Photos : EMM et Parti Québécois

ROSEMONT : L’AFFRONTEMENT LISÉE-MARISSAL S’AVÈRE SOMME TOUTE DISCRET

Le PQ semble tenir le fort dans Rosemont selon la plus récente prévision du site Québec 125, mais l’écart serait très mince avec Québec Solidaire et son candidat vedette Vincent Marissal. On parle d’environ 1.5 % de différence dans les intentions de vote, une poussière à cette étape-ci de la campagne. Est Média Montréal a rencontré les deux aspirants députés qui gardent, du moins pour le moment, un calme étonnant.

Marissal confiant

L’ex-journaliste de La Presse l’avoue d’entrée de jeu : son arrivée en politique a été vraiment plus « intense » qu’il ne s’y attendait. « Je savais que ça allait brasser quand j’ai annoncé ma candidature pour QS dans Rosemont, mais pas aussi intensément et pas aussi longtemps. Cela a été difficile pour ma famille, ma femme surtout, qui a vécu la situation par procuration. Toutefois, ce que j’ai trouvé le plus dur, le plus injuste, c’est le procès d’intention qu’on m’a collé », affirme-t-il. Rappelons que le candidat s’est fait reprocher par plusieurs journalistes et analystes d’avoir eu des discussions avec le Parti Libéral fédéral avant d’annoncer ses couleurs pour QS, laissant sous-entendre un magasinage « opportuniste ».

La poussière étant maintenant retombée, celui que les résidents du Vieux-Rosemont voient régulièrement jogger se dit aujourd’hui serein et très confiant de l’emporter le 1er octobre prochain. Selon lui, les gens de Rosemont sont prêts pour un changement de garde qui va réellement faire bouger les choses dans le quartier : « L’Est de Montréal souffre du manque historique d’intérêt de la part des libéraux et je crois sincèrement que cela a un lien avec le fait qu’une bonne partie de la région est bleue et non rouge. Quand on pense que le ministère de l’Éducation, par exemple, n’a octroyé aucune nouvelle place dans le réseau scolaire dans Rosemont en 2018-2019 alors que nos écoles sont occupées à 140 %, on peut se poser la question si l’allégeance politique du quartier y est pour quelque chose… moi je n’accepterais pas ça », clame M. Marissal.

La priorité numéro un de Vincent Marissal est d’améliorer le réseau scolaire rosemontois.

Celui qui se dit aujourd’hui motivé par « l’appel du service public et par l’urgence de mettre au rancart le néo-libéralisme qui règne sur le Québec depuis 40 ans » a un programme local bien garni à mettre de l’avant. Sa priorité ? L’amélioration du réseau scolaire : « Vu la situation du manque de places chronique et de la vétusté de nos infrastructures, il va y avoir beaucoup de travail à faire dans Rosemont au cours des prochaines années, ce ne sera pas facile. On devra changer avant tout la méthode archaïque d’attribution des places, qui ne tient toujours pas compte des projections démographiques, et faire en sorte que les allégeances politiques n’influencent plus les investissements publics dans ce secteur. » Il ajoute « qu’il faudra bien sûr rénover et agrandir nos écoles primaires, en construire de nouvelles, et se pencher sur le fait qu’il n’y a actuellement aucune école secondaire francophone publique dans Rosemont. »

Parmi les autres engagements locaux du candidat, soulignons qu’il prévoit mettre beaucoup de pression afin que la reconstruction de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont se fasse plus rapidement que prévu et qu’il militera activement pour que Rosemont soit mieux pourvu en infrastructures sportives et culturelles. « Il manque certainement un lieu de diffusion culturelle et de rassemblement dans le quartier. Il y a beaucoup d’artistes résidents, beaucoup de gens du milieu et une densité de population qui justifieraient aisément la création d’un tel lieu », affirme-t-il.

Bien sûr Vincent Marissal espère que le transport en commun dans le secteur soit amélioré, notamment sur la rue Masson, et il en fait un cheval de bataille important dans sa campagne, mais il innove aussi sur d’autres points qui méritent d’être mentionnés. Le premier est son intention de s’attaquer aux déserts alimentaires que l’on retrouvent surtout dans le Nouveau-Rosemont : « La population de ce secteur a peu d’options locales pour se procurer des aliments sains et il faut faire quelque chose. Pour le moment je pense entre autres à des commerces itinérants de fruits et légumes mais il faudra trouver des solutions permanentes pour les résidents du coin, je m’engage à faire ça », soutient-il. Il ajoute, dans un autre ordre d’idée, que le parrainage entre écoles et résidences pour personnes âgées « serait une initiative à mettre de l’avant beaucoup plus souvent dans le quartier afin que nos aînés s’ennuient moins et que nos jeunes profitent plus de leurs connaissances. »

Vincent Marissal tient également à mettre de l’avant deux engagements nationaux de Québec Solidaire qui, selon lui, auront un impact direct sur les résidents de Rosemont. Il s’agit de la réduction de 50 % des tarifs de transport en commun et de la gratuité des soins dentaires.

