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RPP : LES MICROBRASSEURS VEULENT POUVOIR OUVRIR LEURS PORTES DANS LES ZONES COMMERCIALES             

Les microbrasseurs de Rosemont–La Petite-Patrie (RPP) aimeraient pouvoir sortir des zones industrielles de l’arrondissement et s’installer dans les secteurs commerciaux, et ce, sans avoir à obtenir un permis spécial.

Depuis les deux dernières années, l’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ) fait des représentations auprès des administrations de RPP et de Ville-Marie afin de modifier leur règlement d’urbanisme. Selon le Registre des lobbyistes du Québec, des démarches sont amorcées concernant la « perspective d’assouplir le règlement d’urbanisme de la Ville de Montréal en vigueur dans les arrondissements, afin que les détenteurs de permis de brasseur puissent implanter leur microbrasserie dans des zones identifiées commerciales et non exclusivement industrielles ».

En effet, il existe deux sortes de permis de microbrasseurs au Québec : celui de brasseur, parfois dit « industriel », et celui d’artisan brasseur. Selon la réglementation actuelle de RPP, seuls les microbrasseurs détenteurs d’un permis « artisanal » peuvent s’installer dans les zones commerciales, ce qui est un frein à l’ouverture de nouveaux microbrasseurs sur le territoire de cet arrondissement, selon l’AMBQ.

« Nos représentations auprès de RPP et de Ville-Marie proviennent de la volonté de microbrasseurs de ces arrondissements qui ont manifesté leur intérêt pour que soit modifiée leur réglementation », explique Marie-Eve Myrand, directrice générale (DG) de l’AMBQ. « L’AMBQ définit une microbrasserie comme un établissement où l’on brasse de la bière à petite échelle, produisant annuellement moins de 500 000 hectolitres et qui est indépendant de gros producteurs. À titre comparatif, les grands brasseurs industriels comme Molson-Coors et Labatt produisent des millions d’hectolitres par année. »

D’après les statistiques fournies par l’association (voir en fin de texte), les microbrasseurs de la région de Montréal privilégient le permis d’artisan brasseur, contrairement au reste du Québec. Effectivement, on retrouve dans la métropole 28 artisans brasseurs, tandis que 24 sont détenteurs d’un permis brasseur. Si Montréal possède ainsi 16,5 % de tous les microbrasseurs au Québec, la métropole représente 29,5 % du total des détenteurs de permis artisan brasseur dans la province. « Moins de 20 % des microbrasseries sont situées à Montréal. Il s’agit d’un débalancement important entre la population relative et la proportion de microbrasseries dans cette région », note l’AMBQ dans un document de réflexion présenté à l’arrondissement de RPP en 2022.

Peu de différences entre les permis

Selon la DG de l’AMBQ, il n’existerait pas vraiment de grandes différences entre le permis de microbrasseur artisanal et de microbrasseur industriel. « Je dis « industriel » avec de gros guillemets ici, parce que la différence n’est pas vraiment sur la taille, mais plutôt sur les canaux de distribution », affirme cette dernière.

Ainsi, auparavant, on n’autorisait pas un détenteur de permis artisan de vendre ses produits en dépanneur, en épicerie ou pour emporter. Mais ces règles ont été assouplies par le gouvernement du Québec, d’abord en 2016 dans une loi permettant aux artisans brasseurs de vendre leurs bières pour emporter, par exemple lorsque celles-ci sont accompagnées d’un repas. Puis, à la suite de la pandémie, afin de donner un coup de pouce aux microbrasseurs en péril, Québec a octroyé la permission aux artisans brasseurs de distribuer leurs bières en dépanneur et en épicerie.

Marie-Eve Myrand, DG de l’AMBQ (Courtoisie AMBQ)

De plus, dans les faits, même en ce qui a trait au volume de production, la différence entre les deux permis de microbrasseurs est marginale. Selon une étude économique et fiscale portant sur l’industrie microbrassicole du Québec, rédigée par la firme DDM en 2018, le volume de production pour les permis d’artisan brasseur se situe en deçà de 3 000 hectolitres pour 100 % des permis, tandis que pour les permis de brasseur (restreints aux zones industrielles) c’est 81 % qui se situent sous la barre des 3 000 hectolitres. Le niveau de production est donc similaire, note Mme Myrand.

Les différences entre les permis de microbrasseur artisan et industriel étant de plus en plus ténues, l’AMBQ demande qu’on assouplisse les règlements de zonage dans les arrondissements. L’association propose de s’appuyer sur la superficie occupée par la microbrasserie. En établissant une superficie maximale pour autoriser un droit d’occupation en zone commerciale, la municipalité permet le développement d’entreprises brassicoles sur son territoire sans menacer la cohabitation. « Ceci permettrait aux microbrasseries de détenir un permis de brasseur dans une zone commerciale, sans pour autant ouvrir la porte à un débordement des activités », résume-t-on dans le document de réflexion.

Contacté par EST MÉDIA Montréal, le cabinet du maire de RPP a indiqué avoir rencontré un brasseur artisanal local en début d’année. « Nous avons eu une très bonne discussion autour de plusieurs enjeux, notamment celui concernant les permis d’occupation sur le territoire. Comme c’est un dossier sur lequel nous avons été interpelés assez récemment, il est encore trop tôt pour dire si un changement réglementaire aura lieu », soutient par courriel Youssef Amane, directeur du cabinet.

La directrice de l’AMBQ croit qu’une telle modification serait facile à adopter, puisque cela s’est déjà produit à Montréal. Au début de 2021, l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a assoupli sa réglementation en ce sens, permettant aux détenteurs d’un permis artisanal d’occuper une plus grande superficie qu’avec un permis de bar ou de restaurant, afin d’attirer de nouveaux joueurs dans le quartier.

Répartition des entreprises brassicoles par région administrative du Québec en 2013 (Source : AMBQ)

 

Nombre de microbrasseurs au Québec en 2023 (Source : AMBQ)