Photo: Raïs Zaidi/Facebook

AIDE ALIMENTAIRE : LES PIRATES VERTS RISQUENT DE CHAVIRER

Un organisme distribuant des denrées alimentaires dans le quartier Hochelaga depuis dix ans pourrait être forcé de plier boutique à défaut de se trouver un toit. En effet, les Pirates verts tentent d’éviter le naufrage depuis que l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve leur a annoncé qu’il ne renouvèlera pas leur permis d’occupation accordé durant la pandémie.

Les tentes de Raïs Zaidi, dit le Pirate vert, et de ses comparses risquent de ne plus être déployées sur la rue Dézéry, parce que l’administration leur a fait connaître leur intention de résilier leur permis le 31 octobre prochain. « Je ne comprends pas vraiment pourquoi l’arrondissement ne souhaite pas que l’on continue. On m’a cité des questions de sécurité et qu’on ne pouvait pas rester là durant l’hiver, mais cela fait dix ans qu’on est là. À part quelques petites plaintes, on n’a jamais dérangé qui que ce soit », se désole M. Zaidi.

D’ailleurs, MHM avait prêté main-forte à ses efforts de distribution durant la pandémie, en faisant installer des blocs de ciment sur la rue Dézéry, adjacents à l’endroit où se trouvent habituellement les deux tentes des Pirates verts, afin de protéger les bénévoles et les usagers de la circulation automobile.

M. Zaidi confirme que MHM lui a fait parvenir les coordonnées de deux organismes du quartier qui potentiellement pourraient relocaliser ses activités de distribution. Cependant, ce dernier affirme que le premier organisme contacté n’était pas en mesure de l’accommoder et il demeure pessimiste quant à la suite des choses. « Il existe certainement un organisme dans le quartier qui serait capable de nous héberger. On a besoin d’un espace pour des activités de distributions une ou deux fois par semaine. L’idéal, ce serait un espace entre 500 et 800 pieds carrés, souligne le Pirate vert. Ce que je trouve difficile à expliquer, c’est que l’arrondissement ne nous ait pas aidé un peu plus pour repérer un partenaire. Ils connaissent tout le monde dans le coin; ils pourraient faire un appel à tous. » Ce dernier envisage l’arrêt de la distribution récurrente de denrées s’il ne parvient pas à localiser un toit. « C’est une possibilité », se désole-t-il.

Il s’agit d’une situation très « stressante » et d’autant plus fâcheuse pour M. Zaidi, car dans le passé les élus locaux on fait preuve de soutient à son initiative. « Au moment des deux dernières élections municipales, M. Pierre Lessard-Blais était bien content de venir sur place pour nous dire bonjour, mais depuis on ne l’a plus revu. On a aussi eu un don de 1000 $ de la part du député, Alexandre Leduc », raconte-t-il. De plus, en 2021, le flibustier du comestible s’est vu remettre une Médaille de l’Assemblée nationale de la part de M. Leduc pour son « opiniâtreté dans la distribution locale de denrées et pour [son] implication dans la sécurité alimentaire du quartier ».

MHM cherche des solutions

Du côté de MHM, on indique qu’il était nécessaire de mettre fin au permis d’occupation du domaine public des Pirates verts à partir du 31 octobre, afin d’assurer le bon déroulement des opérations de déneigement.

« Durant la pandémie, l’arrondissement a pu offrir certaines dérogations, lesquelles ont permis la tenue d’activités extérieures en zone résidentielle. Les besoins en matière de sécurité alimentaire dans le quartier étaient tels que l’arrondissement pouvait légitimement justifier ces dérogations », indique l’arrondissement par courriel. Or, des plaintes citoyennes auraient compromis le maintien des activités de l’organisme dans le voisinage, et ce dans un contexte où les mesures d’urgence ne pouvaient plus être poursuivies, indique-t-on.

On souligne que le cabinet du maire a accompagné les Pirates verts de façon à favoriser leur transition vers un statut d’organisation à but non lucratif, en accord avec la volonté du groupe, ce qui allait faciliter ses démarches.

« Grâce à ce statut d’OBNL, l’arrondissement a également pu assortir des offres relatives à la présence des Pirates verts sur des sites organisés comme des « marchés publics ». Trois emplacements ont été proposés par l’arrondissement, où un kiosque et des tables auraient pu être prêtés, afin de combler l’intervalle de temps précédant l’emménagement dans un local que l’organisme aurait trouvé. L’arrondissement a bien compris les raisons pour lesquelles ces offres ne pouvaient pas convenir aux besoins des Pirates verts et nous soutenons leurs objectifs en toute solidarité », fait-on savoir à MHM.

Cependant, M. Zaidi conteste ces affirmations et indique qu’on lui a seulement proposé de s’installer au parc Sarah-Maxwell, à quelques mètres de la rue Dézéry. « On nous a demandé de ramasser toutes nos installations chaque soir, mais c’était impossible considérant qu’on n’a pas de local pour entreposer tout notre matériel et les denrées qui n’ont pas été distribuées. On met tout ça où ? », insiste-t-il.

« L’arrondissement continue d’offrir son soutien et accompagnera l’organisme dans leurs démarches si un certificat d’occupation ou d’autres permis s’avèrent nécessaires lorsque l’organisme aura identifié le local souhaité », ajoute pour sa part MHM.

Un réseau important

Raïs Zaidi s’intéresse à la redistribution des produits invendus depuis 2011, au moment où le mouvement Occupons Montréal rassemble des milliers d’indignés au centre-ville. Celui-ci participe alors à la cuisine collective in situ. « Tout ça a commencé en m’intéressant au « dumpster diving » (NDLR : De la collecte de denrées invendues dans les poubelles). Puis en 2016, on ramassait les surplus des banques alimentaires dans Verdun pour les redistribuer », se remémore-t-il.

Aujourd’hui, les Pirates verts sont en contact avec quatre banques alimentaires, des organismes événementiels, le Stade Saputo et les boulangeries Première Moisson et Arhoma. « On était là lors de l’événement de dévoilement de l’anneau à la Place Ville-Marie et on a sauvé 300 repas salades. Après les matchs de soccer au stade, on va souvent ramasser les sandwichs qui n’ont pas été vendus », explique M. Zaidi.

Le Pirate largue ses amarres et déplie ses tentes presque tous les mardis, le midi et le soir et de façon occasionnelle d’autres jours de la semaine, lorsque des organismes ou entreprises le contactent pour éviter que de la nourriture ne finisse aux poubelles. « Les mardis on a environ 300 personnes qui peuvent venir nous rencontrer en moyenne. Il y a des gens qui viennent aussi loin que Laval et Brossard pour récupérer des fruits et légumes », souligne le Pirate. Effectivement, contrairement à d’autres organismes, les Pirates verts ne demandent pas le lieu de résidence de sa clientèle. « On n’a pas de critères, c’est ouvert à tous.»