UNE OEUVRE EN HOMMAGE À GUIDO MOLINARI AU PORT DE MONTRÉAL
Le Port de Montréal a dévoilé la semaine dernière, sur l’un de ses ponts d’étagement situé dans le secteur Viau, une œuvre qui rend hommage à l’artiste montréalais Guido Molinari, une initiative qui permet d’intégrer l’art dans un paysage urbain.
Après deux ans de travaux, le Port de Montréal a mis en service un nouveau pont d’étagement en août dernier. Cette nouvelle structure porte le nom « Vickers » en l’honneur de la Canadian Vickers, une compagnie de construction d’avions et de navires qui a tenu un rôle majeur au début du XXᵉ siècle. Rappelons que ce pont d’étagement vise à retirer quotidiennement 1500 camions du réseau routier local afin d’augmenter la fluidité du transport des marchandises et des opérations portuaires ainsi que de limiter les nuisances sonores pour les résidents de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM).
La touche finale a été apportée au pont Vickers le 13 décembre, il s’agit d’une composante graphique inspirée de l’oeuvre de Guido Molinari. Cette initiative vise à rendre hommage à l’artiste dont l’atelier était situé dans le quartier MHM où se trouve le pont, à l’angle des rues Darling et Sainte-Catherine. Abstrait, le travail de Guido Molinari est caractérisé par des formes géométriques, souvent des bandes verticales de couleurs diverses.
Un design aux origines de son travail
Appartenant au mouvement des Plasticiens, Molinari était un artiste montréalais dont l’œuvre a rayonné, et rayonne encore, dans tout le Canada. Lancé en 1955, le mouvement s’inscrivait dans une volonté de proposer et d’explorer les possibilités d’une conception inédite de l’espace pictural. Molinari a marqué toute une génération artistique : « Il est devenu une figure incontournable de la peinture canadienne », insiste Francine Savard, designer graphique autonome, qui travaille pour la Fondation Guido Molinari depuis bientôt 10 ans et qui a supervisé le projet de la nouvelle composante graphique du pont Vickers. Elle s’intéresse à l’œuvre de Molinari depuis toujours. Elle a d’ailleurs réalisé une monographie sur son oeuvre pour la fondation éponyme en 2018 : « Ce travail m’a rendue encore plus sensible aux aspects de son oeuvre, » confie-t-elle.
Confectionné à partir d’aluminium, le nouveau design du pont s’inspire de la pièce Angle noir de l’artiste, datant de 1956. Ce travail en noir et blanc renvoie aux oeuvres datant du début de sa carrière. C’est par le noir et le blanc qu’il s’est fait connaître : « Il n’y avait pas de geste, de texture ou de mouvement dans sa peinture à cette époque. Il introduisait une peinture où il s’attardait aux tensions et à l’équilibre entre les formes », explique la designer graphique. Cette vision parlait davantage à Francine Savard, à l’inverse de la représentation colorée ultérieure de son oeuvre : « J’ai pensé que c’était le moyen le plus sobre et fort à la fois pour prendre cette place sur un support immense. Même si la couleur est un signe caractéristique de ses oeuvres, il été préférable de s’en éloigner car il aurait été difficile de respecter ses mesures très précises », ajoute-t-elle.
Outre l’aspect du noir et blanc, Francine Savard a été attirée par Angle noir à la suite de sa lecture d’un texte de l’historien de l’art François-Marc Gagnon : « Il explique qu’il s’agit d’un chant dynamique. Il avait fait un diagramme montrant que la partie de droite pouvait également créer un « L » inversé et que la partie gauche pouvait se poursuivre en dehors du tableau », raconte la designer graphique. Le fait que l’oeuvre puisse continuer d’exister en dehors de son cadre est une spécificité qui a vraiment plu à Francine Savard : « C’était l’oeuvre idéale pour justement s’étendre sur une surface beaucoup plus grande qu’un tableau. »
L’un des plus grands défis dans sa réflexion était de respecter les composantes à plusieurs niveaux : « Il fallait que je m’accorde avec l’oeuvre de Molinari, avec le site et avec l’architecture. On a été très respectueux des proportions de vide, de largeur, et des dispositions de chaque élément de l’œuvre originelle », souligne Francine Savard.
En reprenant sa signature visuelle, cette composante artistique installée dans le Port de Montréal rend dorénavant un hommage quotidien à l’artiste décédé en 2004.