Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement MHM. (Photo : Cindy Boyce).

MHM : BASTION DE L’ÉCONOMIE SOCIALE MONTRÉALAISE

Si l’arrondissement de Mercier−Hochelaga-Maisonneuve a le vent dans les voiles depuis quelques années, c’est certainement en partie grâce aux nombreuses entreprises d’économie sociale qui ont soutenu à bout de bras et par un travail acharné les communautés locales depuis trois, voire quatre décennies, alors que le territoire était aux prises avec une grave période de fermetures et d’exode dans le secteur industriel, pilier économique de l’Est montréalais.

Plusieurs de ces entreprises, sous forme d’organismes à but non lucratif ou de coopératives, ont certes permis à la partie la plus défavorisée de la population de palier pendant des années (et encore aujourd’hui) à des besoins primaires comme se nourrir ou se vêtir à peu de frais, mais aussi de réorienter des carrières en facilitant et en encourageant la formation professionnelle et la réintégration en emploi, par exemple. En parallèle, d’autres entreprises d’économie sociale travaillaient à plus longs termes sur le développement du logement et de l’habitation, sur la relance et la conversion de terrains industriels, pour améliorer l’environnement du secteur ou encore pour aider à la relance des activités commerciales. Bref, l’économie sociale est intervenue dans une foule d’activités et l’arrondissement en récolte aujourd’hui les fruits, sans que l’on s’en rende nécessairement compte au quotidien.

De la tradition à l’innovation

Selon Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement de Mercier−Hochelaga-Maisonneuve, les entreprises d’économie sociale sur le territoire se démarqueraient de deux façons évidentes. « Par une longue et intense tradition communautaire, qui a même marqué l’histoire du Québec, surtout dans le secteur d’Hochelaga-Maisonneuve, et aujourd’hui elles se démarquent aussi par l’innovation », affirme-t-il.

Ainsi, le bassin de l’économie sociale traditionnelle continuerait de se développer soutient le maire, et cela amènerait de nouvelles perspectives d’affaires et des actions adaptées aux réalités et aux besoins de la population d’aujourd’hui. « Plusieurs organismes et entreprises collectives issus des années 70 et 80 poursuivent leurs activités sur le territoire et certains continuent à croître, comme par exemple la Cuisine Collective Hochelaga-Maisonneuve, Le Boulot vers et le Chic Resto Pop, pour ne nommer que ceux-là. Mais d’autres arrivent et viennent combler de nouveaux besoins ou occupent de nouveaux créneaux d’affaires qui émergent, dans le secteur brassicole entre autres, en environnement, dans le commerce de proximité ou encore dans le milieu culturel. Je pense notamment à des entreprises ou organismes comme Station Vu, à La Pépinière Espaces Collectifs, au Café In Vivo, et même s’ils sont moins récents, aux Ateliers d’Antoine ou aux Productions Jeun’Est », avance Pierre Lessard-Blais.

Le Café In Vivo, au Parc olympique. (Photo tirée de leur site Web).

Élu il y a maintenant deux ans sous la bannière de Projet Montréal, le maire de MHM affirme qu’il n’a pas été surpris jusqu’à maintenant par le nombre ou la vivacité des entreprises d’économie sociale sur le territoire puisqu’il connaissait bien les réalités de son arrondissement d’adoption. Par contre, il se dit étonné de l’immense impact que génèrent ces organisations dans la communauté. « On le sait qu’une entreprise traditionnelle se concentre principalement sur trois choses : les actionnaires, les employés et les clients, et qu’elle a en soi un impact dans sa communauté, ne serait-ce qu’un impact économique. L’entreprise d’économie sociale doit aussi adopter un modèle d’affaires qui doit répondre à ses membres, ses employés et à sa clientèle, bien sûr, mais souvent elle rayonne bien au-delà de cela dans un quartier, dit-il. Il ajoute : « Prenez par exemple le Chic Resto Pop, combien de personnes issues de leur programme de réinsertion sociale travaillent aujourd’hui ailleurs sur le territoire? Des centaines probablement. Combien d’enfants défavorisés ont-ils aidé dans leur apprentissage scolaire en leur offrant de quoi se mettre sous la dent? Des milliers. Et si on peut enfin faire atterrir le projet de Station Vu (cinéma) dans un espace permanent de Tétreaultville, cela va permettre à d’autres commerces comme des restaurants ou des boutiques de profiter de l’achalandage d’un nouveau pôle culturel, toujours à titre d’exemple. Au-delà de leurs objectifs d’affaires, et même de leurs missions de base je dirais, les entreprises d’économie sociale ont une empreinte collective beaucoup plus large que je me l’imaginais auparavant », explique le maire.

