La portion du terrain réservé au logement social dans les Cours Bellerive demeure en friche (Courtoisie Infologis de l’Est de l’Île)

DU LOGEMENT SOCIAL SE FAIT ATTENDRE DANS MERCIER-EST FAUTE DE FINANCEMENT

Puisque les subventions font défaut, une construction de 88 logements sociaux est en attente depuis près de 4 ans dans Mercier-Est, s’insurgent les militants en droit du logement. Ces derniers s’inquiètent du fait que les logements sociaux ne puissent plus voir le jour dans l’est de Montréal à cause du manque de financement.

Les Cours Bellerive est un projet de condominiums de Prével Alliance et Innovim dont la réalisation a débuté en 2020. Il regroupe plus de 600 logements répartis en 519 condos, une vingtaine de maisons de ville et 88 logements sociaux. Or, si certaines phases ont déjà été complétées et vendues, pas une seule unité sociale n’est sortie de terre jusqu’à présent.

« En pleine crise du logement, le fait qu’il y ait ce terrain-là possible, qui pourrait loger 88 ménages qui demeurent non construits, c’est scandaleux », déplore Lili Bergeron, organisatrice communautaire chez Infologis de l’Est de l’île.

Ainsi, malgré une entente entre le Groupe Prével et la Ville de Montréal dans le cadre du Règlement pour une métropole mixte, il a été impossible de trouver du financement pour les logements sociaux projetés rue Dubuisson.

« Avec le gouvernement de la CAQ, on a complètement arrêté de financer les programmes pour du logement social. Donc, il y a le terrain dédié et tout ça, mais parce qu’il n’y a plus de financement du provincial, bien, les logements sociaux ne lèveront pas de terre », se désole Mme Bergeron.

Le militants en droit du logement ont accroché des affiches sur le site des Cours Bellerive pour dénoncer l’abandon du financement pour le logement social (Courtoisie Infologis de l’Est de l’Île)

Le promoteur immobilier a donc pris la décision de céder le terrain à Montréal pour que la Ville puisse le préserver pour un projet de logements sociaux, confirme Sabrina Duguay, vice-présidente au bureau montréalais du cabinet de relations publiques National et chargée de communications pour le Groupe Prével. « [Le Groupe Prével] est en discussion avec la Ville et est prêt à céder le terrain en deçà de sa valeur au marché », souligne cette dernière. De plus, Mme Duguay note que la présidente de Prével, Laurence Vincent, s’affaire toujours à parler avec des organismes qui pourraient prendre en main le développement d’habitations sociales sur son terrain.

Selon les informations qu’a obtenues Mme Bergeron, la cession du terrain serait prévue pour le printemps 2024. La porte-parole du Groupe Prével n’a toutefois pas voulu confirmer ce ouï-dire.

À la Ville, on confirme que le 24 janvier 2020, le promoteur des Cours Bellerive a conclu avec Montréal une entente en vertu de la Stratégie d’inclusion de logements abordables,  prévoyant des engagements en matière de logement social. « Ceux-ci peuvent se matérialiser par la réalisation d’un projet social selon la formule clé en main, vendu directement à un OBNL en habitation ou une coopérative d’habitation (un organisme) désigné par la Ville », expliquent les relations médias de la Ville. Or, si la possibilité de réaliser un projet social avec un organisme ne se matérialise pas dans le délai prévu à l’entente, le promoteur doit céder à la Ville un terrain à des fins de logement social. Ce terrain pourra ensuite être revendu à un OBNL ou une coopérative d’habitation pour réaliser un projet social, indique-t-on.

Pour l’instant, « aucune convention de réalisation n’ayant été conclue dans le délai prévu en raison de la fin du programme AccèsLogis, le promoteur est actuellement dans la période pendant laquelle il doit céder un terrain à la Ville », souligne la Ville.

Manque de financement partout

Pour sa part, l’organisatrice communautaire chez Infologis voit dans cette histoire un exemple probant des failles des politiques publiques en matière de subvention aux logements sociaux.

Celle-ci rappelle que d’autres projets de logements sociaux ont été mis sur la glace dans l’est, incluant celui de la reconversion de l’ancien hôpital Grace Dart. Dans ce projet de 350 unités, 53 étaient prévues pour du logement social. Or, à ce jour, cette portion du projet n’a pu être concrétisée. Le groupe TGTA, qui a acquis le site de l’ancien établissement de santé en 2019, indiquait dans un article de La Presse en décembre 2021 qu’il voulait céder une partie de son terrain à l’organisme Bâtir son quartier pour que ce dernier puisse y construire du logement social, dont la livraison était planifiée pour 2022. Mais après avoir passé toutes les étapes règlementaires, le projet est tombé à l’eau, encore une fois par manque de financement de la part de Québec.

Depuis, le gouvernement caquiste a révisé ses programmes d’aide en instaurant le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) qui est venu remplacer le programme AccèsLogis abandonné au début de 2023. Le PHAQ « a été pensé pour permettre aux promoteurs privés de construire du logement neuf, mais il n’y a aucune assurance que les projets recevront des unités de supplément au loyer, note Mme Bergeron. On passe donc complètement à côté de l’objectif : fournir du logement pour les ménages à faible et modeste revenus. » Pis encore, le programme de la PHAQ serait particulièrement difficile d’accès pour les organismes sans but lucratif, selon Mme Bergeron.

Mardi dernier, le gouvernement de la CAQ a présenté sa mise à jour économique dans laquelle il promet 1,8 milliard de dollars sur 5 ans pour la construction de 8 000 nouveaux logements sociaux et abordables. Pour l’instant, la portion de cette somme allouée spécifiquement pour du logement social reste inconnue, souligne de son côté Mme Duguay, qui rappelle dans la foulée que dans l’attente de financement adéquat, les constructeurs immobiliers ne pourront pas mettre en chantier d’autres projets de ce type.