LA LIGNE ROSE DEMEURE LE MEILLEUR PROJET SELON FRANÇOIS CROTEAU
Pour souligner le lancement du site EST MÉDIA MONTRÉAL, une douzaine de dirigeants d’organismes et d’élus influents de l’Est de la métropole ont accepté de participer à une importante série d’entrevues exclusives et de partager avec vous leur vision des enjeux et des défis à relever sur le territoire au cours des prochaines années. Cette semaine, le résumé de notre rencontre avec François Croteau, maire de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie.
Alors que dans l’Est de Montréal on discute fort ces temps-ci à savoir quelle option de transport collectif serait la plus pertinente entre le projet de tramway de la CAQ et le prolongement du REM, le maire de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, François Croteau, est toujours d’avis que la meilleure solution demeure la construction d’une nouvelle ligne de métro, la fameuse ligne rose de son parti Projet Montréal. « Si on veut offrir du transport collectif de qualité aux gens de l’Est ça prend définitivement la ligne rose », soutient le maire, en ajoutant que ce projet est « le seul actuellement qui promet une infrastructure de qualité pour décongestionner la ligne orange et désenclaver la population d’une grande partie de l’Est comme Montréal-Nord, Saint-Michel, Marie-Victorin, Hochelaga et le Vieux-Rosemont, notamment. »
Pour François Croteau, à l’instar d’à peu près tous les acteurs socio-économiques de l’Est, le dossier prioritaire actuellement pour la région est la mobilité. « C’est le vecteur qui influe sur tout ce qui touche au développement du territoire, qu’on parle d’emplois, d’économie, de qualité de vie, de développement immobilier, tout est relié au transport et en ce moment c’est la déficience du réseau de l’Est qui nuit à la croissance du secteur », affirme-t-il. Pour lui, le SRB Pie-IX va grandement aider à améliorer la situation dans trois ou quatre ans lorsqu’il sera complété, « mais il va falloir faire plus, c’est évident », dit-il.
« L’Ouest de l’Est se porte mieux »
La délimitation de l’Est de Montréal est depuis longtemps « variable » selon la perception populaire. Quoiqu’officiellement et historiquement le territoire se situe entre le boulevard Saint-Laurent et la pointe Est de l’Île (Pointe-aux-Trembles), pour bien des Montréalais il se situe plutôt de la voie ferrée qui délimite Rosemont de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal jusqu’à la Pointe-de-l’Île (c’est d’ailleurs le territoire couvert par Est Média Montréal). Et pour d’autres, les quartiers Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont sont plutôt des quartiers « centraux », beaucoup plus densifiés, et qui ont une réalité qui diffère des autres arrondissements de l’Est. Selon François Croteau, qui a été élu pour la première fois maire de RPP en 2009 sous les couleurs de Vision Montréal, Rosemont vit en effet une certaine dualité en ce qui concerne le sentiment d’appartenance des résidents de l’arrondissement, et encore plus de ceux du Vieux-Rosemont, du district Marie-Victorin et du quartier Angus. « Je dirais que Rosemont a effectivement une double personnalité si on considère que le centre de Montréal est une zone régionale. Rosemont est à la fois un quartier central, mais ses institutions majeures, comme par exemples le Jardin Botanique, le Parc Maisonneuve et l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, sont fortement ancrées dans l’histoire et le quotidien de l’Est. Rosemont et Hochelaga-Maisonneuve, c’est finalement l’Ouest de l’Est, avec beaucoup de choses qui nous diffèrent, mais notre réalité régionale et notre appartenance fondamentales demeurent l’Est de Montréal », avance M. Croteau, qui a, et cela mérite mention, décroché son doctorat sur la gouvernance urbaine en pleine campagne électorale il y a environ un an, lui qui possédait déjà un MBA et baccalauréat en histoire.
Encore une fois, pour parler des différences entre les quartiers à l’Ouest de l’Est, il faut selon le maire pointer avant tout vers le fameux transport collectif. « Rosemont et Hochelaga-Maisonneuve sont définitivement mieux desservis par le transport en commun, même si on est loin de la perfection dans ces deux arrondissements. Alors imaginez ce que les gens de Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles, Montréal-Est, Montréal-Nord, pour ne nommer que ces territoires, vivent au quotidien en terme de transport. Plus tu vas à l’Est, plus la mobilité devient difficile. C’est certain que pour un résident de Rosemont, c’est beaucoup plus facile et rapide de se déplacer à Montréal que pour un résident de Rivière-des-Prairies », affirme-t-il.
L’économie et l’emploi, en général, iraient mieux également selon lui dans son arrondissement et l’arrondissement voisin que dans le reste de l’Est. « En fait, il y a une transition économique qui commence à s’opérer dans l’extrême Est qui a vu depuis une trentaine d’années ses industries lourdes quitter progressivement. Et on le sait, tant que le transport collectif ne sera pas amélioré dans certains secteurs de l’Est, les grands projets de développement vont être difficiles à réaliser puisque les entreprises veulent s’installer là où les employés peuvent s’y rendre facilement. Alors oui, je crois qu’actuellement on peut dire que ça va mieux dans l’Ouest de l’Est, mais la volonté politique est bien réelle en ce moment pour améliorer le sort de l’extrême Est », explique François Croteau. Ce dernier ajoute que Rosemont, particulièrement, est choyé en ce moment au niveau économique : « l’évaluation immobilière est en hausse constante, les terrains qui étaient disponibles ces dernières années sont tous en construction ou en voie de l’être, nos artères commerciales vont bien et nous avons sur notre territoire des pôles d’emplois extrêmement dynamiques comme le secteur de la santé, avec particulièrement l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et ses 3 000 emplois, et le Technopôle Angus, qui génère tout autant d’emplois. Rosemont vit de belles années en ce moment », affirme le maire.
