Deux terrains de la Ville seront déboisés dans le cadre de travaux de décontamination (Source: Google Maps)

1 323 ARBRES ABATTUS DANS L’EST POUR DÉCONTAMINER UN TERRAIN

La Ville de Montréal fera abattre plus d’un millier d’arbres dans l’est dans le cadre d’un contrat de décontamination des sols, une situation dénoncée par l’Opposition officielle, qui demande davantage de transparence dans ce genre de dossier.

Montréal a accordé le 13 mars dernier un contrat à l’entreprise Loiselle Inc. pour exécuter des travaux de réhabilitation environnementale sur deux terrains lui appartenant dans l’est pour une dépense totale de 14,8 M$, selon un sommaire décisionnel de la Ville en date du 13 mars 2024.

Plus précisément, les deux terrains en friche se trouvent entre le boulevard Henri-Bourassa et l’autoroute 40, à proximité du boulevard Saint-Jean-Baptiste, dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT). Les terrains sont d’une superficie de 63 000 m2 et de 44 000 m2. Les travaux prévus consistent à déboiser le site et à y enlever les végétaux aux endroits visés, puis à excaver ainsi que remblayer et niveler le terrain. C’est au total 1 323 arbres qui devront être abattus, calcule la Ville.

La couleuvre brune est une espèce que l’on retrouve seulement dans la région de Montréal (Source: Wikimedia Commons/Thomas Shahan 3)

À noter qu’il s’agit d’un site important pour la couleuvre brune, une espèce seulement observée dans la région de Montréal et dont les superficies d’habitats connues sont en déclin notamment parce qu’elles sont converties pour du développement urbain, selon le site Internet du gouvernement du Québec.

Or, la Ville n’a pour l’instant pas de plan pour reboiser les espaces décontaminés, peut-on apprendre dans le sommaire décisionnel. En effet, on note dans une annexe du document que la Commission permanente sur l’examen des contrats a demandé aux responsables municipaux du projet si une compensation ou un reboisement étaient prévus dans le contrat, ce à quoi ceux-ci ont répondu qu’« aucune clause de reboisement n’est prévue au contrat, car il s’agit d’un projet de décontamination en vue de développement futur », rapporte-t-on dans le sommaire. Dans la même annexe, on note que les couleuvres présentes sur les terrains devront être relocalisées.

Besoin de plus de transparence

Stephanie Valenzuela, conseillère de la Ville et vice-présidente de la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs (Courtoisie Ville de Montréal)

Pour la porte-parole de l’Opposition officielle en matière d’environnement, Stephanie Valenzuela, la Ville doit être davantage transparente dans ce genre de dossier.

« Dans le sommaire décisionnel, pourquoi n’y a-t-il pas de plan de reboisement? En tant qu’opposition, nous demandons que Projet Montréal nous fasse part de leurs intentions au niveau contractuel en ce qui concerne le reboisement », affirme Mme Valenzuela.

Celle-ci déplore que 1 323 arbres, dont certains matures, soient abattus et que des espèces animales soient relocalisées sans que des études environnementales aient été préalablement commandées par la Ville. « On aimerait savoir pourquoi la Ville ne consulte pas systématiquement des firmes spécialisées en foresterie urbaine lorsqu’il est question de dossier de déboisement d’arbres matures. On veut plus de transparence de la part de l’administration », réitère l’élue de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Une décision qui n’a pas été prise à la légère

Selon la responsable du dossier de l’Est au Comité exécutif de Montréal, Caroline Bourgeois, la Ville est parfaitement consciente de la valeur environnementale des terrains concernés. « Ce sont deux terrains qui se trouvent entre des réservoirs pétroliers et des « cours à scrap ». Il n’y a personne qui a pris cette décision-là à la légère. Il y a des études faunistiques et floristiques qui ont été faites pour savoir quelles espèces se trouvaient là, et surtout, quelle était la nature de la contamination sur les sites. On parle de deux mètres de contamination en profondeur », indique celle qui est aussi mairesse de RDP-PAT. Un plan de reboisement n’a pas été inclus dans le sommaire décisionnel car il ne s’agit pas du mandat octroyé à la firme, ajoute-t-elle. En ce qui concerne les couleuvres brunes, celles-ci ont déjà été relocalisées, confirme l’élue.

Caroline Bourgeois, mairesse de RDP-PAT et responsable du dossier de l’Est au Comité exécutif de la Ville de Montréal (Courtoisie Ville de Montréal)

Cette dernière rappelle que les deux terrains dont il est question se trouvent dans un endroit névralgique, celui du Secteur industriel de la Pointe-de-l’Île. L’agglomération de Montréal a déposé en 2019 un plan de développement le concernant et visant à le revitaliser grâce à de nouveaux projets économiques.

Les deux terrains seraient donc appelés à être développés par de futurs partenaires de la Ville, explique Mme Bourgeois. Celle-ci n’est pas en mesure de dévoiler les projets prévus à ces endroits, mais elle ajoute qu’ils seront tenus à se plier aux plus hautes exigences de la Ville en matière de verdissement des terrains. Elle ne précise toutefois pas quels seraient les paramètres de ces demandes.

Par ailleurs, Mme Bourgeois rappelle que la décontamination prévue sur les sites se fera dans le cadre d’un accord signé il y a cinq ans avec Québec. En effet, en mars 2019, la Ville de Montréal et le ministère de l’Économie et de l’Innovation ont conclu une entente visant l’octroi d’un montant de 100 M$ à la Ville de Montréal en vue de mettre en œuvre la planification d’un grand chantier de revitalisation de l’est de l’agglomération de Montréal avec comme premier objectif la mise en place d’un programme visant à réhabiliter des terrains.

Ainsi, la dépense du contrat accordé à Loiselle Inc. sera absorbée en totalité par l’agglomération et les travaux de réhabilitation se feront dans le cadre du budget de fonctionnement de la Ville, à même l’entente avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation.