Vue aérienne du pont-tunnel, 1974 (Archives de la Ville de Montréal).

L’HISTOIRE FASCINANTE DU PONT-TUNNEL MAINTENANT EXPOSÉE AU MUSÉE VIRTUEL DU CANADA

L’Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve vient tout juste d’annoncer la mise en ligne de sa grande exposition consacrée à l’histoire du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine sur la plateforme du Musée virtuel du Canada (museevirtuel.ca). Administré par le Musée canadien de l’histoire (MCH) avec le soutien financier du gouvernement du Canada, le Musée virtuel du Canada est un programme qui contribue à développer les capacités numériques des musées et organismes patrimoniaux canadiens, et permet à la population canadienne de profiter d’une grande variété de récits et d’expériences.

Cette exposition majeure est issue d’un travail de recherche colossal effectué par l’historien William Gaudry, actuel directeur de l’Atelier d’histoire MHM, qui a d’ailleurs consacré sa thèse de doctorat sur le sujet. Rappelons que cette exposition initialement physique a déjà été présentée avec beaucoup de succès en 2017 à la Maison de la culture Maisonneuve.

Un récit captivant et accessible

Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, inauguré en 1967, est toujours aujourd’hui le plus grand ouvrage du genre au Canada, et il mérite certainement que l’on y consacre une page d’histoire au sein du Musée virtuel canadien. C’est la conclusion qui s’impose lorsque l’on prend le temps de lire, pendant une toute petite heure environ, l’ensemble de la documentation sur le sujet qui nous est habilement présentée sous forme chronologique, de la fondation des secteurs de Longue-Pointe et de Boucherville à aujourd’hui.

Ce tramway faisait le lien entre les deux rives en période hivernale. De petits arbres étaient plantés sur la glace pour orienter le conducteur. Au 17e siècle, il était plus facile pour les habitants de Longue-Pointe de se rendre à l’église de Boucherville pour la messe que de s’aventurer sur les routes enneigées jusqu’à l’église de Pointe-aux-Trembles. Image : Société d’histoire des Îles-Percées. Source des photos et bas de vignettes : Atelier d’histoire MHM.

Le tour de force de l’Atelier d’histoire MHM dans ce projet, outre l’immense recherche derrière l’exposition, est certainement d’avoir réussi à synthétiser une énorme quantité d’informations pour nous présenter en bout de ligne l’essentiel du parcours historique de cette grande réalisation, mais un essentiel qui saura certainement en surprendre plus d’un tant sur le plan technique qu’historique. On y a apprend des choses étonnantes sur l’évolution de cette partie de l’Est de Montréal, de la rive sud, et bien sûr en ce qui concerne les prouesses techniques du projet de pont-tunnel, entre autres. Peut-être que cette belle histoire vous rendra plus indulgent (ou plus zen) lorsque vous subirez bientôt les contraintes de la rénovation majeure du pont-tunnel qui arrive à grand pas…

Abondamment illustrée, l’exposition virtuelle nous apprendra notamment que depuis son inauguration, le pont-tunnel a laissé des traces permanentes sur chacune des rives. À Montréal, il a entraîné la destruction quasi complète du village de Longue-Pointe, alors que paradoxalement, il a accéléré l’urbanisation sur la rive sud. Le nouveau lien entre les deux rives était aussi rendu nécessaire par l’essor fulgurant du transport routier. Les ponts Honoré-Mercier, Victoria et Jacques-Cartier sont à plein rendement dans les années d’après-guerre. En 1945, près de 3,8 millions de véhicules les empruntent. En 1959, ce nombre grimpe à plus de 30 millions, peut-on lire dans le document de l’Atelier d’histoire MHM.

Magasin Racicot dans le Vieux-Boucherville, vers 1910. Au début du 20e siècle, le village de Boucherville devenait une destination touristique phare dans la région de Montréal. Image : Société d’histoire des Îles-Percées.

Parmi quatre sites évalués pour établir le pont-tunnel, ce sera celui de Longue-Pointe qui sera finalement retenu.

Celui-ci tire profit d’une zone tampon avec les propriétés de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu. Cette bande de terre n’a jamais été urbanisée jusqu’au boulevard métropolitain, hormis le noyau villageois près du fleuve. La montée Saint-Léonard, qui longe la zone tampon, aboutie dans une forme convexe qui simplifie la construction des approches d’un pont ou d’un tunnel. Les îles de Boucherville peuvent servir d’appui pour réduire les coûts en structures. En outre, le secteur n’est jugé ni trop loin ni trop près du centre-ville, ce qui permet de soulager la circulation sur le pont Jacques-Cartier et de créer un nouveau corridor de développement dans l’est de Montréal et sur la rive sud.

Le site de Longue-Pointe est celui qui s’accorde le mieux avec les projets du Port qui souhaite occuper les berges de l’est de l’île, doubler le chenal navigable aux îles de Boucherville et transformer cet archipel en complexe portuaire. Un lien autoroutier entre Montréal et Boucherville est idéal dans la mesure où le Port s’oriente peu à peu vers le camionnage (extrait tiré de l’exposition virtuelle).

Le modèle des tunnels à caissons serait une technique inventée par la firme danoise Christiani & Nielsen dans les années 1930, consistant à préfabriquer des caissons en béton, de les couler dans une tranchée au ras du lit fluvial et de les raccorder sous l’eau.

Les jeunes ingénieurs Per Hall et Armand Couture suggèrent cette option à Jean Lesage en février 1962. Ce sont eux qui l’ont importée au Canada. En 1959, ils ont conçu le tunnel du Dea’s Island en banlieue de Vancouver. Donc, en plus d’être québécois, ces deux ingénieurs ont de l’expérience en la matière, un choix gagnant pour le gouvernement nationaliste de Lesage. L’utilisation du béton pour ce type de tunnel est un facteur positif pour l’économie locale. Le Québec est à cette époque un grand producteur de béton et détient une expertise concurrentielle. L’option d’un tunnel à caissons est la moins chère, la plus rapide à livrer et la plus avancée technologiquement. Elle est également la moins dommageable pour le village de Longue-Pointe, dont une partie doit être expropriée (extrait).

Traversée inaugurale du pont-tunnel, 11 mars 1967 (photo : La Presse).

Ainsi, pour celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire, en particulier de l’Est de Montréal, cette exposition virtuelle de grande qualité vaut le détour, sans hésiter. Et c’est par ici : http://www.museevirtuel.ca/community-stories_histoires-de-chez-nous/pont-tunnel-louis-hippolyte-lafontaine_bridge/