REM DE L’EST : DÉJÀ À LA CROISÉE DES CHEMINS?
Ça discute fort comme jamais depuis ce matin à propos du REM de l’est, alors que La Presse dévoilait en primeur un rapport accablant de l’ARTM qui fustige sans équivoque le grand projet de transport structurant du gouvernement Legault et de la ministre Chantal Rouleau. La seule bonne nouvelle si on résume le rapport l’ARTM, ce serait l’enveloppe de 10 milliards de dollars accordée par Québec à un projet de transport collectif dans l’est. Un dur coup pour le gouvernement, CDPQ Infra et les défenseurs du projet qui se font rares publiquement depuis l’annonce du REM de l’est, il faut le dire. C’est d’ailleurs sur ce point que l’animateur du 98,5 FM, Bernard Drainville, a insisté en ce début d’après-midi aujourd’hui alors qu’il recevait en entrevue la ministre Rouleau. Malgré que cette dernière ait défendu la pertinence du projet sous plusieurs aspects, notamment son rôle important pour la revitalisation et le développement du territoire, tout en clamant que le projet allait assurément se faire, l’animateur a martelé qu’il est maintenant grand temps que ceux qui appuient le projet se lèvent et s’expriment sinon « l’opinion publique risque de pencher rapidement de façon irréversible du côté des opposants. » Il a aussi invité la ministre à prendre plus de leadership dans ce dossier et même à dénoncer les positions plutôt floues de la mairesse Valérie Plante « qui ne semble pas défendre très fort le projet depuis le début. »
Selon Chantal Rouleau, on devrait à partir de maintenant entendre plus d’organisations publiques se porter à la défense du projet. C’est le cas avec la Chambre de commerce de l’Est de Montréal qui a réagi ce matin par voie de communiqué. « La Chambre tient fortement à rappeler que le projet du REM doit être analysé comme un projet de revitalisation d’un territoire allant bien au-delà du transport de personnes, il doit être considéré comme la pierre d’assise qui permettra à l’est de réaliser son plein potentiel », a soutenu Jean-Denis Charest, président – directeur général de la CCEM. Par ailleurs, selon l’organisme, le REM de l’est aura un effet structurant majeur notamment pour accélérer la décontamination des sols du territoire; rendre accessible 236 000 emplois en moins de 45 minutes, créer de nouvelles zones d’emplois à valeur ajoutée; attirer de l’investissement pour augmenter et diversifier l’offre de logement; augmenter la densité du territoire autour des différentes stations; faciliter l’accès aux établissements d’enseignement et aux hôpitaux; attirer des antennes d’établissements universitaires sur le territoire et, finalement, diminuer considérablement le nombre de véhicules en circulation, indique leur communiqué.
La Chambre refuse ainsi « que les guerres intestines de structures, de pouvoir et de financement ayant actuellement lieu au sein de la gouvernance du transport dans la région métropolitaine se fassent au frais de l’est de Montréal. » Jean-Denis Charest ajoute : « Aujourd’hui, nos leaders, le premier ministre Legault et la mairesse Valérie Plante, font preuve de leadership en mettant l’est de Montréal au centre de leurs priorités. L’est de Montréal voit s’ouvrir devant elle une importante opportunité de bâtir un territoire qui permettra de réaliser son plein potentiel au bénéfice des gens et organisations du territoire. Nous avons la responsabilité de saisir l’opportunité devant nous et de collaborer ensemble à faire évoluer le projet de REM de l’est pour qu’il devienne le meilleur projet possible. »
Mais il n’y a pas que la CCEM qui a réagi promptement dans les médias ce matin, mais aussi plusieurs opposants au projet, notamment le député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, qui n’est pas tendre envers la ministre et députée de Pointe-aux-Trembles. « L’avis de l’ARTM est un immense pavé dans la mare qui vient confirmer ce que plusieurs experts disent depuis le début: le REM de l’est n’est pas un projet de transport collectif efficace, c’est un projet de développement immobilier qui sert les intérêts de la Caisse de dépôt plutôt que ceux des citoyens. Depuis que le projet du REM de l’est est dans l’air, la ministre Rouleau contourne l’ARTM pour dérouler le tapis rouge à la Caisse de dépôt alors que c’est précisément le mandat de l’ARTM de s’assurer que nos projets de transport collectif soient les plus efficaces possible. En s’attaquant à ce chien de garde, la ministre Rouleau joue le peu de crédibilité qu’il lui reste. Ce n’est pas à l’ARTM de retourner faire ses devoirs, c’est à Mme Rouleau de revenir avec un projet qui répond réellement aux besoins des gens de l’est de Montréal », nous a envoyé par courriel le député.
Soulignons également que le Collectif en environnement Mercier-Est s’est dit être « très près des conclusions avancées dans le rapport de l’ARTM, qui reprennent passablement ce que nous dénonçons depuis le début. »
Par ailleurs, la mairesse de Montréal refuse toujours de donner son aval au projet du REM de façon officielle et définitive, alors qu’elle a déclaré notamment ce matin à La Presse que le projet doit être « évalué en bonne et due forme » avant de tirer des conclusions, faisant référence au rapport de l’ARTM. Aussi, soulignons que le conseil d’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve a adopté hier soir une résolution à l’unanimité concernant le REM de l’est demandant à la Caisse de dépôt d’évaluer les options souterraines tant sous Sherbrooke que sous l’axe ferroviaire Souligny, ainsi qu’en tranchées dans l’axe ferroviaire. Les élus de l’arrondissement demandent aussi qu’elle rende publiques toutes les études de faisabilité réalisées, ainsi que les scénarios analysés.
Un rapport qui frappe fort
Selon la ministre Chantal Rouleau, le rapport déposé par l’ARTM tel que dévoilé ce matin n’aurait pas été sollicité par le gouvernement et ce dernier n’aurait pas à y répondre non plus. Selon les propos rapportés par La Presse, elle aurait déclaré : « Le rapport m’étonne, et on pense que l’ARTM doit refaire ses devoirs. » Elle avance être en désaccord avec les conclusions de l’ARTM sous plusieurs aspects.
Rappelons que l’ARTM est l’organisme qui planifie le transport collectif dans la grande région de Montréal depuis 2017. Dans son rapport préliminaire sur le REM de l’est, l’organisme avance entre autres que seulement 12 % des déplacements en provenance des secteurs desservis par le projet du REM de l’est se destinent au centre-ville; qu’en période de pointe le REM de l’est transporterait 36 850 passagers alors que 94 % de cet achalandage proviendrait, en période de pointe du matin, d’un transfert des services existants de transport collectif (métro, bus, train); et que le projet n’attirerait que 2 100 automobilistes vers le transport collectif, soit 6 % de l’achalandage du REM de l’est. Tout cela sans compter l’immense défi d’insertion urbaine que demandera le projet aérien.
Soulignons, toujours selon le texte publié par La Presse ce matin, que La Caisse de dépôt et placement du Québec abandonnerait son projet à moins que l’ARTM change de position, et que l’appui de la Ville de Montréal serait également essentiel à la mise en place du REM de l’est.
Il est donc de plus en plus urgent que le comité d’experts sur l’intégration architecturale et urbaine du REM de l’est dépose son rapport afin d’en savoir davantage sur le projet qui sera finalement présenté par CDPQ Infra, incluant dit-on des présentations visuelles. Question d’avoir une idée plus claire de la réelle proposition qui sera finalement sur la table.