Question qui revient souvent dans la bataille actuelle de Rosemont : est-ce que Québec Solidaire a manqué « d’éthique » en opposant un candidat vedette au chef du Parti Québécois? Non, répond catégoriquement Vincent Marissal : « Rosemont sert depuis longtemps au PQ comme piste d’atterrissage pour ses parachutés : Louise Beaudoin, Rita Dionne-Marsolais, et aujourd’hui Jean-François Lisée, tous des députés qui n’ont jamais habité dans Rosemont. Moi je suis d’ici, la circonscription est prenable pour QS, et que je sache, le chef du PQ n’est pas le pape. Qu’il se batte comme les autres et que les idées gagnent, les gens de Rosemont n’ont pas à se faire imposer la mainmise du PQ », conclut-il.

Lisée ne laisse pas un pouce

Le chef du parti souverainiste est beaucoup plus présent dans le comté que lors de la dernière élection, alors que le PQ avait remporté Rosemont sans trop de difficultés grâce à une majorité de 1 598 voix sur le libéral Thiery Valade, QS étant lui loin derrière. Cette fois la situation est différente et Jean-François Lisée se doit de faire campagne aussi intensément que possible sur la scène locale, malgré l’horaire déjà surchargé d’un chef de parti. La situation est difficile pour lui, surtout physiquement, mais on peut affirmer qu’il a jusqu’à maintenant livré la marchandise en assurant plusieurs sorties dans Rosemont et en participant surtout au débat local le 11 septembre dernier dans une salle archi pleine, autant de citoyens que de médias. Plus dynamique que ses trois opposants et maîtrisant parfaitement ses dossiers, il en est d’ailleurs ressorti gagnant selon la plupart des journalistes présents lors de l’événement.

C’est à la fin de cette soirée qu’Est Média Montréal a pu s’entretenir avec le chef du Parti Québécois, en toute intimité dans son local électoral de la rue Beaubien, une très rare entrevue exclusive accordée par M. Lisée dans le cadre de cette campagne. Dans cette ambiance particulière où seuls étaient présents les gardes du corps, l’attachée politique de M. Lisée et sa femme, et où à 21h on cassait enfin la croûte, l’entrevue a rapidement tourné en discussion franche et sans retenue avec le député sortant concernant sa vision des enjeux de Rosemont.

Tout d’abord, s’il y a une problématique dans le quartier qui selon lui pèse lourd, et sur ce point il est en accord avec son adversaire de QS, c’est l’inefficacité de la gestion du réseau scolaire. « Nous proposons au PQ de donner plus de pouvoir aux commissions scolaires afin qu’elles gèrent entièrement leurs parcs immobiliers. Il faut qu’elles soient plus autonomes dans leurs décisions ou non de rénover, d’agrandir et de construire de nouvelles installations. Ça va être une véritable révolution, au lieu de prendre six ans pour rénover une école qui en a besoin, ça va en prendre deux », soutient M. Lisée. Toujours sur le même sujet, le candidat péquiste ajoute qu’il veut « resserrer les liens entre les municipalités et les commissions scolaires afin que les projets de développements, les études démographiques et autres données stratégiques soient partagées entre elles en temps réel. Les villes et les commissions scolaires doivent absolument développer leurs infrastructures de concert, ce n’est que logique, mais ça ne se fait pas actuellement. » Et en ce qui concerne le fameux dossier des écoles vétustes, « la seule limite que le PQ peut imaginer pour accélérer la mise à niveau de nos écoles, ce n’est pas l’argent, mais bien la capacité de pouvoir embaucher le personnel pour effectuer les travaux », affirme-t-il.

Dossier santé maintenant, Jean-François Lisée est aussi d’avis que la reconstruction de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont est prioritaire pour le secteur et qu’elle devra dans la mesure du possible se faire plus rapidement que prévu. «L’état épouvantable de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont est un autre exemple concret de l’abandon des libéraux pour tout ce qui concerne les infrastructures publiques de l’Est de Montréal. Eh oui, on est rendu là, il faut maintenir les briques sur le bâtiment avec des clôtures, alors que ça fait au moins 20 ans qu’année après année on demande des travaux d’urgence. Faut le faire! », s’est-il indigné.