Attention particulière de l’administration municipale

Questionné à savoir si les entreprises d’économie sociale étaient « plus demandantes » pour son administration, compte tenu particulièrement du nombre qu’elles représentent sur le territoire, le maire de MHM affirme ne pas avoir plus de pression ou plus de cas « problématiques » avec ces organisations s’il les compare avec l’entreprise traditionnelle. « La grande majorité des entreprises d’économie sociale, je les croise sur les tables de quartier ou lors d’événements publics car elles sont autonomes et vont généralement bien. Ce ne sont pas des demandeurs chroniques ou des organisations qui sont toujours à la remorque de la ville, du moins elles ne se démarquent pas plus des entreprises privées à ce chapitre », dit-il.

Mais comme leur impact dans la communauté est plus grand, Pierre Lessard-Blais avoue que l’administration municipale doit tout de même être plus vigilante quant à la pérennité des OBNL et des entreprises sociales sur son territoire. « On doit leur faire attention c’est certain. Si une entreprise d’économie sociale traverse une période difficile, mon rôle de maire est de m’assurer que leurs activités essentielles à la communauté continuent dans la mesure du possible. Et c’est aussi le rôle de l’administration municipale d’aider au développement de projets novateurs issus de l’économie sociale, qu’ils proviennent d’organisations déjà en place ou de nouveaux entrepreneurs », explique-t-il.

D’ailleurs la Ville de Montréal a fait de l’économie sociale l’une de ses huit priorités dans sa stratégie économique 2018-2022 et un plan d’action d’envergure a été mis en place afin de stimuler la croissance de cette portion de l’économie montréalaise. Parmi les gestes concrets qui ont été posés par l’administration Plante, soulignons l’annonce d’un budget de 16,9 M $ pour cette période qui sera consacré à « l’innovation sociale », dont 9,2 M $ iront au Fonds de développement de l’économie sociale de PME MTL en appui aux projets à tous les stades de développement, notamment en prédémarrage et en démarrage.

Un modèle d’affaires qui aurait plu au maire

Avant de se présenter à la mairie de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais avait déjà goûté à l’entrepreneuriat étant l’un des actionnaires de L’Espace Public, une microbrasserie avec bar sur la rue Ontario, au cœur d’Hochelaga-Maisonneuve.

A-t-il déjà songé au modèle de coopérative? « Oui, cela a même été un débat avant de créer L’Espace Public, dont le nom peut d’ailleurs donner l’impression que nous sommes une coop ou un OBNL », dit-il. Quoique l’entreprise s’est dotée d’une mission teintée d’une certaine vocation sociale (L’Espace Public donne une partie de ses profits à chaque mois à un organisme de l’arrondissement affirme Pierre Lessard-Blais), le modèle contraignant de gouvernance associé à une coopérative ou un organisme n’était pas idéal pour les jeunes entrepreneurs. « Ça ne fonctionnait pas avec nos occupations atypiques. Mais si un jour j’ai l’occasion de lancer à nouveau une entreprise, je crois que j’opterais pour l’économie sociale. Ce serait du moins une option très sérieuse pour moi », conclut le maire.


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