonnerie sur les côtés de la bâtisse d’ici 2025. Des poutres d’acier, un corset et des filets de sécurité préviennent l’effritement de la pierre du côté ouest. Ce projet est lui aussi estimé à 3 M$. Enfin, on envisage des aménagements pour améliorer l’accessibilité aux lieux, dont le chantier pourrait débuter en 2026 et coûter 250 000 $.

Rendre à la communauté ce qui lui appartient

Lorsqu’on lui demande s’il y a urgence d’agir, le coordonnateur de la Paroisse est sans équivoque. « Oui, le temps presse. On a besoin de financement dans les 4-5 prochaines années. Parce que même si on arrive à vendre une des églises de la paroisse et de payer nos dettes, que fait-on après? On tombe toujours par en avant. Donc, il faut absolument trouver les moyens de financer », insiste M. Besancenot.

Cette rentrée d’argent pourrait provenir d’un projet de centre communautaire ou culturel qu’on vise à mettre sur pied prochainement. À court terme, le presbytère adjacent à l’église pourrait louer son 3e étage pour apporter un revenu annuel de 20 000 $ en louant des espaces de bureau. Puis on envisage éventuellement de réaménager le sous-sol de l’église, d’une superficie de 6 000 p² pour offrir des locaux aux organismes communautaires du quartier.

« On pense à transformer l’église pour qu’elle puisse accueillir des spectacles, expositions et conférences. Cela demandera l’achat de matériel et un réaménagement bien évidemment, ce qui signifiera encore des sous à débourser, explique le coordonnateur. Ce qu’on veut c’est de trouver le moyen de rendre cet espace à la population. »

Ce dernier espère que la réfection de la rue Masson, prévue l’an prochain par l’Arrondissement de Rosemont – La Petite-Patrie permettra de replacer l’église Saint-Esprit au centre de la communauté. En effet, les travaux prévus par la Ville permettront de mettre à neuf une partie du parvis et d’élargir le trottoir en face du lieu de culte, ce qui devrait renforcer son attractivité auprès des citoyens, souhaite M. Besancenot.

L’imposant orgue Casavant de Saint-Esprit a été rénové en 2016. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)