Rue Hochelaga Tétreaultville

Rue Hochelaga, Tétreaultville (Photo courtoisie ACT / Annie St-Amand)

PRÊTS DU FÉDÉRAL : LES ENTREPRISES DE L’EST APPELLENT À L’AIDE

Les petites et moyennes entreprises (PME) de l’est demandent un sursis sur le remboursement des prêts contractés sous le programme de Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) du gouvernement fédéral, sans quoi plusieurs d’entre elles craignent de ne pas pouvoir survivre aux prochains mois.

Ainsi, des représentants de groupes de commerçants de l’est montréalais plaident pour que la date de remboursement du CUEC soit repoussée jusqu’en décembre 2024. En effet, celle-ci était précédemment fixée au 31 décembre 2022, pour être ensuite reportée au 31 décembre 2023. Récemment, le gouvernement fédéral a annoncé une pause additionnelle jusqu’au 18 janvier 2024, ce qui est insuffisant selon certains entrepreneurs.

Le programme prévoit des prêts de 40 000 $, avec une majoration de 20 000$, ou des prêts de 60 000 $. Les emprunteurs n’ont aucune obligation de remboursement du capital jusqu’au 18 janvier 2024 et tout solde restant au 19 janvier 2024 sera converti en un prêt à terme non amortissable dont le capital devra être remboursé dans sa totalité au plus tard le 31 décembre 2026, selon le site du gouvernement du Canada. De plus, les intérêts sont de 0 % par année jusqu’au 18 janvier 2024, puis de 5 % par année à compter du 19 janvier 2024.

Pas de retour à la normale depuis la pandémie

Encore beaucoup d’entreprises n’auraient pas repris leurs activités à la même ampleur qu’avant la pandémie et peinent à faire les économies nécessaires pour rembourser leurs dettes. « Je suis entrepreneur et je n’ai pas remboursé encore le 60 000$. Comme beaucoup de gens dans le domaine, je pense entre autres aux restaurateurs, on va trouver la situation difficile après les Fêtes. On connaît un ralentissement économique depuis le mois d’août. Ça va donc être difficile pour plusieurs de rembourser dans la situation économique qui s’en vient qui n’est pas favorable », plaide Denis Pelletier, président de la Chambre de Commerce de la Pointe-de-l’Ile (CCPDI).

Selon ce dernier, la majorité de ses comparses qui ont reçu un prêt de 60 000$ ne l’ont pas restitué non plus. Par ailleurs, le président de la CCPDI qualifie de « ridicule » le fait que le gouvernement fédéral ait reporté la date de limite de remboursement de 18 jours. « J’ai deux entreprises, et on n’a pas retrouvé le rythme d’affaires d’avant la pandémie. Si ce n’eut été du CUEC, il aurait fallu que j’embarque sur ma marge de crédit pour m’en sortir après la pandémie », insiste M. Pelletier.

Une « hécatombe annoncée »

La situation ne se limite pas aux commerçants de la pointe de l’île.

Daniel Tanguay, président fondateur de Détail formation. (Photo: LinkedIn)

« Je peux vous dire que depuis cet automne, on a déjà eu trois clients qui ont fermé leurs portes à la suite de la décision du gouvernement de ne pas reporter l’échéance de remboursement du CUEC d’une année complète. Ils n’avaient pas la capacité de rembourser les frais et ils n’ont même pas attendu de passer la période du temps des Fêtes pour fermer boutique », rapporte Daniel Tanguay, président fondateur de Détail formation.

Son organisation aide des entreprises de proximité en leur fournissant des services conseils. Elle intervient auprès d’environ 200 entreprises sur l’île de Montréal.

Ce dernier est persuadé que beaucoup d’autres entreprises emboîteront le pas et mettront la clef sous la porte advenant que le gouvernement fédéral maintienne sa décision de ne pas reporter la date limite du remboursement du CUEC d’une autre année. « Perdre la portion de subvention de 20 000$, c’est inadmissible, même si l’entrepreneur est assujetti à avoir un prolongement de prêt de la part de leur institution financière. Ça va être l’hécatombe pour plusieurs commerces », souligne M. Tanguay.

Annie Martel, vice-présidente de l’Association des commerçants de Tétraultville. (Photo: LinkedIn)

Annie Martel, propriétaire de la boutique Terre à soi et vice-présidente de l’Association des commerçants de Tétreaultville, est du même avis.

« Les gens ont souvent honte de leur situation. Quand ça ne va pas bien, on ne le crie pas sur tous les toits. Ce qu’on sent dans les commerces, c’est que beaucoup de gens attendent de voir comment va se passer le temps des Fêtes, pour voir si après Noël ils ont un avenir. Beaucoup de décisions devront se prendre à ce moment-là », anticipe-t-elle.

Un énoncé économique « décevant »

La Fédération canadienne d’entreprises indépendantes estime qu’il pourrait y avoir jusqu’à 250 000 PME au Canada à risque de fermer si elles perdaient la partie remboursable du prêt. Ce nombre s’élève à une centaine d’entreprises dans la circonscription de La Pointe-de-l’Île, note le député bloquiste Mario Beaulieu.

Mario Beaulieu, député bloquiste de La Pointe-de-l’Île. (Photo: Archives EMM)

Concernant l’Énoncé économique de l’automne de 2023 émis par le gouvernement Trudeau plus tôt cette semaine, l’élu se dit déçu « parce que d’une part il n’y a pas d’annonce concernant le remboursement du prêt d’urgence et parce qu’il n’y a vraiment pas grand-chose de nouveau. D’ailleurs, la plupart des mesures vont être appliquées à partir de 2025. »

Dans un communiqué émis aujourd’hui, le Bloc québécois plaide pour l’ajout de mesures économiques aidant les entreprises, mais aussi les locataires, les aînés et les personnes en situation d’itinérance.