Photo courtoisie arrondissement de VSMPE.

« L’AVENIR DE SAINT-MICHEL RÉSIDE DANS LA REQUALIFICATION DE LA CARRIÈRE FRANCON »

Durant la présente campagne électorale municipale, EST MÉDIA Montréal proposera plusieurs rencontres avec des aspirants à la mairie d’arrondissements de l’est, question de découvrir à la fois leur plateforme locale et leur vision de certains enjeux liés au territoire. Aujourd’hui, Giuliana Fumagalli, de Quartiers Montréal, candidate dans Villeray−Saint-MichelParc-Extension.

La mairesse sortante de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Giuliana Fumagalli, fait du dossier de l’ancienne carrière Francon, en plein cœur de Saint-Michel, son principal cheval de bataille pour la présente élection. C’est ce qui est clairement ressorti de l’entrevue de campagne accordée lundi dernier à EST MÉDIA Montréal. « Le désenclavement de Saint-Michel, et aussi la réunification de Saint-Michel, ça passe par la requalification de cette immense fracture pour le quartier. On n’a pas d’autre choix », clame la chef du nouveau parti local fondé juste avant la présente campagne, Quartiers Montréal.

Si Mme Fumagalli, depuis son élection en 2017, parle régulièrement de son ouverture aux propositions de la table de quartier Vivre Saint-Michel en Santé (VSMS), qui élabore des plans depuis plusieurs années déjà en lien avec le redéveloppement de la carrière Francon, jamais elle n’avait été aussi précise dans ses demandes envers la ville centre : elle souhaite dans un prochain mandat un investissement majeur pour la construction d’une passerelle qui réunifierait les zones d’habitation du secteur, un projet qu’elle évalue à environ 50 M $. Rappelons que la superficie de la carrière Francon équivaut à quelque 100 terrains de football, et que sa profondeur atteint jusqu’à 70 mètres. « C’est le même montant que la Ville a investi pour la réfection de la Plaza St-Hubert. Mais dans ce cas-ci, l’impact sur la communauté serait beaucoup plus grand », dit-elle. Ce premier aménagement structurant permettrait par la suite de développer le site en fonction des besoins du quartier, sur un plan à long terme. « Il n’y a presque plus de terrains dans Saint-Michel pour faire du développement, alors si on veut construire des logements sociaux, créer des pôles d’emplois, créer des parcs et des places publiques, des jardins communautaires, etc., c’est inévitablement par Francon qu’il faut passer. Alors maintenant, agissons, la population de Saint-Michel aussi a droit aux investissements publics », affirme la mairesse sortante.

Il est vrai que la ville centre se fait plutôt discrète sur le dossier de la carrière Francon ces dernières années, tant l’administration Plante que la précédente d’ailleurs. Plusieurs raisons expliquent probablement la réticence de la Ville à élaborer un plan d’action pour ce secteur névralgique, dont certainement les coûts faramineux de requalification de la carrière voisine, Miron (aujourd’hui devenue le parc Frédéric-Back, et accueillant certaines infrastructures comme La TOHU); et le fait que le site sert depuis plusieurs années à recevoir près de la moitié de toute la neige ramassée à Montréal, un endroit probablement très difficile à remplacer. « C’est évident que la ville centre n’est pas pressée de requalifier le site. Elle ne regarde même pas les possibilités au sujet de ce qu’elle pourrait faire avec cette neige, comme ce qui se fait en Scandinavie et ailleurs dans le monde. Il y a des façons innovantes maintenant d’utiliser la neige, mais ça demande des investissements. Il faut se rappeler que ça a tout pris déjà pour faire passer le message que l’on ne voulait pas de centre de tri à cet endroit, ni de clos de voirie. C’est pour des raisons comme celles-là que l’arrondissement serait finalement mieux servi par un parti local. On va s’arranger pour que ce projet-là se fasse par et pour la communauté de Saint-Michel, on va mettre toute la pression qu’il faut sur la ville centre pour que ça bouge dans le bon sens », avance Mme Fumagalli.

Poursuivre le travail amorcé

Si Giuliana Fumagalli traîne encore et malgré elle un debut de règne tumultueux à la tête de l’arrondissement de VSMPE, alors qu’elle s’était fait expulser de Projet Montréal à la suite d’allégations de harcèlement au sein de son équipe, la principale intéressée ne semble plus trop faire de cas avec cette histoire. « Au final je n’ai été accusée de rien, et j’ai fait les ajustements nécessaires afin qu’on ne parle plus de moi pour les mauvaises raisons. Depuis cet épisode, on parle plutôt un peu partout de ce qui se fait dans l’arrondissement, souvent de belles réalisations, et il n’y a plus d’histoires personnelles. On est passé à autre chose depuis longtemps », dit-elle. Celle-ci n’hésite toutefois pas à lancer une pointe à son ancienne chef, Valérie Plante, qui a défendu la candidature de Will Prosper à la mairie de Montréal-Nord malgré une histoire d’éthique professionnelle qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines. « C’est deux poids deux mesures, et difficile à expliquer. Mais ce qui me surprend le plus dans cette histoire, honnêtement, c’est le choix de M. Prosper de se présenter pour Projet Montréal, alors qu’il est selon moi très loin de la position du parti quant à sa vision du financement et du fonctionnement du service de police », soutient la mairesse sortante, qui avoue avoir approché le candidat avant la campagne pour qu’il se présente sous la bannière de Quartiers Montréal. « Mais c’était avant tout ce que l’on sait aujourd’hui », précise-t-elle.

