LA BELLE VICTOIRE DE CAROLINE BOURGEOIS
L’une des plus intéressantes luttes à la dernière élection municipale du 7 novembre dernier à Montréal, et peut-être la plus significative, s’est déroulée dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. Projet Montréal a réussi non seulement à faire réélire la mairesse Caroline Bourgeois, mais s’est assuré également la majorité au conseil d’arrondissement avec l’élection de 4 conseillers sur 6, ou plutôt 4 conseillères car la formation de Valérie Plante est composée maintenant d’une équipe 100 % féminine avec 5 élues à RDP-PAT. Une nouvelle réalité politique qui risque de changer la donne à l’extrême est de l’Île.
Situation peu commune
La victoire de Projet Montréal dans RDP-PAT est intéressante en ce sens que cet arrondissement était plutôt reconnu ces dernières années comme un fief de Denis Coderre, mené localement par l’ex-mairesse Chantal Rouleau, maintenant députée de Pointe-aux-Trembles et notamment ministre responsable de la région de Montréal. On se souviendra que Projet Montréal avait réussi une percée à l’arrachée lors de l’élection partielle de 2018 faisant élire au poste de mairesse d’arrondissement Caroline Bourgeois. Toutefois, le conseil d’arrondissement demeurait quant à lui fortement et majoritairement sous le giron d’Ensemble Montréal.
Par ailleurs, le vote à la mairie de Montréal sur ce territoire était largement favorable à Denis Coderre depuis son arrivée en politique municipale, et ce fut le cas également le 7 novembre dernier alors que 50,34 % des électeurs de RDP-PAT ont voté pour lui, Valérie Plante récoltant sur ce territoire que 41,85 % des voix, alors que pour l’ensemble de Montréal elle récoltait 52,14 % des suffrages, Coderre 37,97 %. Ainsi, malgré un appui considérable à l’homme Denis Coderre encore en 2021, la population de RDP-PAT a choisi Caroline Bourgeois à la mairie et offert la majorité à Projet Montréal au conseil d’arrondissement, un fait très rare sur la scène montréalaise (seul le district de Rivière-des-Prairies a échappé à Projet Montréal avec la réélection de la conseillère d’arrondissement Nathalie Pierre-Antoine et du conseiller de ville Giovanni Rapanà). Toutefois, il faut dire que Caroline Bourgeois a encore passé avec une très mince avance de seulement 135 voix, après un recomptage demandé par Ensemble Montréal.
Comment la principale intéressée explique ce résultat? « Nous savions que l’élection allait être serrée et qu’il n’y avait rien de gagné d’avance, ni à la mairie d’arrondissement ni pour les postes de conseillers et conseillères. Je pense que c’est un travail de terrain très soutenu depuis la partielle qui a fait changer la direction du vent dans RDP-PAT. Malgré un conseil d’arrondissement majoritairement Ensemble Montréal, on a pu tout de même faire de belles choses les trois dernières années sur le territoire et faire avancer beaucoup de projets importants pour RDP-PAT. Je pense que les gens ont vu ce que notre formation politique pouvait faire dans un arrondissement excentré et ils ont opté pour nous en nous donnant une majorité au conseil, et ça j’en suis très très fière. Maintenant on va pouvoir accélérer la cadence », affirme Caroline Bourgeois.
Responsabilités et défis
La protégée de Valérie Plante a aussi pris du galon à l’hôtel de ville de Montréal se voyant attitrer les postes de vice-présidente du Comité exécutif; responsable des grands parcs, des sports et loisirs; responsable d’Espace pour la vie; tout en gardant son rôle de responsable des dossiers de l’est de Montréal. Alors qu’elle avait pris la relève de Rosannie Filato en décembre 2020 à titre de responsable de la sécurité publique au sein du Comité exécutif, ce mandat est maintenant dévolu au conseiller Alain Vaillancourt. « Je suis très heureuse de ces nouvelles fonctions, qui sont pour moi des vases communicants avec le développement de l’est de Montréal. Par ailleurs, le dossier de la création du Grand parc de l’est est définitivement pour moi le principal mandat à faire avancer car il sera au cœur de la revitalisation du territoire, et une pièce maîtresse de notre politique environnementale », avance Caroline Bourgeois.
Au niveau local, la mairesse soutient avoir pris passablement d’engagements au cours de la récente campagne électorale. Parmi les projets qui lui tiennent particulièrement à cœur dans le cadre du présent mandat, elle cite d’entrée de jeu celui d’une nouvelle Maison des jeunes à Rivière-des-Prairies. « Actuellement, la Maison des jeunes à RDP ne peut répondre à la demande, elle n’est vraiment pas assez grande et adéquate. Pratiquement tous les jours la capacité est atteinte, une situation exacerbée évidemment par la pandémie qui a fait augmenter les tensions et les disparités qu’on peut reconnaître dans la prestation de services et dans l’accès aux services des jeunes », dit-elle. Elle ajoute aussi le projet de création d’une place publique dans le secteur de la Chapelle de la Réparation pour le 350e anniversaire de Pointe-aux-Trembles, « un lieu qui est absolument magnifique et qu’il faut rendre encore plus accessible et propice aux rassemblements. » Elle abordera également lors de l’entrevue le développement de l’agriculture urbaine dans RDP-PAT (Vision 30-2030), l’aménagement du parc Médéric-Archambault (en fonction d’embellir et de verdir l’entrée de ville), la poursuite des travaux du nouveau Parc de la Traversée (friche ferroviaire du CN), la revitalisation du Vieux-Pointe-aux-Trembles (dont une consultation publique est présentement en cours pour le prochain PPU) incluant la réfection complète de la rue Notre-Dame entre la 1ère et la 13e Avenue prévue en 2023.
