(Photo: Depositphotos/Crédits ministr.)

(Photo: Depositphotos/Crédits ministr.)

VERS LA FIN DU SERVICE AU VOLANT DANS MONTRÉAL-NORD

Après d’autres arrondissements de la Ville de Montréal, comme Saint-Léonard en 2022, Montréal-Nord a débuté le processus pour prohiber le service au volant sur l’ensemble de son territoire. Ce sont les établissements de restauration rapide qui sont visés en premier lieu. Les installations déjà en place ne seront pas concernées, au titre des «droits acquis», car elles ont agi en conformité avec le règlement de zonage en vigueur au moment de leur demande.

Pour information, inscrits dans le droit immobilier québécois, les «droits acquis» peuvent cependant se perdre lors d’une rénovation majeure de plus de 50 % de l’immeuble, ou si l’établissement ferme pendant six mois et plus.

Une jurisprudence qui encourage les administrations

En votant pour une telle réglementation en 2014, l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce avait essuyé un long procès intenté par Tim Horton. L’administration avait eu finalement gain de cause. « La Cour suprême a ainsi confirmé que les villes avaient le pouvoir de réglementer les services au volant. Nous sommes alors passés à l’action », se souvient Dominic Perri, conseiller de la Ville au conseil d’Arrondissement de Saint-Léonard.

L’interdiction dans Saint-Léonard a pris effet le 21 décembre. Les démarches avaient commencé deux mois auparavant, à la suite de ladite décision de justice. Dix restaurants continuent d’y exploiter un service au volant, au titre des fameux «droits acquis».

Plusieurs raisons sont à l’origine de ces démarches entreprises par les collectivités.

La santé alimentaire

Une des tendances ces dernières années chez les administrations municipales est d’encourager leur population à adopter une alimentation plus saine, tout particulièrement en ce qui concerne la jeune clientèle. Limiter le nombre de nouveaux lieux de restauration rapide est une de leurs options pour y parvenir. « À Saint-Léonard, dans le corridor Jean-Talon Est, de Viau jusqu’à Langelier, nous avons de nombreuses écoles. Nous voulons décourager ces implantations, afin de ne pas exposer à la «malbouffe» nos jeunes », indique M. Perri.

Selon ce dernier, ces enseignes cherchent à s’installer « dans un rayon de 500 mètres autour des établissements scolaires, des lieux achalandés », où elles peuvent rejoindre leurs principales cibles, les jeunes et les familles.

Dominic Perri, conseiller de la Ville au Conseil d’Arrondissement de Saint-Léonar. (Captation transmise par Dominic Perri.)

Préserver l’environnement

Les automobilistes qui se rendent au «drive» avancent la plupart du temps au ralenti, le moteur de leurs véhicules restant allumé ou redémarrant constamment. « La fin des nouveaux services au volant nous permettra de lutter contre les rejets des gaz à effet de serre ou GES, en évitant les roulements de moteurs inutiles », explique Jean-Marc Poirier, conseiller de l’Arrondissement de Montréal-Nord pour le district de Marie-Clarac.

Jean Marc Poirier, conseiller de l’Arrondissement de Montréal-Nord. (Captation du site de la Ville de Montréal.)

Jean-Marc Poirier, conseiller de l’Arrondissement de Montréal-Nord. (Captation du site de la Ville de Montréal.)

Le souhait est également de privilégier les espaces verts. « Nous allons diminuer les îlots de chaleur en réduisant une partie du stationnement qui aurait été utilisé pour le service au volant. Partout où nous pouvons augmenter la verdure, nous le faisons », ajoute M. Perri.

« Dans ce type d’infrastructure, on utilise plus d’asphalte pour la circulation autour des batiments et l’attente des automobiles », complète Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville.

La tranquillité des riverains

Les prestations au volant entrainent de nombreux va-et-vient, les longues files d’attente des véhicules empiétant sur les trottoirs ou la chaussée. « Cette mesure permettra d’améliorer la sécurité des piétons et cyclistes en évitant un trafic intense d’automobiles et les transits dans les rues résidentielles », croit M. Poirier.

Elles permettent aussi aux restaurants de continuer leur exploitation en dehors des heures d’ouverture des salles à manger, engendrant des bruits en soirée, rendant les quartiers moins paisibles.

« C’est une bonne chose de voir ces règlements se multiplier, se réjouit M. Savard. Les services à l’auto ne sont pas adaptés au milieu urbain, mais plutôt aux abords des autoroutes interurbaines. Les automobiles ont tendance à faire des manœuvres dangereuses. Cela intensifie la circulation à des endroits où l’on voudrait la réduire. La qualité de vie et la sécurité sont en jeu. Cela est important. »

Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

Des avis plus nuancés

Martin Vézina, le vice-président Affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec, se dit rassuré par la protection des droits acquis, car « les services à l’auto demandent des investissements importants. Cela est triste quand on ne peut pas se servir des installations, de ce capital-là ». D’autant plus que cette activité peut représenter jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires de l’établissement.

M. Vézina regrette qu’il n’y ait pas eu une réflexion plus poussée pour autoriser certaines nouvelles implantations « quand cela est possible, quand il y a un terrain assez large par exemple ». S’il peut comprendre les raisons premières, dont la limitation de l’utilisation de l’automobile, il se demande : « Est-ce l’automobile est si utilisée que cela à Montréal-Nord ? ». Il souligne que l’arrondissement ne bénéficie pas d’un « réseau structurant de transport en commun, avec des bus pour rejoindre la ligne bleue ou orange », et que les services au volant « pourraient donc y être utiles. »

Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec. (Photo de courtoisie/Crédits Photographescommercial.)

De son côté le directeur général de Vivre en Ville, Christian Savard, salue l’arrondissement de Montréal-Nord et « toutes les villes qui prennent ce type d’initiative ». Mais pour le territoire de Montréal-Nord spécifiquement, M. Savard croit également « qu’il ne s’agit pas d’un apport très stratégique », car les gens « peuvent s’y rendre et stationner s’ils le veulent. »

Une interdiction effective en septembre dans Montréal-Nord

Le conseil d’arrondissement de Montréal-Nord a adopté, en séance du 3 avril, un avis de motion du premier projet de règlement numéro 1562.065, suivi d’une consultation publique. Un second projet a été adopté par les élus le 1er mai. Un avis public de « demande d’approbation référendaire » a été déposé le 12 juin, dont aucune demande n’a émané.

Ainsi, le nouveau règlement de zonage comprenant la « prohibition » du service au volant sur tout le territoire de l’arrondissement devrait être adopté lors de la séance du conseil du 5 septembre, et entrerait en vigueur à la suite de la réception du certificat de conformité émis par le Service d’urbanisme et de mobilité dans les semaines suivantes, possiblement fin septembre.

Pour rappel, en 2018, 27 Villes au Canada avaient déjà adopté un tel règlement.

NDLR : Parmi les chaînes de restauration rapide contactées, seul Burger King a répondu à nos courriels à ce jour, par l’intermédiaire de la firme de communication DDMG : « Merci pour votre demande et cette opportunité, cependant, Burger King ne souhaite pas participer à cette entrevue présentement. »