Photo : Myriam Baril Tessier.

LA SDC DU PETIT MAGHREB EN PÉRIL

Les jours de la très jeune Société de développement commercial (SDC) du Petit Maghreb pourraient être comptés, une demande de registre référendaire au sujet de sa dissolution ayant récemment été déposée à l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel-Parc-Extension (VSP).

Une pétition qui réclame la résiliation de l’organisme circule depuis la mi-février, selon les informations obtenues auprès du conseiller de la Ville, Sylvain Ouellet et du président de la SDC, Toufik Lallouche. Cette situation arrive alors que l’organisme vient d’être officiellement formé en 2021.

Sylvain Ouellet, conseiller du district de François-Perrault et membre du C.A. de la SDC du Petit Maghreb. Photo: Courtoisie Ville de Montréal

À la suite du dépôt du document devant le conseil d’arrondissement, l’administration de VSP a enclenché un processus de référendum. La prochaine étape se tiendra le 23 mars, à l’aréna Saint-Michel, où sera ouvert un registre référendaire. Si 22 commerçants de la zone visée par la SDC, sur la rue Jean-Talon Est entre les boulevards Saint-Michel et Pie-IX, y apposent leur signature, l’arrondissement devra lancer un référendum.

« J’ai été un peu surpris d’apprendre l’existence de cette pétition. J’ai su ça le lendemain du conseil d’administration de la SDC, auquel je siège, le 13 février dernier. Donc oui, je suis surpris, mais ce sont les commerçants entre eux qui décideront de leur avenir. À l’arrondissement, on croit au modèle des SDC et on les finance, mais ce sont les commerçants qui choisissent », souligne M. Ouellet, conseiller du district de François-Perrault, dans lequel se trouve le Petit-Maghreb.

Pour sa part, M. Lallouche se dit ne pas être étonné de la tournure des événements, malgré le fait que ses collègues et lui travaillent « bénévolement et avec acharnement » pour mettre au monde ce projet de SDC depuis plus de deux ans. « Quand on a lancé le plan de la SDC, sur la centaine de commerçants de la rue Jean-Talon Est, il y avait peut-être 12 ou 15 d’entre eux qui étaient contre l’idée. Mais on a réussi à convaincre la majorité. C’est un problème répétitif pour toutes les SDC. On est allés voir une autre SDC qui existe depuis 10 ans et certains de ses membres sont toujours contre l’idée », explique M. Lallouche.

Cotisation

Selon de précédents articles de Radio-Canada et de Métro, c’est la question des contributions financières versées à la SDC qui serait la principale source de questionnements chez certains commerçants qui souhaitent désormais la dissolution de l’organisme.

Au Petit Maghreb, la cotisation annuelle a été fixée à 417 $ et peut être déboursée en deux versements, explique M. Lallouche. « Une cotisation peut être fixée en fonction du pied carré des établissements, donc si tu as un plus grand commerce, tu paies plus. Mais, on a choisi ce montant fixe pour tout le monde pour que ça soit plus juste », soutient M. Lallouche.

Le président dit être conscient des difficultés encourues par certains propriétaires dont les revenus ont grandement diminué à la suite des travaux pour le SRB Pie-IX, lancés en 2019. Il affirme comprendre que certains soient réticents à payer la cotisation pour cette raison.

« J’ai de l’empathie pour les commerçants. J’ai deux commerces sur cette artère, elle est terriblement touchée. On survit en ce moment avec la clientèle locale. Il n’y a pas de passants ni de clients qui viennent en voiture. À cause des travaux sur le boulevard Pie-IX, la boucherie qui se trouve à l’est sur Jean-Talon, dans la SDC de Saint-Léonard, a augmenté son trafic de 60 %, parce que tout le monde qui venait chez nous dans les boucheries et épiceries ne vient plus, parce qu’on est fermé au voisinage. Il y a une perte draconienne », se désole M. Lallouche.

Ce dernier veut rappeler à ses constituants que le montant des cotisations ne croîtra pas au fil des ans et que l’argent perçu est bonifié par l’arrondissement. À VSP, on confirme que la contribution annuelle s’élève à 50 000 $, ce à quoi s’ajoutent des services d’accompagnement d’une commissaire au développement économique. « Il faut qu’on puisse éduquer nos membres sur les retombées de la SDC. Ça va nous permettre de faire rayonner l’artère à long terme, mais cela va prendre du temps », insiste M. Lallouche.

Fruiterie du Petit Maghreb. (Photo : Myriam Baril Tessier).

 

Première année « lente »

Autant le conseiller que le président s’accordent pour dire que le démarrage de la SDC s’est fait lentement. « C’est vrai qu’on n’a pas pu réaliser de grands projets pour l’instant sur le terrain, parce que notre projet triennal qui a été déposé auprès de la Ville vient d’être accepté », insiste M. Lallouche. Ce projet, qui planifie les trois prochaines années de la SDC, inclut des événements promotionnels, tels qu’un grand souk, qui devraient se tenir cette année. « Jusqu’à présent on a pu mettre de petites mesures en place, comme l’installation d’oriflammes et le déploiement d’une escouade de la propreté », ajoute le président.

De plus, le timing pour lancer la SDC n’était pas idéal, disent de concert MM. Ouellet et Lallouche. En pleine pandémie, les commerces ont non seulement souffert de la fermeture du boulevard Pie-IX à l’est durant la construction du SRB, mais aussi de la pénurie de main-d’œuvre. « Je l’ai constaté moi-même, plusieurs commerçants n’arrivent plus à trouver d’employés, alors c’est eux qui tiennent leur entreprise à bout de bras. C’est sûr qu’une SDC n’est peut-être pas dans leur liste de priorités », indique le conseiller.

Ce n’est pas la première fois qu’un projet de regroupement entre les propriétaires de commerces de la rue Jean-Talon Est connaît des difficultés peu après sa création. En effet, en 2008, l’association du Petit Maghreb fut fondée, mais cessera d’exister trois ans plus tard.

Par ailleurs, les SDC sont plus contraignantes que les simples associations commerçantes. Elles doivent être constituées auprès de l’arrondissement dans lesquelles elles se trouvent. En échange, elles reçoivent une contribution financière. De plus, une cotisation obligatoire est perçue chez tous les commerçants qui se trouvent sur l’artère visée, qu’ils soient en accord ou non avec le projet, et ce, même s’ils ouvrent un commerce après la création de la SDC. C’est l’organisme qui fixe le montant des cotisations auprès de ses membres.

Ainsi, on saura le 23 mars prochain si l’arrondissement ira en référendum pour dissoudre la SDC. « Si nous avons des signatures de la majorité des commerçants, donc plus de 50 % en faveur de la dissolution, il sera alors inutile d’aller vers le référendum et les élus pourront prendre acte de la dissolution.  Si toutefois, nous avons le nombre de signatures minimal requis, mais pas la majorité des commerçants, le scrutin sera tenu afin que tous puissent faire entendre leur voix », indique-t-on à l’arrondissement.

En attendant M. Lallouche affirme qu’il demeure optimiste. « Je reste convaincu que le Petit Maghreb a beaucoup de potentiel. »

Pour sa part, M. Ouellet rappelle qu’avec la venue du prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal en 2029, le terrain est fertile pour la croissance de la SDC du Petit Maghreb. « Plus tôt on mettra en place la SDC, plus rapidement on pourra tirer profit de ces opportunités. »