boisé steinberg

Le boisé Steinberg, qui se trouve dans le secteur Assomption Sud-Longue-Pointe (Emmanuel Delacour/EMM)

PROLONGEMENT DU BOULEVARD DE L’ASSOMPTION : MONTRÉAL PROPOSE DEUX SCÉNARIOS

La Ville de Montréal confirme qu’elle envisage de prolonger le boulevard de l’Assomption en passant par le boisé Steinberg. L’administration municipale se garde toutefois de couler dans le béton ses plans et prévoit une série de consultations citoyennes avant d’arrêter sa décision finale.

Mardi, deux scénarios ont été présentés par Montréal, aux médias en après-midi puis aux citoyens en soirée.

Le premier scénario inclut deux rues destinées à la circulation locale sur une partie du terrain du boisé Steinberg. Ce chantier nécessiterait un retranchement d’environ 15 % du boisé, selon les estimations des experts de la Ville. Il raccorderait le boulevard de l’Assomption à la rue Notre-Dame Est, en longeant à l’est le terrain de Ray-Mont Logistiques. Le nouveau viaduc du Port de Montréal serait préservé, mais serait raccordé à cette voie nord-sud, plutôt qu’à la rue Dickson, comme c’est d’ailleurs le cas présentement. Une autre voie partant du boulevard de l’Assomption vers le sud bifurquerait vers l’est, directement à l’arrière du complexe du 5600, rue Hochelaga, pour aller se connecter à l’avenue Souligny. Le gestionnaire du complexe immobilier a confirmé à EST MÉDIA Montréal que le ministère des Transports maintient pour une seconde fois un droit de réserve sur les terrains arrière, ce qui confirme le scénario d’expropriation sur cette aire.

Dans cette version du projet de prolongement de l’Assomption, on estime aussi devoir déplacer une cinquantaine d’arbres qui pourraient être replantés sur le site ou à proximité. La Ville plaide pour cette option, qui viserait à atténuer la circulation de transit générée dans les quartiers environnants par la densification résidentielle attendue dans le secteur Assomption-Nord. L’objectif est ainsi de désenclaver les quartiers résidentiels avoisinants.

Sophie Mauzerolle, responsable des transports et de la moblité au comité exécutif de la Ville de Montréal (Emmanuel Delacour/EMM)

Le second scénario de la Ville ne comprend pas la création de ce lien local et préserverait donc le boisé Steinberg. L’axe nord-sud serait créé sur la portion du terrain de Ray-Mont Logistiques et irait vers l’est, sur l’avenue Souligny. La Ville croit que cette option déplacerait une partie de la pression routière anticipée sur les quartiers résidentiels avoisinants.

Dans tous les cas, l’objectif du projet de l’Assomption est de « raccorder les infrastructures du Port au réseau supérieur et d’y circonscrire le camionnage », a expliqué Sophie Mauzerolle, responsable des transports et de la mobilité au comité exécutif de la Ville de Montréal. Dans une mêlée de presse mardi, celle-ci a affirmé qu’entre les enjeux de préservation des espaces verts et de sécurisation des déplacements dans le secteur de l’Assomption Sud – Longue-Pointe (ASPL), l’administration de Valérie Plante ne privilégiait pas d’option pour l’instant et qu’elle souhaitait laisser la chance aux citoyens de se prononcer à ce propos.

Divers projets pour l’Assomption Sud – Longue-Pointe

D’ailleurs, en plus de présenter ces deux scénarios pour le prolongement du boulevard de l’Assomption, Montréal a mis à jour ses plans pour le secteur de l’ASPL. La Ville est ainsi venue confirmer qu’elle est en négociation avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) pour la reprise des terrains situés à l’ouest de la plateforme de transbordement de Ray-Mont Logistiques, qui longent le quartier Viauville. L’administration montréalaise souhaite ainsi aménager une « coulée verte », qui partirait du boisé Steinberg pour rejoindre le boisé Vimont.

Montréal examine aussi la possibilité de créer des voies réservées pour les autobus, des aménagements verts et l’installation de pistes cyclables le long de la rue Hochelaga. Ce corridor de mobilité durable a pour objectif avoué de décourager l’utilisation de cette voie auprès des camionneurs et des automobilistes, afin de mettre de l’avant les transports en commun et actifs.

