(Photo: Wikimedia Commons.)

FINI LES LOYERS ABORDABLES DANS L’EST

Comme l’ensemble des Québécois, les résidents de l’est de Montréal qui déménageront le 1er juillet prochain devront débourser beaucoup plus d’argent pour leur logement. Une situation que dénoncent plusieurs organismes en protection des droits des locataires.

Selon des données colligées (voir plus bas) par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), 2023 s’annonce comme étant la pire année en ce qui a trait à la hausse des loyers, y compris dans l’est.

L’organisme a examiné 48 890 annonces sur Kijiji pour des logements en location à long terme partout au Québec, du 1er février au 31 mai 2023. S’adonnant à cet exercice pour une quatrième année consécutive, le RCLALQ qualifie ces hausses comme étant « abusives » et surpassant de façon exponentielle le taux d’inflation. Selon son rapport « Crise du logement : On s’enfonce encore plus », les loyers des logements offerts sur Kijiji au Québec « ont augmenté en moyenne de 13,7 % entre les printemps de 2022 et de 2023 ».

Qui plus est « cette hausse fulgurante dépasse de presque trois fois l’augmentation de l’indice des prix à la consommation entre avril 2022 et avril 2023, qui était de 4,8 %. De 2021 à 2023, ces loyers ont augmenté de 26 %, alors que l’indice des prix à la consommation augmentait de 11,6 % », indique le rapport.

On constate que les quartiers de l’est ne permettent plus vraiment de trouver un appartement abordable à la veille des déménagements. Le prix moyen des studios varie entre 800 $ et 1000 $ dans tous les quartiers de l’est, tandis que dans l’ensemble de la ville, la moyenne se situe à 1063 $. À titre comparatif, le prix moyen d’un studio dans le Centre-Ville est de 1346 $ et s’élève dans le Plateau à 1113 $. Difficile pour une personne seule avec peu de revenus de se loger, d’autant plus que les prix ont grimpé de façon très rapide dans certains quartiers, si l’on en croit les données du RCLALQ. Pour exemple dans Anjou et Saint-Léonard, le prix moyen d’un studio était de 1041 $ cette année, une hausse de 38,1 % par rapport à 2022.

Les familles aussi devront consacrer une partie plus importante de leur budget pour se trouver un nouveau logement dans l’est. Aucun quartier du territoire n’offre des 4 et demi en dessous de 1100 $, ceux-ci variant la plupart du temps entre 1300 $ et 1500 $. Dans Montréal-Nord, les prix pour des appartements de type 5 et demi ou plus grands affichent en moyenne un bail à 1727 $, soit une hausse de 27,8 % par rapport à 2022.

« Montréal-Nord était un arrondissement typiquement abordable en termes de loyer, mais avec le manque de logements, la pression sur le marché se fait sentir. Ce n’est vraiment pas facile pour les familles, surtout celles issues de l’immigration, qui sont nombreuses ici. Elles font face à beaucoup de discrimination, parce que les propriétaires ont l’embarras du choix pour louer », insiste Mélissa White, organisatrice communautaire pour le Comité logement de Montréal-Nord. Cette dernière indique que depuis le début de juin, son organisme reçoit des dizaines d’appels chaque semaine de familles qui n’arrivent pas à se trouver un logement. « C’est du jamais vu, nous sommes très inquiets de cette situation ».

Mêmes échos de la part de Guillaume Dostaler, coordonnateur chez Entraide logement de Hochelaga-Maisonneuve, qui constate que les ménages qui choisissaient historiquement de se loger dans l’est pour économiser sur leur loyer n’ont désormais nulle part où aller. « Nous avons d’anciens locataires d’Hochelaga qui nous ont appelé pour de l’aide, et qui sont rendus à Joliette parce qu’ils ne trouvent plus rien d’abordable à Montréal. Ce sont des immigrants, qui n’avaient certainement pas l’intention de s’installer en dehors de Montréal, mais ils n’ont pas le choix », souligne-t-il. Ce dernier remarque que le marché de l’immobilier, désormais « inabordable » pour les nouveaux acheteurs, crée une pression sur les valeurs immobilières en périphérie. « Des dizaines de milliers de familles sont tassées toujours plus vers l’est et à l’extérieur de Montréal. Cela fait grimper les prix et se répercute sur les loyers aussi », se désole M. Dostaler.

Le stress à son comble

D’après Cédric Dussault, co-porte-parole du RCLALQ, les locataires de l’est de Montréal ne s’en sortent pas mieux cette année, bien qu’auparavant les quartiers plus excentrés de la métropole offraient des loyers plus abordables que ceux du centre.

« Nous voyons que dans l’est, cela augmente plus rapidement qu’ailleurs à Montréal dans les dernières années. Les prix des quartiers en périphérie rattrapent ceux des quartiers plus centraux, et cette tendance ne ralentit pas, elle s’accélère », souligne M. Dussault.

Le nombre d’évictions est aussi à la hausse, selon lui. Les données n’ont pas été compilées encore pour 2023, mais selon les observations en 2022 du RCLALQ, elles avaient doublé depuis le début de la pandémie.

« Nous avons reçu près d’une centaine d’appels depuis le début de l’année de la part de gens qui n’arrivent plus à se trouver un logement. Comparativement, l’an dernier, on avait eu un total de 130 appels de ce genre pour l’ensemble de 2022. Il est évident que le 1er juillet va être très difficile cette année », affirme pour sa part Olivier Vézina, organisateur communautaire à Infologis.