Jean-François Lisée mène une campagne locale très active malgré ses obligations de chef de parti.

Parmi les engagements du PQ en matière de santé, le chef a tenu à souligner l’ouverture des CLSC du matin au soir sept jours sur sept, « avec des infirmières spécialisées qui auront le pouvoir de traiter des cas légers. » Cet engagement, qui s’apparente à la promesse de Québec Solidaire (CLSC 24/24 et 7/7) aurait selon lui un grand impact dans tout l’Est de Montréal « qui fait face à un manque chronique de médecins et de cliniques sans rendez-vous. » Il a également réitéré son intention d’augmenter considérablement les budgets destinés aux soins à domicile afin de notamment désengorger les urgences des hôpitaux et de permettre aux aînés d’avoir un meilleur accès aux soins de santé, et peut-être pouvoir ainsi rester en logement autonome plus longtemps.

Au niveau du transport, le chef du PQ continue de promouvoir évidemment son programme du « Grand Déblocage » qui prévoit en plus d’une augmentation des budgets de la STM plusieurs ajouts au réseau de transport de l’Est de Montréal.

La bataille de l’Est

De son histoire, le Parti Québécois n’a jamais vu ses quatre châteaux forts de l’Est aussi menacés. Rosemont, Hochelaga-Maisonneuve, Bourget et Pointe-aux-Trembles pourraient, selon les sondages, basculer au profit de QS ou de la CAQ. Aux dernières nouvelles le PQ serait en avance dans tous ces comtés sauf Hochelaga-Maisonneuve, mais avec une toute petite marge. Est-ce que Jean-François Lisée sent que ses troupes sont menacées dans l’Est montréalais? « Pas du tout. J’adore les suspenses et, vous savez, quand il y un suspense au Québec, la participation est plus forte et historiquement, quand la participation est plus forte, le PQ gagne. »

Le Parti Québécois est le seul à avoir présenté dans le cadre de cette campagne électorale un programme spécifique pour l’Est de Montréal. Certains diront que c’est la preuve que le PQ tente de protéger ses acquis, mais pour son chef cela ne reflète pas la véritable intention : « Nous sommes quatre députés très, très impliqués dans l’Est et il s’agit simplement de la continuité de nos dernières années de travail. Notre plan d’action dans l’Est est rassembleur et reflète toutes les idées constructives des acteurs de la région, de toutes allégeances, avec qui nous avons collaboré et fait avancer les choses. C’est au tour de l’Est d’avoir droit aux investissements publics, et je n’ai pas peur de le crier haut et fort, même si je suis chef de parti », affirme Jean-François Lisée.

Lors du débat dans Rosemont, le député sortant a profité de son mot de la fin pour secouer quelque peu l’auditoire, qui a eu droit somme toute à peu de moments palpitants pendant la soirée, en faisant appel au vote stratégique des forces progressistes. Pour lui, seul le PQ peut actuellement aspirer à diriger le Québec, et perdre un comté au profit de Québec Solidaire ne ferait qu’affaiblir la gauche. En entrevue, le chef du PQ affirme qu’il n’hésite pas à répéter son discours « dans tous les comtés que je visite et où QS est populaire. Ce n’est pas la panique qui me fait agir ainsi, comme le dit Marissal, mais bien parce que c’est important que les gens maîtrisent la portée de leur vote. »

Projet de la SDA

La Société de Développement Angus (SDA), une entreprise d’économie sociale dont le siège social est dans Rosemont, annonçait en début de mois son intention d’acquérir et de développer une grande parcelle des anciens terrains de la raffinerie Shell à Montréal-Est afin d’en faire un nouveau quartier inspiré du succès du Technopole Angus. Pour M. Lisée, cette annonce est un baume pour l’Est de Montréal et il faut que les instances publiques participent au projet. « Je trouve ce projet admirable. Si les gestionnaires de la SDA étaient dans le secteur privé, ils seraient millionnaires en moins de trois ans. Ce qui est admirable en fait, c’est qu’ils décident de travailler pour la pérennité et le développement de l’Est de Montréal. Ils sont capables de prendre des projets qui sont en bas du point de rentabilité et à force de volonté politique, d’imagination et d’ingéniosité, ils font en sorte que le projet devienne un enrichissement pour toute la communauté. J’espère que ce projet se fera », conclut-il.