Les avocats Émilie Therrien et Yoann Gauthier préparent le lancement de la Clinique juridique HocheLégal. (Photos : Denis F Côté).

DES AVOCATS DONNERONT AUX SUIVANTS DANS HOCHELAGA

Malgré la crise de la COVID-19, la plupart des avocats et des notaires de l’Est de Montréal demeurent au travail, même s’ils doivent limiter les contacts directs avec la clientèle.

En vue du retour à la normale, des avocats, à l’esprit particulièrement communautaire, se préparent à offrir bientôt une partie de leur temps gracieusement, sur une base régulière, afin de servir des citoyens ou des organismes peu nantis dans l’Est de l’Île.

Début mars, EST MÉDIA Montréal a rencontré à cet effet l’équipe de la Clinique juridique de Saint-Michel, de même que maîtres Émilie Therrien et Yoann Gauthier, qui préparent le lancement de HocheLégal dans la partie ouest de l’arrondissement Mercier – Hochelaga-Maisonneuve.

Ces initiatives d’aide juridique sont grandement inspirées de l’organisme Juripop qui s’active dans l’arrondissement Ville-Marie, après avoir débuté à Saint-Constant, en Montérégie.

De 150 $ à 1 000 $ de l’heure… ou gratuit

C’est bien connu, il est assez coûteux d’avoir recours à un avocat, en pratique privée. « Les tarifs varient d’environ 150 $ de l’heure à Sky is the limit, autour de 1 000 $ de l’heure, mentionne Yoann Gauthier. Les prix sont fixés selon le prestige du cabinet, les spécialités et les équipes de recherche en appui. »

Au Québec, les personnes qui se qualifient, par leur modestie financière, ont droit à une aide juridique gratuite subventionnée par le gouvernement. Si vous êtes juste un peu au-dessus de cette pauvreté relative, un barème détermine la portion du tarif normal que vous aurez à débourser. Par exemple, un adulte avec un enfant à charge, a droit à ce soutien sans frais s’il gagne moins de 27 835 $ par année.

Pour Montréal et Laval, ces services sont dispensés par le Centre communautaire juridique de Montréal (CCJM), ouvert au début des années 1970. « Depuis plus de 40 ans, nous nous appliquons chaque jour à aider et informer les citoyens à propos de leurs problèmes juridiques », indique le site web du Centre, qui ne compte pas moins de 116 avocats, aidés par une équipe de 158 personnes. Certains avocats, hors du CCJM, peuvent aussi prendre des mandats d’aide juridique.

Pour démontrer la complexité et la diversité de la pratique du droit, voici les 12 domaines couverts par le CCJM : Droit familial, Droit criminel et pénal, Droit de la jeunesse, Immigration, Droit civil, Administratif (aide sociale, SAAQ, CSST), Droit de la santé, Droit du logement, Faillite, Carcéral, SAH/SARPA (garde et pension alimentaire d’un enfant), Services hors Québec, et Service de garde téléphonique.

Cliniques juridiques en complément

Pour aider les nombreux citoyens, les organismes et mêmes les petites entreprises qui, « trop riches » pour se qualifier à l’aide juridique, n’ont guère les moyens de se payer des avocats ou notaires de pratique privée, quelques cliniques juridiques communautaires ont donc vu le jour à Montréal ou sont actuellement en développement.

Dans tout le territoire desservi par EST MÉDIA Montréal, il n’y a toutefois qu’une seule clinique juridique en fonction, celle du quartier Saint-Michel, cofondée et présidée par Me Fernando Belton; alors que Me Nada Boumeftah assure la vice-prédisence et Rhita Harim, la coordination. Des projets de cliniques similaires sont en gestation pour Montréal-Nord et pour Hochelaga-Maisonneuve, tel que mentionné précédemment.

Rencontres hebdomadaires à Saint-Michel

La principale activité de la Clinique juridique de Saint-Michel est sa session hebdomadaire, le mercredi à compter de 17h, où des citoyens peuvent rencontrer, sans rendez-vous pour la plupart, des étudiants en droit qui leur expliquent, dans la mesure du possible, comment venir à bout de leurs problèmes.

Ce service n’étant pas très connu encore, les clients sont choyés, pouvant très bien rencontrer trois étudiants, pendant une heure, lesquels seront appuyés, au besoin, par un avocat d’expérience.

Lors de notre visite le 11 mars dernier, une quinzaine d’étudiants et deux avocats furent au service de seulement neuf citoyens. Après la session, les étudiants en droit et leurs mentors se sont réunis pour discuter des problèmes entendus, de même que des solutions proposées.

Rencontre interne des étudiants et avocats de la Clinique juridique de Saint-Michel, après la période de consultation offerte au public.

Il peut arriver qu’un cas soit trop complexe ou trop long à résoudre; l’équipe admet alors au client qu’il devrait avoir recours à un avocat. Il y en a d’ailleurs plusieurs qui pratiquent dans le même édifice où les cliniques se tiennent, au 3737 Crémazie Est.

Ouverte depuis août 2019 seulement, la Clinique juridique de Saint-Michel mène aussi des partenariats avec plusieurs organismes, dont le Collège Ahuntsic, Éducaloi et Forum jeunesse de Saint-Michel.

Évidemment, durant cette crise sanitaire de la Covid-19, la Clinique ne maintient que des activités en ligne ou au téléphone, de même que des vidéos en direct sur Facebook.