De plus, la Ville souhaite complètement fermer la rue Dickson à terme, et ce, peu importe l’option choisie pour le boulevard l’Assomption. Encore une fois, on envisage un corridor verdi, avec des aménagements piétonniers et cyclistes sur cet axe nord-sud.

La Ville vise à lancer certains de ces chantiers d’ici 2025 ou 2026, sur un échéancier de 5 à 6 ans.

Les citoyens se font entendre

En soirée mardi, la Ville a donc présenté ses plans aux citoyens, lors d’une rencontre d’information au Collège de Maisonneuve où étaient rassemblées une centaine de personnes. La séance a aussi été observée en ligne par 400 personnes, selon la Ville.

Avant les activités de consultation publique, Mme Mauzerolle a résumé les projets de la Ville et s’en est suivie une présentation détaillée, donnée par les services d’urbanisme de Montréal. Le groupe militant Mobilisation 6600 a aussi été invité par l’administration pour présenter sa vision du développement du secteur. Les citoyens ont pu faire part de leurs préoccupations au sujet des projets mis de l’avant lors d’une plénière qui a clos la séance. Des enjeux de sécurité, d’environnement et de santé ont été soulevés.

Cassandre Charbonneau Jobin, porte-parole de Mobilisation 6600, a exposé la vision du groupe citoyen lors de la séance d’information (Emmanuel Delacour/EMM)

Dans son exposé, Cassandre Charbonneau Jobin, porte-parole de Mobilisation 6600, a réitéré que ses membres souhaitaient la préservation du boisé Steinberg dans son entièreté. Toutefois, celle-ci a rappelé que les problématiques du secteur de l’ASPL vont au-delà de la protection des espaces verts. « Notre seul intérêt, c’est de protéger la santé des gens et leur qualité de vie, puis d’avoir un environnement sain à la lumière des développements qui s’en viennent et des défis qui nous attendent », a souligné Mme Charbonneau Jobin.

De l’avis de cette dernière, les propositions de la Ville, quoiqu’elles soient louables en matière de préservation des espaces verts et de mobilité durable, ne seront pas suffisantes pour apaiser les nuisances liées au développement des activités de transport routier et maritime ainsi qu’aux activités portuaires dans le secteur.

En premier lieu, la porte-parole a indiqué que les négociations entre la Ville et le CN ont pour l’instant abouti à la préservation de la moitié de la friche ferroviaire située entre le terrain de Ray-Mont Logistiques et le quartier Viauville. En effet, selon des documents confidentiels de la Ville de Montréal en date de juillet 2022 qu’EST MÉDIA Montréal a pu consulter, le CN entendrait réactiver sa gare de triage située dans la portion sud de cette friche. « C’est 50 % de la friche qui devra être détruite », s’est désolée Mme Charbonneau Jobin. Interrogée plus tôt mardi par les journalistes à ce propos, la Ville indiquait que les négociations avec le CN étaient toujours en cours et que l’objectif demeurait l’acquisition de l’ensemble de la friche ferroviaire.

D’autres documents aussi obtenus par le groupe citoyen grâce à la Loi sur l’accès à l’information que nous avons aussi pu consulter dévoilent qu’en 2022, la Ville projetait un échangeur de trois niveaux, d’une hauteur d’environ sept mètres, dans son premier scénario du prolongement du boulevard de l’Assomption. « C’est un échangeur sur trois niveaux; c’est ça que ça prend pour passer au-dessus des rails [du CN] », a souligné la porte-parole.

Plutôt que de prolonger de quelque façon que ce soit le boulevard de l’Assomption, cette dernière prône un statu quo qui conserverait la voie créée pour relier le viaduc portuaire surplombant Notre-Dame Est à l’avenue Souligny.

Enfin, Mme Charbonneau Jobin a rappelé que dans la mouture actuelle du projet de plateforme de transbordement de conteneurs de Ray-Mont Logistiques, les activités de transport se dérouleront à terme 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. En outre, on projette le transbordement de 100 wagons chaque jour, ce qui impliquera 1 000 déplacements de camions quotidiennement. Entre 10 000 à 15 000 conteneurs seraient ainsi entreposés sur le site.

Ces données ont été révélées par Charles Raymond, propriétaire de Ray-Mont Logistiques, lors d’une rencontre extraordinaire avec un comité sur le secteur de l’ASPL et la table de concertation Mercier-Ouest Quartier en Santé en avril 2021.

Le secteur de l’Assomption Sud-Longue-Pointe (Courtoisie Ville de Montréal)