Contrer la gentrification
Si Rosemont a le vent dans les voiles et est aujourd’hui l’un des quartiers les plus prisés de la métropole, cette évolution n’amène pas que des effets bénéfiques pour l’administration municipale. La gentrification de certains secteurs, et particulièrement du Vieux-Rosemont, oblige les élus de l’arrondissement à prendre des mesures concrètes pour que le quartier demeure abordable et conserve la mixité sociale qui l’a si longtemps caractérisé. « Notre enjeu le plus important, c’est de s’attaquer efficacement au problème de logement. Nous devons absolument tout faire pour maintenir le parc de logements locatifs et ajouter des logements sociaux dans le secteur. Pour l’instant, nous avons réussi à garder un certain équilibre, mais c’est fragile », admet le maire. Fait particulier à noter : l’émergence d’immenses complexes immobiliers comme les U31, MUV, ou TAK dans Rosemont ne génèrent pas plus de moyens financiers dans les coffres de l’arrondissement, comme on pourrait l’imaginer : « Ces projets apportent beaucoup de nouveaux résidents et propriétaires de condos dans Rosemont, mais ce n’est pas l’arrondissement qui en récolte les taxes, c’est la ville centre. Donc ces complexes, pour le moment, demandent beaucoup de dépenses d’infrastructures pour nous, mais ça ne nous enrichie pas », explique M. Croteau.
Il est vrai que l’administration rosemontoise a resserré depuis quelques années ses règles permettant de convertir les plex locatifs en condos et que quelques milliers d’unités de logements abordables ou sociaux ont été imposées aux récents et grands complexes immobiliers qui émergent dans le secteur (en face du parc Pélican et sur Mont-Royal dans le quartier Angus entre autres), via de nouvelles réglementations municipales de la ville centre et de l’arrondissement, mais est-ce assez pour assurer une véritable mixité urbaine? « Le temps nous le dira, mais je crois que nous faisons ce qui est possible de faire comme administration municipale. D’ailleurs, la nouvelle réglementation avancée par Projet Montréal et qui obligera bientôt systématiquement les promoteurs immobiliers à insérer beaucoup plus de logements sociaux dans leurs projets aura un impact significatif et encore jamais vu pour protéger la mixité des quartiers », affirme M. Croteau.
Le maire d’arrondissement avoue qu’il est toutefois difficile de concilier l’amélioration significative des infrastructures publiques, donc de grands investissements, et le maintient d’un rôle d’évaluation bas ou disons accessible. « On veut évidemment que les gens aient accès à des aménagements urbains de qualité, et on veut toujours améliorer la qualité de vie du quartier. Mais ces travaux ont un impact direct sur la spéculation immobilière. C’est un aspect qui est extrêmement difficile à contrôler », explique François Croteau.
Un autre exemple récent de l’arrondissement pour contrer la spéculation immobilière et dynamiser la vie de quartier dans le Vieux-Rosemont a été d’imposer pour toute nouvelle construction sur la rue Masson, à l’Est de Saint-Michel, un rez-de-chaussée dédié aux commerces de proximité. « Les résidents de ce secteur subissaient un espèce de désavantage parce qu’il y avait beaucoup moins de commerçants sur cette portion de Masson, alors que les complexes de condos poussaient allègrement et, justement, écartaient des espaces commerciaux autrefois occupés, par exemple, par de petits épiciers », explique François Croteau, qui espère que la Promenade Masson s’allonge éventuellement au-delà de Saint-Michel.
Les priorités du maire
François Croteau affirme avoir trois priorités bien définies pour son arrondissement et l’Est de Montréal. La première est l’amélioration du réseau de transport collectif, comme nous l’avons vue précédemment. À ce sujet il ajoute qu’il espère que Rosemont « bénéficiera très bientôt des 300 nouveaux autobus annoncés pour augmenter la fréquence des bus dans le Vieux-Rosemont, surtout sur Masson et dans Angus. »
Sa deuxième priorité serait liée au développement économique, qu’il faut accélérer à l’extrême Est du territoire. « La création d’emplois, c’est dans ce secteur qu’il faut la stimuler », dit-il. Troisième priorité : l’habitation. À ce que nous avons déjà dit à ce sujet, le maire de Rosemont–La-Petite-Patrie est aussi d’avis qu’il faut augmenter les efforts pour contrer l’insalubrité des immeubles locatifs, donc faire plus d’inspections et obliger davantage les propriétaires récalcitrants à respecter le droit des locataires à bénéficier d’un environnement sain. Il souligne également qu’il faudrait « accélérer la décontamination des sols dans l’Est de Montréal et que les instances publiques devraient grandement y contribuer puisque ces coûts sont un puissant frein aux investissements privés et au développement économique de la région. »
Finalement, si le maire de RPP avait un seul projet à réaliser d’ici cinq ans, il en surprendra plusieurs en répondant, après quelques secondes de réflexion : une école primaire dans le quartier Angus. « Mais une école publique. Car avec tout le boom immobilier dans ce secteur, ce serait une catastrophe de ne pas y construire une école. Une école gérée par la CSDM », conclut François Croteau, en faisant référence à la polémique du printemps dernier entourant le projet de la Société de développement Angus de promouvoir sur son site une école « alternative ».