L’employé du comité logement qui conseille les locataires des secteurs de Rivière-des-Prairies, Anjou, Pointe-aux-Trembles, Mercier-Est, Mercier-Ouest et Montréal-Est, constate que plusieurs familles vivent des situations « dramatiques » et qu’elles vivent souvent une « énorme détresse ». « On parle de loyers qui coûtent aussi cher que des hypothèques dans des quartiers comme Tétreaultville, Anjou et Rivière-des-Prairies, alors qu’avant il s’agissait de quartiers relativement abordables. C’est ridicule », insiste-t-il.

Dans l’ensemble, les représentants des comités logement indiquent que les locataires sont de plus en plus forcés de choisir des logements trop petits ou insalubres pour économiser sur leur loyer.

Faisant front commun, les organismes exigent que le gouvernement s’attaque à la hausse des loyers en imposant un gel des augmentations cette année, suivi d’un contrôle des hausses pour les années subséquentes. Ils demandent aussi la création d’un registre des loyers pour empêcher les augmentations abusives lors des transferts de baux, ainsi que la préservation du pouvoir de cession de bail pour les locataires, récemment remis en question par le projet de loi 31 proposé par la ministre de l’Habitation.

Prix moyen des loyers dans l’est de Montréal
(Source : Rapport « Crise du logement : On s’enfonce encore plus », RCLALQ, 2023)

Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension :

  • Studio : 921 $ (écart avec 2022 : 13,0 %);
  • 3 et demi : 1125 $ (écart avec 2022 : 12,3 %);
  • 4 et demi : 1490 $ (écart avec 2022 : 17,1 %);
  • 5 et demi + : 1855 $ (écart avec 2022 : 10,0 %);
  • Total : 1441 $ (écart avec 2022 : 15,17 %)

Hochelaga-Maisonneuve :

  • Studio : 1019 $ (écart avec 2022 : 9,3 %);
  • 3 et demi : 1276 $ (écart avec 2022 : 12,3 %);
  • 4 et demi : 1574 $ (écart avec 2022 : 9,0 %);
  • 5 et demi + : 2022 $ (écart avec 2022 : 14,0 %);
  • Total : 1514 $ (écart avec 2022 : 12,0 %)

Rosemont – La Petite-Patrie :

  • Studio : 971 $ (écart avec 2022 : 17,0 %);
  • 3 et demi : 1208 $ (écart avec 2022 : 14,4 %);
  • 4 et demi : 1526 $ (écart avec 2022 : 14,6 %);
  • 5 et demi + : 2061 $ (écart avec 2022 : 13,0 %);
  • Total : 1481 $ (écart avec 2022 : 14,5 %)

Anjou/Saint-Léonard :

  • Studio : 1041 $ (écart avec 2022 : 38,1 %);
  • 3 et demi : 1096 $ (écart avec 2022 : 14,4 %);
  • 4 et demi : 1348 $ (écart avec 2022 : 11,9 %);
  • 5 et demi + : 1853 $ (écart avec 2022 : 15,4 %);
  • Total : 1435 $ (écart avec 2022 : 13,2 %)

Montréal-Nord :

  • Studio : 769 $ (écart avec 2022 : 2,3 %);
  • 3 et demi : 985 $ (écart avec 2022 : 13,3 %);
  • 4 et demi : 1186 $ (écart avec 2022 : 12,0 %);
  • 5 et demi + : 1727 $ (écart avec 2022 : 27,8 %);
  • Total : 1248 $ (écart avec 2022 : 17,5 %)

Mercier :

  • Studio : 864 $ (écart avec 2022 : 7,8 %);
  • 3 et demi : 1091 $ (écart avec 2022 : 15,6 %);
  • 4 et demi : 1390 $ (écart avec 2022 : 16,2 %);
  • 5 et demi + : 1838 $ (écart avec 2022 : 18,3 %);
  • Total : 1409 $ (écart avec 2022 : 16,9 %)

Pointe-aux-Trembles/Montréal-Est :

  • Studio : 802 $ (écart avec 2022 : 7,1 %);
  • 3 et demi : 1031 $ (écart avec 2022 : 12,3 %);
  • 4 et demi : 1324 $ (écart avec 2022 : 17,0 %);
  • 5 et demi + : 1734 $ (écart avec 2022 : 14,5%);
  • Total : 1349 $ (écart avec 2022 : 17,1%)

Ailleurs à Montréal

Prix moyens à Montréal :

  • Studio 1063 $ (écart avec 2022 15 %);
  • 3 et demi : 1292 $ (écart avec 2022 : 14 %);
  • 4 et demi : 1615 $ (écart avec 2022 : 14 %);
  • 5 et demi + : 2021 $ (écart avec 2022 : 12 %);
  • Total : 1573 $ (écart avec 2022 : 14 %)

Centre-ville/Île-des-Sœurs :

  • Studio : 1346 $ (écart avec 2022 : 13,3 %);
  • 3 et demi : 1697 $ (écart avec 2022 : 9,3 %);
  • 4 et demi : 2336 $ (écart avec 2022 : 11,6 %);
  • 5 et demi + : 2801 $ (écart avec 2022 : 14,3 %);
  • Total : 1893 $ (écart avec 2022 : 10,1 %)

Plateau-Mont-Royal :

  • Studio : 1113 $ (écart avec 2022 : 13,7 %);
  • 3 et demi : 1408 $ (écart avec 2022 : 12,5 %);
  • 4 et demi : 1877 $ (écart avec 2022 : 11,6 %);
  • 5 et demi + : 2461 $ (écart avec 2022 : 16,4 %);
  • Total : 1715 $ (écart avec 2022 : 11,7 %)