« Lors de la campagne électorale, en tournée porte à porte, on remarquait aisément que plusieurs nouvelles familles se sont installées ces dernières années dans l’arrondissement. Ce qui est revenu souvent comme demandes de ces nouveaux résidents, ou souhaits, c’est définitivement plus de commerces de quartier, et aussi des écoles rénovées, plus grandes ou plus au goût du jour, plus de parcs. Tout cela fait partie des défis des prochaines années car l’arrondissement continuera certainement de croître puisque nous sommes un des seuls arrondissements qui possèdent encore des terrains pour du développement résidentiel, et parce que le pied carré est toujours le moins cher à Montréal. Il faudra toutefois faire attention à ne pas développer à n’importe quel prix et garder un style de vie qui caractérise RDP-PAT, soit un certain mélange d’urbanité et de banlieue », a déclaré Caroline Bourgeois.
Les grands enjeux de l’est
Dans la foulée de la Déclaration pour revitaliser l’est de Montréal, signée en 2018 entre l’administration Plante et le gouvernement du Québec, la mairesse de RDP-PAT a été la première à occuper les fonctions du nouveau poste de responsable des dossiers de l’est au sein du Comité exécutif lors du mandat précédent. Ainsi, Caroline Bourgeois vise avant tout à poursuivre les grands chantiers entamés depuis 2017 dans la région dit-elle. Tel qu’exprimé précédemment, le Grand parc de l’est est un dossier prioritaire pour elle, laissant entendre qu’elle souhaite que la Ville mette la main notamment à des parcelles de terrain pour agrandir le parc-nature de la Pointe-aux-Prairies, et que le projet de transformer l’île Sainte-Thérèse en parc se concrétise en collaboration avec Québec et les villes de Varennes et Repentigny. « Ce serait vraiment super de pouvoir lier l’île Sainte-Thérèse au parc-nature et d’en faire alors un grand pôle vert régional. Et c’est aussi très important de protéger ces espaces verts face à la pression du développement immobilier à Montréal. J’ajouterais que ce sera aussi primordial dans les prochaines années de développer une vision commune de protection et d’utilisation des espaces verts entre les arrondissements de l’est, notamment pour la mobilité des personnes, pour créer des liens verts entre des lieux stratégiques, qui pourraient se greffer au Grand parc de l’est », soutient Caroline Bourgeois.
La décontamination des sols industriels, largement entamée en ce qui concerne surtout les terrains de la Ville situés dans le SIPI (secteur industriel de la pointe de l’île), devra se poursuivre et s’accélérer du côté de l’entreprise privée souhaite la mairesse de RDP-PAT. À ce sujet, Caroline Bourgeois mise sur de nouvelles mesures incitatives récemment annoncées par la Ville pour convaincre enfin les propriétaires privés de procéder à la décontamination de leurs terrains dans le secteur du SIPI, eux qui se sont montrés réticents jusqu’à maintenant malgré l’aide financière offerte. Rappelons que le gouvernement Legault avait injecté 100 M $ en début de mandat en 2018 pour aider à la décontamination des sols dans l’est de Montréal, et qu’un deuxième 100 M $ pourrait suivre d’ici la fin de l’année, a souvent laissé entendre la ministre responsable de la Métropole, Chantal Rouleau. « Ce que j’espère en bout de ligne, c’est que ces terrains, une fois décontaminés, servent à attirer des entreprises qui ont une plus value à offrir, si possible dans des secteurs de pointe comme les technologies vertes par exemple, et pas de simples entrepôts ou centres de distribution », soutient Caroline Bourgeois.
Finalement, concernant l’incontournable dossier du transport collectif dans l’est, la mairesse de RDP-PAT milite pour une meilleure concertation entre la Ville et CDPQ Infra dans le projet du REM de l’est. « On veut s’assurer que son intégration dans les différents quartiers soit adéquate et bien faite, tout comme les aménagements dessous et autour de la structure. Et personnellement, je trouverais inacceptable qu’il n’y ait pas de station à Rivière-des-Prairies qui est actuellement plus que mal desservi. Il y a des arrondissements qui ont 9 stations de métro sur leur territoire alors de que la Pointe-de-l’Île à la station de métro Radisson, la plus proche, ça prend 45 minutes en autobus… imaginez. Ce serait un non-sens d’enclaver encore plus RDP », conclut Caroline Bourgeois.