HocheLégal

Dans Hochelaga-Maisonneuve, les avocats Émilie Therrien et Yoann Gauthier préparent le lancement de la Clinique juridique HocheLégal. La date du premier rendez-vous sera déterminée selon l’état de l’actuelle crise de la Covid-19, qui interdit les rassemblements publics.

Quoiqu’il en soit, ses fondateurs sont déjà enchantés de l’offre de participation bénévole de plus d’une quarantaine d’avocats et de notaires du quartier. Ces militants ont déjà tenu une réunion encourageante, avant les mesures de distanciation imposées par le gouvernement du Québec.

HocheLégal offrira, à ses débuts, une journée de consultation citoyenne par saison. Cette modeste ambition s’explique par l’absence de local permanent pouvant accueillir la clinique. « Puisque nous aurons à trouver une organisation hôte pour chaque clinique, nous ne pouvons pas garantir davantage qu’une journée par saison, pour la période du démarrage du moins », explique Émilie Therrien.

En revanche, tout comme à Saint-Michel, HocheLégal a l’intention de jumeler des OBNL avec ses avocats bénévoles. Ce service peut même être offert à de petites entreprises privées, par exemple à un marchand qui voudrait être épaulé pour négocier ou renouveler son bail commercial. Dans la location non résidentielle, il n’y a pas de protection gouvernementale lorsqu’un bail se termine. Si un propriétaire veut expulser son locataire commercial, ou doubler son loyer, il en a la possibilité si le bail ne contient pas de clauses de protection à ce sujet.

Médiation ou confrontation ?

HocheLégal ne prévoit pas offrir de services de médiation, car les avocats, selon la pratique courante, défendent une partie, c’est-à-dire un client qui est en conflit avec une autre partie, que cela soit un autre individu, une entreprise privée ou une organisation gouvernementale.

Cependant, dans beaucoup de cas, les conseils des étudiants ou des professionnels en droit de la clinique inciteront les citoyens à discuter et s’entendre avec leurs vis-à-vis, en étant mieux informés du droit et des pratiques relatifs à leur problème.

Quant à la médiation professionnelle, elle n’est pas du tout découragée, bien au contraire, explique Me Gauthier. « C’est sûr que, de plus en plus, nous sommes incités par le Barreau et le Code de procédure civile, qui est entré en vigueur en 2016, à amener les gens vers des modes alternatifs de règlement des différends, dit-il. Il ne faut pas toujours aller devant la Cour. Un médiateur est là pour concilier les positions des parties. On peut agir juste par une conciliation, tel un arbitrage (…). À la Régie du logement, par exemple, ils offrent les services d’un médiateur, qui tentera de trouver une entente entre les parties, pour éviter une audience devant un régisseur. »

Avocat ou notaire ?

Le Québec se distingue de ses voisins anglosaxons par la contribution des notaires et du Code civil, hérités de nos origines françaises. Il n’y a pas de notaires « de formation » au Canada anglais, ni aux États-Unis, cette fonction faisant partie intégrante du rôle des avocats.

« Les notaires au Québec ont des tâches bien différentes à celles des avocats, résume Émilie Therrien. Les notaires sont supposés être neutres par rapport aux parties, comme dans une vente d’immeuble. Alors que l’avocat ne représente que son client. Les notaires sont là surtout pour les choses qui touchent les gens de façon personnelle, comme les mariages, les séparations, la garde d’enfants, les testaments, les mandats d’inaptitude, etc. »

« Pour ma part, je trouve que l’apport des notaires est pertinent, complète son collègue Yoann Gauthier. C’est distinct du domaine des avocats. Il est bénéfique qu’un expert neutre rédige un contrat équitable et précis pour les parties. Les notaires sont habilités à rédiger des contrats, dans plusieurs secteurs, bien en dehors de la zone des testaments et des ventes d’immeubles. »

Code civil distinctif

Hérité du régime français, le Code civil québécois serait avantageux pour nous, selon Émilie Therrien : « Le droit est beaucoup plus facile à appliquer grâce au Code civil, car autrement, comme dans le reste du Canada, il faudrait s’appuyer sur des lois qui sont parfois indigestes à lire », dit-elle. « Pour un citoyen, renchérit Me Gauthier, c’est plus facile avec notre système, car à la limite, il peut emprunter le Code civil à la bibliothèque et essayer de trouver la section qui correspond à sa situation, et peut-être se débrouiller. Ce ne serait pas facile, mais c’est faisable. »

La première clinique de HocheLégal reste à confirmer selon l’évolution de la Covid-19 à Montréal. L’invitation devrait être diffusée par plusieurs pages Facebook du quartier.

Comme à Saint-Michel, les informations fournies par des bénévoles d’HocheLégal seront offertes à toutes personnes, sans distinction du revenu. Quant aux petites entreprises, des barèmes seront établis.

Une super clinique sur la Covid-19

Le 20 mars, le Barreau du Québec, en collaboration avec le ministère de la Justice, la Commission des services juridiques (CSJ) et le Centre d’accès à l’information juridique (CAIJ), ont lancé une super clinique gratuite de renseignements et d’aide juridique par téléphone concernant la pandémie de la Covid-19. Pas moins de 200 avocats sont déjà à cette tâche, soit bénévolement, soit mandatés par leurs employeurs. Presque tous agissent depuis leurs domiciles.

Première publicité de la clinique juridique en lien avec le Covid-19. On trouve aussi passablement de renseignements juridiques sur l’impact de la Covid-19 sur le site d’Éducaloi.


Quelques ressources juridiques sur le web :