L’édifice dans lequel est logé l’organisme Le Tour de lire, sur le boulevard Pie-IX, dans Hochelaga-Maisonneuve. Photo : Emmanuel Delacour/EMM.

DIFFICILE D’AVOIR DES ESPACES COMMUNAUTAIRES DANS L’EST

Pour les organismes communautaires dans l’est de Montréal, rares sont les locaux disponibles. Que ce soit pour trouver ou conserver un bail ou même acheter un édifice, la voie est parsemée d’embûches pour les groupes qui souhaitent se loger.

« C’est un besoin qui touche de plus en plus d’organismes. Il y a eu quelques moments tournants dans la dernière décennie qui ont fait en sorte que c’est encore plus difficile d’avoir accès à des locaux abordables », affirme Gessica Gropp, chargée de projet à la Coalition montréalaise des Tables de quartier (CMTQ).

Parmi les changements dans le paysage immobilier à Montréal, l’embrasement du marché locatif privé, ainsi que l’augmentation des loyers au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), anciennement la Commission scolaire de Montréal (CSDM), ont contribué à faire grimper le loyer de nombreux groupes communautaires.

« Le CSSDM est un des plus importants propriétaires fonciers à Montréal. Étant précédemment la plus grande commission scolaire du Québec, il est en possession de nombreux bâtiments excédentaires. Il y avait une forme de pacte avec les groupes communautaires pour garder les loyers bas, mais lorsque la CSDM a connu des problèmes financiers, elle a refilé la facture aux organismes », raconte Mme Gropp.

Ainsi, pour contrer cette vague de hausse des prix, les organismes se tournent désormais vers une autre stratégie : l’achat immobilier. En effet, Mme Gropp constate que dans certains cas, il devient moins onéreux pour les groupes communautaires d’acheter l’immeuble dans lequel ils résident plutôt que de risquer de subir d’importantes hausses de loyer ou même d’être évincés.

Par exemple, c’est le cas du Centre Social et Communautaire de La Petite-Patrie, qui a racheté l’édifice situé au 6839 Drolet, un ancien bâtiment excédentaire du CSSDM, dans lequel il loge depuis plus de 40 ans.

À long terme, un immeuble peut coûter moins cher aux organismes qui se regroupent pour l’acheter et cela leur procure une certaine autonomie, croit Mme Gropp. « C’est sûr que lorsqu’on loue, ça peut coûter moins cher mensuellement, mais c’est certain qu’à long terme, on est plus fragile quand le propriétaire reprend l’immeuble ou quand il y a des augmentations soudaines du loyer », souligne-t-elle.

Afin d’aider les organismes à se préparer pour acheter leur propre édifice, la plateforme LOCO Montréal, chapeautée par la CMTQ, lançait la semaine dernière un guide d’acquisition d’immeubles. On y explique les conditions nécessaires à la viabilité d’un projet communautaire d’acquisition immobilière.

Choisir entre les services et le loyer

Face à l’augmentation des loyers, certains regroupements communautaires se retrouvent entre l’arbre et l’écorce. En effet, l’organisme en alphabétisation Le Tour de lire, situé dans un immeuble excédentaire du CSSDM dans Hochelaga-Maisonneuve, a reçu des augmentations de loyer de 12 % récurrentes depuis les cinq dernières années.

« Ça nous met dans une situation de grande incertitude, parce que même si cela devient de plus en plus difficile pour nous de payer ces hausses, nous n’avons pas le choix de rester dans nos locaux pour l’instant, puisque le loyer demeure tout de même plus abordable que ce qu’on trouve sur le marché privé à Montréal », se désole Stéphanie Thibault, formatrice et cogestionnaire de Le Tour de lire.

Son petit groupe sous-loue son local au Pavillon d’éducation communautaire Hochelaga-Maisonneuve et elle craint que la prochaine augmentation imposée par le CSSDM n’oblige le regroupement à éventuellement refiler en partie la facture à son organisme. « On n’a aucunement les moyens de défrayer ces coûts-là, insiste Mme Thibault. Les subventions que nous recevons de la part du ministère de l’Éducation ne sont pas indexées et avec l’inflation et l’augmentation du coût de la vie, nous avons de moins en moins de moyens pour nos activités. Ça met en péril la qualité de notre expertise en alphabétisation auprès des adultes. »

À ces soucis monétaires, s’ajoutent le problème de la vétusté des lieux : problèmes de fournaise qui ne chauffent pas assez en hiver, des cadres de fenêtres qui ont besoin d’être remplacés et des écureuils qui font leur nid dans les murs de l’édifice, les locaux de Le Tour de lire sont loin d’être au goût du jour, constate Mme Thibault.

Quand la vétusté gruge les espaces disponibles

Dans certains cas, la vétusté des locaux est un frein à l’expansion des activités communautaires. En novembre 2021, Alexandre Boucher Bonneau, qui était alors agent de mobilisation du Carrefour populaire Saint-Michel, lançait une pétition réclamant la réouverture du gymnase situé au 2651 boulevard Crémazie Est, dans le quartier Saint-Michel.

L’espace dont il est question se trouve aussi dans un bâtiment excédentaire du CSSDM et sert de débarras aux organismes qui occupent le reste de l’édifice.

Le gymnase du 2651, boulevard Crémazie Est (photo courtoisie Alexandre Boucher Bonneau).

On ne permet plus son utilisation pour des activités sportives ou culturelles depuis plus de trois ans, car une inspection a révélé des problèmes de vétusté, selon les informations fournies par le CSSDM. La présence d’amiante et de moisissures dans les murs ferait en sorte que l’air y est vicié et non-sécuritaire pour la santé, selon les dires de M. Boucher Bonneau.

La pétition de ce dernier, qui a collecté 272 signatures et qui a reçu le support du député de Viau, Frantz Benjamin, ainsi que celui de la mairesse de l’Arrondissement de Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension, Laurence Lavigne Lalonde, demande donc qu’on procède à des travaux pour remettre à neuf le gymnase.

« On manque cruellement d’infrastructures dans Saint-Michel, la réouverture d’un tel espace pourrait permettre d’héberger des activités pour les 600 personnes qui fréquentent les divers organismes situés dans le bâtiment connexe », souligne M. Boucher Bonneau.

Après plusieurs mois d’échanges entre l’ancien agent de mobilisation et le CSSDM, la situation n’a pas changé. « Cet espace s’avère inutilisable pour des activités sportives et il n’est pas prévu de mettre à niveau une installation qui n’est pas utilisée aux fins de notre mission éducative, indique dans un courriel à EST MÉDIA Montréal le Centre de services scolaire. « Sachez que le CSSDM croit en l’importance de la collaboration école-communauté et d’offrir ses installations scolaires à la population montréalaise, lorsque cela est possible. Nous avons d’ailleurs mis en service de nouvelles infrastructures cette année, notamment à l’école Saint-Bernardin et à l’école Sainte-Lucie, deux nouvelles écoles du quartier Saint-Michel. »

Pour le pétitionnaire, la présence d’un espace en plus dans Saint-Michel ne sera jamais de trop. Le quartier aux prises avec des problèmes de violence et de délinquance se doit d’offrir un maximum de ressources et de passe-temps constructifs aux jeunes issus de la précarité. « L’enjeu de la violence dans le quartier ne se réglera pas en plantant quelques petites graines, il faut aller à la racine du problème. On ne peut pas se permettre de fermer un gymnase additionnel », insiste Alexandre Boucher Bonneau.