Le tracé retenu par le comité d’analyse du PSE (image courtoisie).

PROJET STRUCTURANT DE L’EST : NON, CE N’EST PAS UNE BONNE NOUVELLE

Comme plusieurs, je m’attendais à une deuxième mouture bien ficelée du grand projet de transport structurant pour l’est de Montréal. Ainsi, les recommandations du groupe d’étude, composé de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), de la Société de transport de Montréal (STM), de la Ville de Montréal et du ministère des Transports du Québec, qui ont été rendues publiques le 5 juillet dernier, laissent plutôt poindre à l’horizon une espèce d’éléphant blanc. Du moins jusqu’à ce que Québec nous revienne, on dit probablement cet automne, avec le tracé finalement retenu. Qui sera sans doute aussi une « proposition ».

Malheureusement, avec des coûts astronomiques évalués à quelque 40 milliards de dollars pour un projet élaboré tel que présenté par le comité, même un réseau de base ressemblant à la proposition initiale du REM de l’est semble aujourd’hui difficile à justifier sur une base comptable. On se demande aujourd’hui comment le gouvernement Legault réussira à présenter un projet de 20, ou 25 milliards dans l’est de Montréal, alors qu’on disait depuis deux ans qu’un projet de 10 milliards en transport collectif était du jamais vu encore au Québec. Un beau dossier à suivre…

On voit aisément que le projet bat de l’aile lorsque les seules (et plutôt rares) sorties publiques positives ressemblent à « oui c’est cher, mais l’est mérite, et a droit, à des investissements publics massifs » ou encore « faut voir plus loin que l’aspect financier », alors que le gouvernement lui-même, le lendemain de la sortie du rapport, trouve le budget complètement irréaliste. Dans ce cas on ne peut pas affirmer qu’on avance. On recule, c’est évident.

En espérant que c’est pour mieux sauter diront certains, mais dans l’est, l’histoire nous démontre que malheureusement, ce genre de grand projet est plus souvent qu’autrement un long chemin très sinueux. Doit-on rappeler les trois décennies de tergiversations du prolongement de la ligne bleue (5 stations dans des secteurs pourtant densément peuplés)? Ou encore le projet toujours irréalisé de réfection de la rue Notre-Dame, pour ne nommer que ceux-là parmi d’autres?

On peut se demander également si, finalement, ce rapport ne fait pas l’affaire du gouvernement, qui peut enfin souffler un peu avec ce dossier et surtout ne pas avoir l’air du mauvais promoteur, ou gestionnaire. Pour une fois dans ce dossier, c’est lui qui se donne l’image du dirigeant consciencieux qui refuse de payer une somme astronomique, qui doit ramener tout le monde sur Terre et inciter à ce qu’on refasse ses devoirs. C’est fou comme le vent peut changer de bord rapidement, parfois.

Non ce n’est pas une bonne nouvelle, Mme Bourgeois, mairesse de Rivière-des-Prairies−Pointe-aux-Trembles et responsable des dossiers de l’est au comité exécutif de la Ville. Si le rapport fait mention d’une possible station à Rivière-des-Prairies, dans une phase « de développement », autant dire que le quartier ne verra pas arriver une station avant bien longtemps. Bien longtemps… Non, ce n’est pas une bonne nouvelle Mme Plante, la porte est grande ouverte à ce qu’on étire ce dossier très longtemps en études, scénarios et propositions. On est encore loin d’une pelletée de terre. Si le projet de CDPQ Infra avait beaucoup de défauts, il avait au moins le mérite de débuter rapidement, le cas échéant. Ce n’est plus le cas.

Exclure d’entrée de jeu une connexion directe vers le centre-ville, qui devrait pourtant être la pierre angulaire de ce nouveau réseau, n’est pas une bonne nouvelle. Je suis de ceux qui croient toujours que pour désenclaver réellement l’est de Montréal et accélérer les temps de déplacement, il faut se relier avec une nouvelle branche directe vers le centre.

Oui, il y a tout de même une bonne nouvelle dans ces propositions. Elle est de taille, et très importante : fini l’idée de construire en aérien dans l’est. Ça c’est une victoire. À la fois du gros bon sens, et à la fois pour les citoyens qui se sont battus bec et ongle depuis le début du projet pour éviter cette potentielle fracture urbaine.

Et tant qu’à viser une structure 100 % souterraine, à coûts très élevés, ne serait-il pas logique d’envisager plutôt simplement un prolongement du métro de Montréal? C’est toujours l’idée qui me revient à l’esprit… comme à plusieurs lecteurs d’EST MÉDIA Montréal qui nous en ont fait part au fil des derniers mois, ici et là. On jase là…

La poule, l’œuf, et entre les deux

En fait, toute cette histoire du PSE, ou du REM de l’est, démontre avant tout, selon moi, le besoin criant qu’on dote la métropole d’une réglementation claire en planification urbanistique qui inclut automatiquement les infrastructures de transport collectif dans le développement territorial. Dès qu’un secteur atteint par exemple telle densité de résidents, travailleurs et visiteurs, dans un rayon défini, on devrait pouvoir justifier automatiquement un mode de transport qui lui est adapté (station de métro, SRB, ligne d’autobus, etc.). Si on projette un important développement, comme dans Angus, comme à Montréal-Est, comme dans Assomption-Sud, on devrait immédiatement justifier des dépenses publiques de transport. Même chose si des quartiers comme Rivière-des-Prairies et Montréal-Nord se densifient rapidement, ou certains secteurs de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, on devrait déjà avoir une planification de transport collectif qui répondra aux besoins. Et cela coûtera ce que ça coûtera, mais ce sera aisément justifié.

On répète souvent que le PSE est essentiel pour le développement territorial de l’est de Montréal, et que sans cette structure, les investissements privés hésitent à s’établir ici. Ça se comprend. Alors aujourd’hui, en 2023, c’est la responsabilité des gouvernements de renverser la vapeur en annonçant officiellement les grands projets et la requalification de terrains industriels, notamment. Qu’on annonce l’achat des terrains d’Esso, qu’on annonce la requalification de ces sols, qu’on annonce les zones d’innovation en santé et en chimie verte, qu’on annonce la création du Grand Parc de l’est, qu’on annonce la requalification de la carrière Francon dans Saint-Michel… et qu’on relie tout ça avec du transport collectif qui s’impose.

Ça, se serait une bonne nouvelle. Mais, encore une fois, on jase là…

Je vous souhaite sur une autre note un bel été enfin ensoleillé. On se « rejase » certainement de tout ça quelque part à l’automne!