Ainsi, au niveau de son bilan des quatre dernières années, Mme Fumagalli se dit particulièrement fière d’avoir réussi à assainir les finances de l’arrondissement, dit-elle. « On a beaucoup travaillé là-dessus au cours du mandat et nous terminons l’exercice avec un surplus de 5,1 M $, c’est assez substantiel. Mais il faut dire que nous n’avons pas lancé non plus de très grands projets au cours de cette période, donc cela nous a aidé. En fait, ce surplus provient surtout d’un réajustement de certaines façons de faire de l’administration. » Autre réalisation qu’elle mettra de l’avant au cours de l’entrevue : la création de la Société de développement commercial (SDC) du Petit Maghreb, qui s’est concrétisée il y a à peine quelques semaines grâce à un changement de réglementation de l’arrondissement, après des années de pourparlers avec les commerçants de la rue Jean-Talon et les principaux organismes et intervenants du quartier. « Enfin nous y sommes arrivés. La SDC va permettre de donner un nouveau souffle à cette artère commerciale qui en a bien besoin. Elle aura une nouvelle signature, elle se fera plus belle, plus verte, plus sécuritaire et accueillante. Et avec l’organisation d’événements, on espère que cette rue commerciale, qui nous permet de voyager partout dans le monde avec sa grande diversité de commerces, devienne un lieu de destination pour tous les Montréalais », se réjouit Mme Fumagalli.

Poursuivant la discussion autour du bilan qu’elle fait de son premier mandat, la mairesse sortante abordera plusieurs enjeux « dont le travail amorcé doit continuer », dira-t-elle. C’est le cas particulièrement au niveau des projets de mobilité en cours dans Saint-Michel. « Avec les travaux de réfection de l’autoroute 40 qui seront amorcés bientôt par le ministère des Transports, il faut absolument travailler avec le maître d’œuvre pour qu’il comprenne bien l’importance pour la population de sécuriser le passage des piétons et des cyclistes en dessous de la Métropolitaine, de un, et de rendre aussi les lieux plus agréables, c’est un minimum, et on devrait mobiliser tous les arrondissements touchés par cette fracture urbaine avant que le MTQ ferme les livres et débute les travaux. Il faudrait aussi en profiter pour penser plus loin, à comment on voit la 40 dans 25 ans, si on veut un jour élaborer un vrai projet de remplacement pour cette structure qui divise et enclave nos quartiers, c’est ce que je pense », clame Giuliana Fumagalli.

Sur le même thème de la mobilité, la mairesse sortante insistera sur l’importance de poursuivre le projet de grande piste cyclable qui doit traverser l’arrondissement d’ouest en est et dont la phase I sur Villeray est aujourd’hui complétée à la hauteur de la rue Boyer. « La phase II qui devait se rendre jusqu’à Saint-Michel cette année a malheureusement été bloquée par Projet Montréal et ça nous retarde au moins d’un an, malgré les 500 000 $ accordés par le MTQ pour la réalisation du tronçon, somme qui dort dans les coffres de la Ville en ce moment. Et ça retarde évidemment aussi la phase finale, qui doit se compléter jusqu’à la 25e avenue. C’est un projet d’une importance capitale dans Saint-Michel et il faut que la Ville accélère maintenant. » Quant au SRB Pie-IX, dont elle souligne l’avancée des travaux et la pertinence du projet pour le quartier, Mme Fumagalli affirme que ce développement amène aussi inévitablement de la surenchère immobilière aux abords du boulevard. « On voit déjà que certains propriétaires flairent la bonne affaire et tentent de convertir des plex locatifs en maisons unifamiliales ou en condos. Le problème, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de place pour construire du logement social et abordable dans ce secteur, alors il faut tout faire pour protéger le parc locatif. Il faut dans un premier temps que la Ville ajoute les terrains stratégiques dans sa liste de droit de péremption dans le quartier, et j’aimerais que ce secteur devienne la première zone locative protégée à Montréal. Un projet en lien avec la motion pour l’adoption d’un registre des loyers, déposée par mon équipe au Conseil de ville cette année », explique-t-elle.

Quant au volet sécurité, qui touche particulièrement et historiquement le secteur de Saint-Michel dans cet arrondissement, Giuliana Fumagalli est d’avis que l’amélioration de la situation ne passe pas par plus d’effectifs policiers. « Je suis beaucoup plus dans une vision de prévention que de répression. Je ne dis pas de couper les budgets du SPVM, mais je crois qu’il ne faut plus les augmenter. Si la Ville a des sommes disponibles à injecter, elle devrait le faire dans les groupes communautaires qui ont besoin de locaux adéquats dans Saint-Michel et de plus d’intervenants spécialisés. Il faut avoir des infrastructures et du personnel d’encadrement pour les jeunes et les jeunes adultes afin qu’ils aient des options autres que de traîner dans la rue, des options intéressantes qui les allument aussi. »

En terminant, l’aspirante mairesse pour un deuxième mandat se dit « extrêmement fière » de compter sur une équipe composée exclusivement de candidates pour lancer son parti Quartiers Montréal. « À ma connaissance, nous sommes le seul parti au Québec à présenter que des femmes dans le cadre de ces élections municipales, et je trouve cela super. Et ce sont aussi des candidates qui vivent et connaissent toutes très bien l’arrondissement, sa population et ses enjeux. Même si j’avoue que je n’ai aucune idée des résultats qui sortiront dimanche, je suis fière de notre campagne sur le terrain, de notre visibilité qui n’a rien à envier aux deux autres principaux partis, et je crois que nous avons relevé le défi de créer un nouveau parti 100 % local qui a sa place », conclut Giuliana Fumagalli.